Au-delà des mesures de restrictions de sorties et d’activités, qui sont à quelques détails près les mêmes dans tous les pays, et au-delà des idées qui fourmillent au sein de la population, en Autriche comme ailleurs, pour se donner du courage et aider à faire passer la pilule, l’Autriche a droit à sa petite particularité: une polémique sur la gestion du coronavirus au Tyrol, née avant même la fin de la crise tellement la chose est sérieuse.
Rappel des faits: A Ischgl, une des stations de sports d’hiver les plus célèbres du pays, le coronavirus, porté par un barman, se répand dès la fin février parmi les touristes notamment du Nord de l’Europe. Les touristes rentrent petit à petit chez eux, rapportant le virus dans leurs bagages. L’Islande classe Ischgl officiellement comme zone à risque le 5 mars et force à une quarantaine tout personne ayant séjourné dans la région après que 14 touristes de retour d’Ischgl ait été testé positifs. Il faut deux jours encore au Tyrol pour déclaré son premier cas à Ischgl, un barman donc. Mais rien de grave: il est peu probable qu’il y ait eu d’autres contagions au Tyrol, dit un haut responsable du système de santé de la région. Deux jours après, on apprend cependant que ce barman a contaminé 15 personnes dans son environnement. Le lendemain, 10 mars, le bar est fermé, aucune autre mesure n’est prise. Le 13, le gouvernement fédéral classe toute la vallée en zone à risque et la place en quarantaine. L’Allemagne classe tout le Tyrol en zone à risque. Les touristes peuvent rentrer chez eux mais doivent le faire directement, sans étapes, et se placer en quarantaine. Par manque de transports et de contrôles, certains touristes (il pourrait s’agir de plusieurs centaines!) passent une nuit à Innsbruck. Le 15 mars enfin, les dernières pistes de ski ferment, la saison des sports d’hiver se termine plus tôt que prévu mais sans doute bien trop tard. Le 16 mars, presque la moitié des cas de coronavirus recensés en Scandinavie sont des skieurs norvégiens de retour du Tyrol. De même que la moitié des cas recensés au Danemark sont de retour d’Ischgl. Dans une interview à la télé le 17 mars, le conseiller régional du Tyrol à la santé déclare que les autorités ont tout fait comme il fallait, la procédure suivie (fermeture tardive, sortie incontrôlée des touristes, dit-on) a été la bonne. Le gouvernement fédéral place toute la région en quarantaine.
Pourquoi le Tyrol a-t-il réagit si tardivement et si mollement ? Tout simplement parce que les professionnels du tourisme, et en particulier les exploitants de téléphériques, ont fait pression sur les autorités pour pouvoir prolonger la saison le plus vite possible. Des échanges de sms ayant eu lieu après l’officialisation du premier cas à Ischgl ont été révélés, on y dit notamment que si le bar incriminé doit fermer, les autres activités devraient continuer au moins une semaine: en une semaine, l’eau aura coulé sous les ponts et on verra pour la suite.
Aujourd’hui, le Tyrol est la deuxième région la plus touchée par le coronavirus en Autriche (674 cas sur 3586), derrière la Haute-Autriche qui l’a dépassé hier. En nombre de cas par habitants, le Tyrol reste de loin la région d’Autriche la plus touchée. La région (8,5% de la population autrichienne) concentre 18,8% des cas de coronavirus, proportion qui était proche des 33% la semaine dernière juste avant la quarantaine.
Chronologie des Versagens par le Süddeutsche Zeitung.
Après-Ski mit bösem Erwachen par Der Standard.
et puis une page avec les chiffres du coronavirus en Autriche actualisée deux fois par jour.