Les maisons de champagnes ont dès leurs créations compris l’intérêt de recruter et engager des négociants, vendeurs allemands. Voyageurs, ils leurs ouvraient les marchés allemands, autrichiens, russes, anglais, américains, pour faire connaître et vendre leurs champagnes. Ils ont permis le développement de ces maisons et surtout contribué à leur notoriété mondiale. Mais en plus de ces vendeurs, il semble que les vins de champagne aient suscité un intérêt particulier auprès de jeunes allemands motivés et créatifs, voulant s’intégrer, racheter et produire eux-mêmes du champagne de qualité. On constate ainsi que parmi les maisons de champagnes les plus connues, réputées, plusieurs ont soit pour origine soit par succession une personnalité ou famille allemandes. Voici les exemples de maisons:
Champagne MUMM
La famille Von Mumm fait partie de la vieille noblesse allemande remontant au XIIe siècle et comportant chevaliers et barons.
En 1761, Peter Arnold Mumm, alors banquier, inaugure une activité de productions et de vente de vins dans la cité de Cologne. La qualité exceptionnelle du Riesling du Schloss Johannisberg en 1811 est à l’origine de la fortune de la maison Mumm. Ses fils, Jacob, Gottlieb et Philipp, suivent les traces de leur père, et démarrent en 1827, en collaboration avec Friedrich Giesler une activité de négociants en vin à Reims en Champagne. La réussite est là, dès 1831, ils comptent comme clients en Angleterre les Rothschild, en Scandinavie le prince royal de Suède et de Norvège.
En 1852, Georges Hermann Mumm (G.H.), petit-fils de Peter Arnold devient le patron de la maison de Champagne qui prend son nom. En novembre 1876, il fait enregistrer, la dénomination « Cordon Rouge ». Sur la bouteille, ce ruban rouge apparenté à la Légion d’honneur française est devenu le signe distinctif d’excellence incarnant l’esprit maison et une reconnaissance de caractères pour son champagne. En 1900, les ventes annuelles atteignant déjà 2 600 000 bouteilles vendues.
La famille Mumm ne prendra pas la nationalité française, si bien qu’en 1914 la firme sera mise sous séquestre, jusqu’à la vente par adjudication de ses biens et marques par le Tribunal civil de Reims, en 1920, à une société anonyme française, la Société Vinicole de Champagne. La maison MUMM appartient de nos jours au groupe Pernot-Ricard.
Champagne PIPER/HEIDSIECK
Friedrich Heinrich Heidsieck, pasteur protestant de Westphalie (né 1705 à Brockhagen, décédé en 1772 à Borgholzhausen) marié à Dorothea Elizabeth THORBECKE sont les ascendants d’une lignée de négociateurs-vendeurs-producteurs de champagne.
Tout commence avec leur fils Florens-Louis Heidsieck (1749-1828) qui s’installe à Reims comme drapier et il y découvre le vin. En 1780, il réalise sa première cuvée. Il n’est ni vigneron, ni rémois, mais il a du talent et c’est un travailleur acharné. Il fonde la Maison Heidsieck en 1785, maison dont le style des vins est immédiatement remarqué, puisque lors d’un séjour à la cour de Versailles, il aurait présenté un flacon de son champagne à la reine Marie-Antoinette. En 1800 il est rejoint par son neveu Christian Heidsieck et en 1815 par son petit-cousin Henri-Guillaume PIPER (né en 1801 en Prusse). Sans descendance, c’est son neveu Christian, qui reprend la maison de champagne, après son décès en 1828. A la mort de Christian en 1837, sa femme veuve reprend la maison, puis se remarie avec Henri-Guillaume Piper et la firme devient H. Piper et Cie, tout en continuant à vendre son champagne sous le nom de Heidsieck, puis de Piper-Heidsieck. Henri-Guillaume Piper développe son affaire et s’attaque avec succès au marché américain. À sa mort, en 1870, Jacques-Charles Kunkelmann (originaire de Mannheim), associé depuis 1851, acquiert le contrôle de la firme et en change la dénomination en Kunkelmann et Cie. Son fils Ferdinand-Théodore Kunkelmann poursuit l’exploitation de sa maison sous la même raison sociale, qui plus tard, sous le double patronage de Florens-Louis Heidsieck et Henri-Guillaume Piper, deviendra à nouveau " Piper-Heidsieck".
Un autre neveu de Florens-Louis, Henri-Louis Walbaum, fonde avec son cousin et beau-frère Pierre Auguste Heidsieck, en 1834, la maison Walbaum, Heidsieck et Cie , qui, après plusieurs changements de raison sociale, deviendra en 1923 Heidsieck et Cie Monopole.
Enfin, Charles Camille Heidsieck, petit-neveu du fondateur, quitte la maison Piper, à l’arrivée de Kunkelmann, pour fonder en 1851 sa propre maison « Charles Heidsieck ». Il lui faut trouver de nouveaux marché et il pense à l’Amérique. C’est ainsi qu’en 1852, il débarque pour la première fois aux Etats-Unis , pour une « reconnaissance » sur place à Boston puis à New York, et lorsqu’il revient en 1857, il exporte déjà 300 000 bouteilles par an outre-Atlantique. Il prend sa retraite en 1886, passant la main à son fils aîné, Charles Marie Eugène.
Charles Heidsieck et Piper-Heidsieck appartiennent depuis 1985 à la famille Descours. Les marques Charles et Piper-Heidsieck comprennent 50 hectares de vigne. Piper Heidsieck est la troisième marque de champagne la plus exportée et pèse cinq fois plus lourd que Charles Heidsieck en volume. Piper Heidsieck produit 7 millions de bouteilles par an. L’entreprise pèse entre 275 et 450 millions d’euros.
La famille Heidsieck possède l’île Illiec, une des plus belles de Penvenan dans les Côtes d’Armor.
Champagne KRUG
Johann-Joseph Krug est né le 27 octobre 1800 à Mayence, de l’union de Johann Peter Krug et Anna Maria Koch. Lorsque Johann-Joseph Krug est né, Mayence était sous le joug français. C’est en 1834 il entra au service de la maison de champagne Jacquesson & fils à Châlons-en-Champagne. Très rapidement, il y devint directeur faisant fonction.
En 1843, Johann-Joseph Krug migra vers Reims et commença à produire du champagne à son compte avec son partenaire Hippolyte de Vives sous le nom « Krug & Cie ». Au début, ils firent commerce de champagne et autres vins de la région champenoise. C’est seulement deux ans plus tard qu’ils débutèrent avec la production de leurs propres vins mousseux. Le fondateur de la maison Krug décéda en 1866. Après un court intérim par sa mère, Paul (1842-1910), leur fils unique, prit la tête de la société. Sous la direction de Paul, la société se développa pour devenir une référence de qualité parmi les maisons de champagne. Son petit fils, Joseph Krug (1869-1967), est à l’origine de la cité-jardin du Chemin Vert qui a été érigée à la suite de la Première Guerre mondiale à Reims par le Foyer Rémois. La production annuelle est de 500 000 bouteilles. La maison Krug appartient au groupe LVMH (incluant Moët & Chandon), mais la direction et présidence d’honneur reste dans la famille.
Champagne BOLLINGER
Jacques Bollinger est à Ellwangen (Würtemberg) en 1803. A l’âge de 20 ans, il est employé par la maison champenoise Muller Ruinart pour la représenter en Allemagne, Pays-Bas et Belgique. En 1829, Jacques Bollinger s’associe avec Paul Renaudin, et le Comte Athanase de Villermont, propriétaire de vignoble champenois. Ils créent la société « Renaudin Bollinger et Cie ». En 1837, Jacques Bollinger épouse la fille du Comte Louise Charlotte de Villermont. Le couple aura deux filles et deux garçons, Joseph et Georges, qui vont étendre le domaine par acquisitions d’autres vignobles et vont faire gagner de la notoriété la marque. Le champagne Bollinger deviendra en effet fournisseur officiel de la Cour d’Angleterre en 1884 jusque de nos jours. Le fils de Georges, Jacques Bollinger reprend la maison en 1918. A sa mort en 1941, sa femme lui succède, sans enfant, ce sont ses neveux qui reprennent la tête du domaine en 1971. La Maison Bollinger est une des rares maisons de Champagne à être encore familiale, la famille étant dépositaire du style des vins.
Champagne DEUTZ
La maison fut fondé en 1838 à Ay par Wilhelm DEUTZ (né à Aachen en 1809) négociant, en collaboration avec Peter Hubert Geldermann (né à Aachen en 1811), vendeur de champagne. Leurs fils respectifs reprennent la maison en plein essor en 1860, ils vont accroitre la notoriété de la marque notamment en Grande-Bretagne, Allemagne et Russie. André Lallier, arrière-arrière-petit-fils du fondateur Wilhelm Deutz, dirige, depuis 1972, la Société qui demeure familiale puisque Jean Lallier détient 51% du capital et ses deux fils le solde. Le domaine de 45 ha produit 1,5 millions de bouteilles chaque année.
A noter aussi la maison de champagne « Veuve Clicquot »:
Son fondateur François-Marie Clicquot pris en 1801 pour vendeur Ludwig Bohne (né à Mannheim), qui lui permis de faire connaître son champagne à la Cour du Tsar Alexandre Ier. Eduard Werle (né à Wetzlar en 1801) succéda à Bohne, auprès de Mme Cliquot veuve en 1821. Il s’associe en apportant 100 000 francs et fait prospérer la maison de façon spectaculaire. En 1831, il se fait naturaliser sous le nom de Mathieu Edouard Werlé. En 1841 il succède officiellement à madame Clicquot Ponsardin. Il sera maire de Reims 1852 à 1868, et député de Reims de 1862 à 1870. Commandeur de la légion d’honneur, commandeur de l’Ordre de Saint Grégoire le Grand, Président du Tribunal de Commerce, Conseiller général de la Marne, il s’éteint en son Hôtel (18 rue du Marc) à Reims le 20 juin 1886 . A sa mort en 1886, son fils Alfred Werlé reprend la maison Cliquot jusqu’en 1907, date à laquelle il cède ses fonctions à son gendre Bertrand de Mun.
Le Baron Ferdinand Georges de Sachs (né en 1818 à Wetzlar), neveu de Edouard Werlé, l’a rejoint comme associé de 1840 à 1868 dans la maison, puis se consacra à des oeuvres charitables (fondation d’hôpital, écoles).
Exceptions: le champagne TAITTINGER fondé par une famille d’origine lorraine, et le champagne ROEDERER, fondé par un alsacien