Une soirée à Paris avec l’écrivain Daniel Kehlmann
Y a-t-il une place pour l’humour dans la littérature germanophone ? À lire et à écouter Daniel Kehlmann, la réponse est claire : oui ! Le jeune écrivain germano-autrichien, auteur du roman « Les Arpenteurs du monde » (Actes sud, 2006), l’un des plus gros succès de la littérature germanophone d’après-guerre, a exposé ses conceptions littéraires vendredi 17 mai à l’Hôtel de Beauharnais, à l’invitation de l’ambassadeur d’Allemagne, Madame Susanne Wasum-Rainer.
Un public jeune et nombreux était venu pour l’écouter. À 37 ans seulement, Daniel Kehlmann est l’une des étoiles montantes de la littérature de langue allemande. Ses romans « Moi et Kaminski » (Actes sud, 2004) et surtout « Les Arpenteurs du monde », traduit en 40 langues, ont rencontré un succès international. Ils lui ont déjà valu de prestigieuses récompenses littéraires. « Gloire : roman en neuf histoires » (2009), « La nuit de l’illusionniste » (2010), « Les Esprits de Princeton » (2012) ont également été salués par la critique. Et ce n’est pas fini. Un prochain roman est annoncé avant la fin de l’année…
L’humour à l’honneur
Ce qui plaît, chez Daniel Kehlmann, c’est cet art de la narration puissant, précis, tissé dans les mailles de la réalité mais sans cesse rompu par l’irruption de l’imagination, de l’inconscient ou d’une perception sensorielle exacerbée. Un réalisme que des « cassures » portent souvent à la drôlerie, dans un style éminement caractéristique. Les nombreux effets comiques que contient « Les Arpenteurs du monde », par exemple, découlent du fait que l’histoire « est racontée par des gens sans humour », a ainsi commenté, non sans humour, l’écrivain.
Peut-être faut-il rechercher le talent plein d’humour de Daniel Kehlmann dans sa double nationalité, allemande et autrichienne ? Le canon de la littérature de langue allemande s’est, en effet, construit sous une forte influence du nord de l’Allemagne, analyse le natif de Munich, qui a étudié la littérature à Vienne avant de s’installer à Berlin. Peut-être la culture de cour, à Vienne, a-t-elle été davantage propice à l’humour en littérature ?
Quoi qu’il en soit, l’humour n’était pas la principale préoccupation des classiques allemands. « En un sens, le classicisme de Weimar était sans humour par son programme même », a expliqué Daniel Kehlmann. Cela ne signifie pas que les écrivains n’aient pas eu d’humour. Mais, en littérature, ils avaient tendance à considérer que l’humour était quelque chose dont il fallait s’excuser si l’on ne pouvait l’éviter…
Expérience
Sa voix littéraire si personnelle, c’est cependant aussi auprès des auteurs latino-américains que Daniel Kehlmann l’a découverte. De ses derniers, il n’hésite pas à parler comme d’inspirateurs. Qu’il soit possible d’écrire une littérature expérimentale fut « une découverte extrêmement libératrice », a-t-il confié.
Curieux et érudit, Daniel Kehlmann est un lecteur assidu. Bien plus, il est l’auteur d’essais remarqués sur les plus grands auteurs allemands et étrangers. Se sent-il intimidé ? « Ce pourrait être le cas », dit-il. « Mais pour moi, c’est plutôt encourageant et vivifiant » de regarder ce qui a été fait de meilleur.