Six ans à Berlin
13 mai 2013
Il y a six ans, j’ai débarqué à Berlin au terme d’un voyage épique, pendant lequel je m’étais imbibée de café brûlant concocté par la British Airways. Tout avait commencé dans un aéroport londonien avec neuf autres Neuberliner intrépides. Nous participions au programme européen Leonardo da Vinci, et nous ne nous connaissions ni d’Ève ni d’Adam, mais le froid et l’inhospitalité de la capitale allemande nous ont poussés à nous accrocher les uns aux autres la majeure partie des trois mois passés sur place.
Finalement, je ne devais pas en rester là. J’ai dit au revoir à mes nouveaux amis, et j’ai entrepris de faire ma vie à Berlin. Formulé ainsi, ça peut paraître facile, mais ça ne l’est pas. Il y a eu des heurts. En matière de séduction, par exemple : vu que je n’avais pas d’amis gays et que les hommes semblaient s’enfuir en courant dès que j’essayais de capter un tant soit peu leur regard, j’en ai rapidement conclu que le seul moyen de trouver chaussure à mon pied serait de rentrer définitivement au Royaume-Uni. Trois jours plus tard, je sortais avec l’homme (allemand !) avec qui j’allais décider de passer le restant de mes jours.
Malgré mes études d’allemand, j’avais encore du mal à parler la langue. En plus, la rugosité notoire des Berlinois me donnait des envies de meurtre, et j’étais fortement tentée d’hiberner pour passer la saison froide. Cependant, il y a une excellente communauté d’expatriés à Berlin, et cette découverte m’a empêchée de devenir folle (ou de commettre un crime) . Je suis donc parvenue à gagner la confiance de certains autochtones, et à me faire de bons amis allemands (vous voyez, je suis parfaitement intégrée !).
Trois ans après le début de mon aventure allemande, notre progéniture germano-britannique est née, et, d’une certaine manière, c’était une renaissance pour moi. Oui, cela peut paraître kitsch, mais une foule de « petits trucs » (Kleinigkeiten, un de mes mots favoris en allemand) m’ont soudain paru totalement insignifiants. J’ai fait des choses dont je ne me serais jamais crue capable. Mon allemand n’était pas parfait, et alors ? Cela ne me dispensait ni d’appeler le médecin, ni d’aller remplir des formulaires administratifs sournois, ni de m’entretenir avec des inconnus. J’ai fait connaissance avec beaucoup d’autres parents, non seulement pour partager des histoires d’accouchement et de pipi-caca, mais aussi pour avoir une aide concrète, ce qui était d’autant plus nécessaire que nous n’avions aucune famille dans la région.
Bien sûr, ma famille et mes amis restés au Royaume-Uni me manquent terriblement, et je ressens une petite pointe de jalousie quand je réalise que les gens qui habitent près de leurs proches peuvent s’appuyer sur leur famille dans tous les domaines de l’existence (j’aimerais tellement que mon grand frère soit dans le coin pour réparer la machine à laver !), mais j’adore la vie que nous nous sommes construite, et je ne regrette pas le moins du monde d’avoir décidé il y a six ans de rester à Berlin.
Source : L’auteur du blog « Cup of tea anyone? » (cuppateaanyone.wordpress.com), pour Young Germany (blog.young-germany.de)