Petite précision à cet égard : Les arrondissements de Metz et de Château-Salins étaient francophones, et Metz avait été annexée pour des raisons stratégiques, vu qu’on ne voulait pas laisser une place-forte de cette importance à la France. C’est ainsi que le Reich, à l’exception de Fentsch (Fontoy), avait des gares-frontières aux noms français, comme Deutsch-Avricourt (créée après coup après l’annexion, pour se différencier d’Igney-Avricourt en France), Chambrey, Novéant, Moyeuvre… Mais en 1915, pendant la guerre, on pense que des noms français, qui est la langue de l’ennemi, fait désordre. En Russie, c’est le même raisonnement avec St-Pétersbourg qui devient Petrograd. Avricourt devient donc Elfringen, Chambrey Kambrich, Novéant Neuburg (Mosel), Moyeuvre Mövern. En 1940, rebelote. Château-Salins présente un cas particulier, puisque cette sous-préfecture a changé 5 fois de nom au cours du 20e siècle. Devenue Salzburg en 1915, elle redevient Château-Salins en 1918, mais, en 1940, vu que l’Autriche a été annexée entretemps avec la ville de Salzburg, les nazis rebaptiseront la ville en Salzburgen (Westmark) jusqu’à la libération en novembre 1944, où elle redeviendra Château-Salins.
A noter que la France a gardé les structures administratives de la Terre d’empire (Reichsland) annexée, avec des arrondissements beaucoup plus petits que dans la France de l’intérieur, qui avait supprimé nombre de sous-préfectures dans les années 1920-30. C’est ainsi qu’on a des sous-préfectures aussi improbables que Briey (la partie du département de la Moselle qui était restée française, et rattachée à la partie restée française du département de la Meurthe pour former le département de Meurthe-et-Moselle, en forme de cou d’oie allongé) (l’arrondissement de Sarrebourg, dans la Meurthe, avait été rattaché à la Moselle allemande), Boulay (Bolchen), Château-Salins déjà évoquée, Altkirch, Ribeauvillé (Rappoltsweiler), Thann, Erstein, pour ne citer que les plus petites de moins de 10 000 habitants.
Je pense que la situation de l’Alsace-Lorraine est bien plus complexe que linguistique.
La preuve :
Je fais mes courses dans le nord de l’Alsace, je parle en français à un commerçant qui fait semblant de ne pas me comprendre et me répond en allemand (car il n’aime pas les Français).
Deux touristes allemands arrivent alors qui parlent au commerçant en allemand… qui leur répond en français (car il n’aime pas les Allemands).
Résultat des courses : Il a perdu deux ventes.
Pas nécessairement, vous n’avez pas su manoeuvrer, c’est tout ! Faut pas foncer dans le tas aveuglément comme un escadron de cavalerie à Reichshoffen! Suivez bien le mouvement des troupes, même en Alsace, c’est parfois bien beau, le kriegspiel :
- Pour les Français : on vous répond en allemand ; vous répondez dans la même langue, de préférence avec quelques éléments de francique du Palatinat voisin*. Tout s’éclaire, surtout le visage du commerçant. Le reste marche comme sur des roulettes, en français, à la satisfaction générale.
- Pour les Allemands : on vous répond en français. Vous répondez dans la même langue. Tout s’éclaire, surtout le visage du commerçant. Le reste marche comme sur des roulettes, en allemand, à la satisfaction générale.
- expérience vécue dans le nord du 67, il y a 40 ans (mais je vois que ça fonctionne encore aujourd’hui avec fifititi), avec un copain français quand on était étudiants en Allemagne.
J’aurais plutôt tendance à penser que c’est au vendeur à s’adapter à la langue de l’acheteur et non pas l’inverse.
Ce n’est pas à toi, farouche défenseur de la langue allemande, que je vais apprendre la fameuse phrase de Willy Brandt :
[i]- « dann müssen Sie Deutsch sprechen. »
- « Je vous vends quelque chose, je parle votre langue.
Si j’achète, alors vous devez parler allemand. »[/i]
J’admets que cette attitude est commodément taxée de beaufitude bornée. En fait, ça va un peu plus loin que ça en a l’air, c’est un test. C’est comme dans les petites auberges de village, plus « débit de boisson » qu’« auberge » au sens propre. Vous entrez et vous demandez : vous faites à manger ? On vous répondra non, qu’il n’y a rien. Ne repartez pas illico, creusez la question, montrez-vous client intéressé et intéressant : « Vous aurez bien un peu de pâté, ou du jambon ? » On vous apporte une terrine de pâté maison avec du pain. Et puis on vous propose de faire une omelette, ou bien il y a un restant d’un plat consistant (boeuf bourguignon, lapin, etc…) qui n’attend que d’être réchauffé. Et voilà, vous aurez fait un repas plantureux et inattendu, pour un prix qui n’est pas un des moindres charmes de la balade !
Ce petit jeu du chat et de la souris m’amuserait plutôt.
C’est assez plaisant, j’en conviens, pour peu qu’on sache manier les usages et les susceptibilités…
en Alsace si on veut faire parler sa spécificité, on parle en général alsacien, pas allemand.
mais actuellement 99,9% de la population sait s’exprimer en français, même les plus réfractaires d’après guerreS, même en milieu rural.
cependant je repète que cela va au delà des langues. En 1918 il y avait des francophiles qui n’étaient pas pour autant francophones, la langue de l’école étant devenue très largement dominante.
en 1870, l’Allemagne voulait récupérer une province à ses yeux de culture germanique, mais dans les faits, ils n’ont pas considéré les alsaciens comme des allemands à part entière, les députés ont voté à 100% contre le rattachement à l’Allemagne (la France offrait une autonomie beaucoup plus grande avec plein de spécificités locales qui certes auraient peut-être été amenées à disparaitre) et les allemands ne considéraient les alsaciens que comme des « français ».
Ouais, enfin bref !!!
J’en perd mon allemand.
il y a de quoi.
mais rassure-toi : on peut arriver à comprendre.
nous avons même un auteur de livre sur l’histoire de l’Alsace qui n’est pas alsacien du tout, Martial Debriffe (dernier livre « la malédiction des Freudeneck ») qui s’y est plongé pendant des années et qui ne se débrouille pas mal pour comprendre toutes les subtilités de la région.
j’avoue que même en temps qu’alsacienne passionnée d’histoire il y a de quoi devenir fou quand on creuse un petit peu dans les histoires vraies.
j’ajoute que si les allemands avaient tendance à considérer les alsaciens comme des « welsche », les français malgré leurs grands discours sur les provinces perdues et patati, n’étaient pas très tendres avec les alsaciens (même francophones) qui s’aventuraient en terre française. à cause de leur accent ou de leur patois, on les confondait souvent avec des allemands (ce qu’ils étaient devenus stricto-sensu d’ailleurs). les archives ont des anecdotes qui ne rendent pas hommage à l’alsacophilie de la France.
d’où des déchirements entre deuxc cultures, même chez les plus ultras dans les 2 sens.