Si l’Allemagne moderne voit le jour entre le fin du 15ème et le début du 16ème siècle, ce n’est pourtant que depuis 1871 qu’elle est une réalité étatique, bien que ses frontières aient été revues plusieurs fois depuis lors.
Le phénomène fondamental de la création de l’Allemagne moderne, c’est la Réforme luthérienne. Elle constitue en effet une détermination religieuse et culturelle d’une grande partie de l’identité de l’Allemagne moderne. De même, elle est à l’origine du clivage de l’Allemagne jusqu’au 20ème siècle; il est vrai que les différences entre pays catholiques et protestants commencent seulement aujourd’hui à s’estomper.
Revenons quelques siècles en arrière pour mieux comprendre les phénomènes en puissance.
La fin du 15ème siècle voit émerger un grand mouvement, celui de la Renaissance. La Renaissance, c’est une notion inventée plus tard, par les gens du 16ème siècle qui entendaient sous cette appellation: « Renaissance des Belles-Lettres ». Avant la Renaissance, les temps étaient plutôt sombres aux yeux de ces contemporains de la Renaissance, ils la nommèrent Moyen-Âge ou encore époque gothique. Il est à noter que le terme ‹ gothique › était péjoratif car signifiait ‹ digne des goths ›.
La Renaissance, quant à elle est née dans la Florence de la moitié du 15ème siècle. En ce temps-là, aller en Italie était une grande difficulté pour les allemands et les gens d’Europe du Nord surtout car il fallait franchir la barrière des Alpes. C’était donc une véritable expédition! C’est pourquoi la Renaissance mit du temps à se répandre en Europe. Une fois plus célèbre, on se rendra en Italie, apprendre l’art italien…
Attention cependant: les Italiens n’ont pas tout inventé. En effet, les flamands sont les inventeurs de la peinture à l’huile (ils se sont rendu compte qu’elle était plus résistante que le peinture à l’eau, particulièrement sensible à l’humidité). Les Italiens virent dans la peinture flamande une concurrence effrayante: il y eut même de l’espionnage industriel, des meurtres… dans le but d’acquérir la composition de la peinture à l’huile!
Les allemands apprirent en Flandre et en Italie les secrets de la peinture flamande. La peinture allemande était du reste assez bourgeoise alors que la Renaissance faisait renaître l’Antiquité.
Le phénomène de la Renaissance est donc la marque de progrès techniques et phénomène littéraire.
D’ailleurs, les écrivains se mettent à composer des ouvrages qui restituent les Belles-Lettres des romains de l’Antiquité. Remarquables sont les écrits de Ronsard, Du Bellay, Rabelais et Montaigne en France; la dramaturgie anglaise culmine avec Shakespeare; Cervantes est popularisé hors des frontières espagnoles. Le phénomène est européen mais ne se propage pas en Allemagne, où l’on constate certes un début littéraire mais qui prend fin trop tôt en raison d’un second phénomène, celui de la Réforme.
En Europe centrale se manifeste un besoin de réformation de l’Eglise, notamment en ce qui concerne la dévotion moderne. Ce besoin passe essentiellement par la bourgeoisie.
Les bourgeois (au sens d’habitants des bourgs) avaient un droit de bourgeoisie (c’est-à-dire détermination du maire et des lois de la cité). Ils vivaient souvent du négoce; ainsi, pendant le temps libre que leur permettait leur activité, ils apprenaient à compter, lire et écrire et s’instruisaient de façon autodidacte. De la sorte, ils apprirent à réfléchir par eux-même, étaient même capables de lire des textes religieux et d’avoir des réflexions personnelles sur ces textes. Les propos tenus à la messe par le curé n’était donc plus suffisants pour ces gens. Il s’y ajoutait une relation personnelle entre l’individu et Dieu; aussi inventa-t-on des petits autels. C’est l’ensemble de ce phénomène que l’on nomme dévotion moderne.
Cette personnalisation de la religion fait que le culte de masse tel qu’il était conçu ne suffisait plus à ces gens qui éprouvèrent, en effet, le besoin de réforme de l’Eglise, attente d’ailleurs non satisfaite par l’Eglise!
Cela crée tout de suite des mouvements de réformateurs, dont le plus célèbre fut celui du tchèque Jan Hus au début du 15ème siècle.
Jan (ou Johannes) Hus, né en 1370, fut le célèbre réformateur de la Boème (Böhmen en allemand). Sous l’influence du maître J. Wiclifs, il combattit l’Eglise et se retourna plus tard contre divers dogmes. Bien que nommé par le roi Sigismund au concil de Constance (Konstanz), il fut arrêté en 1414 et mit au bûcher en tant que païen en 1415.
C’est dans le renouveau de l’occident chrétien dont Huss a été l’initiateur que vient s’inscrire la Réforme de Luther.
Martin Luther (10 novembre 1483, Eisleben - 18 février 1546, Eisleben) est un moine allemand qui s’est opposé au catholicisme romain et a été l’initiateur du protestantisme (luthéranisme). Il a traduit la Bible en allemand, « la langue du peuple ». En 1517, il a présenté 95 thèses contre le trafic des indulgences, dont la publication marque, au moins symboliquement, le début de la Réforme.
Les points fondammentaux de la pensée de Luther.
- Le principe de la justification par la foi
Tout le problème est le salut de l’âme: le salut de l’âme a lieu grâce à une âme juste. Le problème devient donc le suivant: comment être juste? comment se justifier? comment se rendre juste? Un homme est juste par deux choses:
- la foi en Dieu
- il lui faut des actes / des oeuvres (sans foi, la bonté seule ne suffit pas)
La notion de foi: Un Chrétien est quelqu’un qui croit en Dieu (un Dieu unique), qui croit que ce Dieu a été révélé par l’Ancien Testament, qui croit que ce Dieu s’est incarné en un Messie et que ce Messie a été un individu du nom de Jésus (Jerushua en hébreux), venu sauver les Hommes par son sacrifice sur la croix, et qu’au 3ème jour après sa mort, il ait été ressuscité d’entre les morts.
Le problème de Luther, fils d’un mineur en Thuringe, garçon intellectuellement très doué, se situe en lien avec deux grands évènements dans sa vie.
Le premier évènement: un accident de cheval lors d’un orage. La foudre est tombée sur l’arbre se trouvant à côté de Luther lors d’un voyage à cheval. La foudre elle-même, la vibration ressentie au sol et le tonnerre sont des phénomènes très impressionnants. A tel point que le cheval s’est renversé et que Luther resta très choqué, surpris néanmoins d’être encore en vie et très apeuré lorsqu’il a été jeté aux pieds de son cheval. Il aurait eu peur de mourir. Or, quand on meurt sans l’absolution et que l’on est croyant, cela signifie que l’on va en enfer. Il se trouve même qu’au Moyen-Âge, on a une peur effroyable de la mort subite, que l’on nomme la mal-mort. Luther confie alors son âme à Dieu et à Sainte-Anne (la mère de la Vierge) et lui demande de le sauver en échange d’une promesse: vouer sa vie à Dieu. Depuis ce jour, il pense avoir été exaucé et se sent lié par ce serment.
Le second évènement: il s’est blessé avec son épée sur les routes de Saxe et eut une hémorragie. Cela renforça cette idée de vouer sa vie à Dieu.
C’est ainsi que Luther devint un moine augustin, faisant voeu d’extrême pauvreté, s’adonnant aux pauvres dans les hôpitaux et à la science (savoir pour magnifier Dieu), apprenant le latin, le grec et l’hébreu.
Le problème de Luther est qu’il s’agit d’un homme ayant d’énormes besoins physiques, qui adore la vie. C’est à vrai dire un immense adorateur des plaisirs de la création! Mais il reste un bon moine, dans la mesure où il se refuse tout. Là, il entre alors dans un cercle terrifiant car il s’interdit la satisfaction de ses désirs, il estime alors faire de bonnes oeuvres (pas de luxure, pas de gourmandise, etc.). Mais se pose alors une question: les interdictions pour le salut de l’âme sont elles encore de bonnes actions? Une action est bonne ou mauvaise par son intention. Une bonne action par intérêt personnel devient alors une mauvaise action. Donc on se condamne ainsi aux yeux de Dieu, puisque Dieu est capable de voir l’hypocrisie! Cela torture Luther qui se punit lui-même pour ses désirs. C’est un cercle viscieux qui le mène au désespoir car plus il fait de bonnes actions, plus il est persuadé de se damner. Il est sérieux, tragique. Jusqu’au jour où il découvre la théorie de la justification par la foi.
Voici sa théorie: Le pêché originel a viscié la nature humaine et il n’y a aucun moyen de faire le contraire. Mais Dieu est descendu sur terre parmi les Hommes pour les sauver en se sacrifiant. En somme Dieu a racheté l’humanité. Il vient à Luther l’idée qu’il suffit d’y croire pour être juste et il imagine que l’Homme reste toujours viscié. Simplement, Dieu voit les pêchés des Hommes et il les a rachetés par son sacrifice, ne les imputant pas.
« Semper peccatur, / toujours pêcheur,
Semper paenitens, / toujours pénitent,
Semper justus. / toujours juste. »
Le bon Chrétien agit par amour de Dieu. L’intérêt personnel n’est donc plus la raison des bonnes actions. La messe n’est autre que la répétition du sacrifice de Dieu pour les Hommes (eucharistie).
Le concile de Trente est réunit pour s’opposer au Luthéranisme et réaffirme que les Hommes sont sauvés et par la foi, et par les oeuvres.
Le problème de la transfiguration:
Dans la messe catholique, l’eucharistie a lieu lorsque le prêtre annonce les parole sacrimentèles (la transfiguration). Luther trouve cela absurde car une substance est une substance qu’on ne peut pas transformer en une autre substance (théorie de la substance réelle → Dieu est réellement présent dans le pain et le vin - c’est ce qu’on appelle la transsubstanciation). Ainsi, lorsque le prêtre dit les paroles sacrimentèles, Dieu ajoute à la substance du pain la substance de son corps et à la substance du vin la substance de son sang (théorie de la consubstanciation). C’est ce qui fait la différence d’avec l’eucharistie des calvinistes, car pour Calvin, le pain est du pain, le vin est du vin et Dieu est Dieu. Dans la cérémonie religieuse calviniste, le pain et le vin sont un rappel au sacrifice divin (= symboles).
Donc, Luthériens et Catholiques sont bien plus proches l’un de l’autre que des Calvinistes.
Résumons:
- Pour Luther, l’eucharistie est une offrande rachetant l’humanité, est un sacrifice réellement répété à chaque messe
- Pour Calvin, l’eucharistie n’est que la remémoration du sacrifice de 33 apr. J.-C.
Ainsi Luther se lance dans sa réforme, qui n’est pas acceptée par la hiérarchie catholique. Cela va mal jusqu’à la Diète de Worms. On veut qu’il se rétracte et il refuse. Il y a alors un chisme au sein de la Chrétienté catholique. Et c’est à cet instant précis que la Renaissance disparaît complètement en Allemagne, au profit de la Réforme.
La Réforme devient et se conçoit comme l’antinomie de la Renaissance, dans la tradition classique du terme. On note la représentation différente entre Luther et Erasme de Rotterdam.
Au début, Erasme soutient Luther mais finit par le trouver excessif.
D’ailleurs il aurait adressé ces propos à Erasme: « Du bist nicht fromm! » (= tu n’es qu’un païen, sois maudit!)
Luther ira jusqu’à dire qu’Erasme ne croit pas en Dieu.
Et l’érudit hollandais de méditer: « Saint Socrate, priez pour nous! »
L’opposition entre les deux hommes vient de deux conceptions différentes de la divinité.
Erasme, d’un part, met derrière le mot Dieu une conception très antique: Dieu est une sorte de structure rationnelle qui anime l’univers, qui garantit sa logique interne. C’est donc une identification de Dieu au ‹ logos › des anciens, naturellement bon et tout à fait impersonnel; ceci explique d’ailleurs pourquoi il fut difficile de convertir les Grecs au Christiannisme.
Pour ce qui est de la conception luthérienne, d’autre part, Dieu est tout à fait biblique. C’est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, avant tout un Dieu personnel (Dieu dit ‹ je ›); il parle, il a des désirs, des colères, commet des injustices, maudit des peuples, en élit, en poursuit de sa haine. C’est un Dieu de bonté, pas souvent de justice et souvent de colère. C’est donc un Dieu qui ressemble à la fatalité tragique. C’est un dieu que l’on prie facilement, auquel on peut demander beaucoup de choses.
Donc, Erasme conçoit Dieu comme un véritable homme de la Renaissance, au sens propre du terme et Luther reste face à un Dieu terrible et personnel du Moyen-Âge.
Rapprochement historique entre humanisme de la Renaissance et pensée Luthérienne et discorde
La pensée humaniste est d’accord avec Luther dans le cadre de la discorde avec Rome.
Luther va utiliser la grande invention de la Renaissance, à savoir l’imprimerie, afin de publier sa Bible et les pamphlets vantant sa doctrine.
Luther est certes un homme cultivé et autodidacte, mais il ne possède le Grec que pour lire le Nouveau Testament et l’Hébreu pour lire l’Ancien Testament.
Et c’est l’expansion de la Réforme (1530-1550) qui fera perdre à l’humanisme allemand son rôle dans l’Empire (Saint-empire-Romain-Germanique / Heiliges römisches Reich deutscher Nation)
Philipp Melanchthon (Melanch = Schwarz / noir; Thon = Erde / terre) était le bras droit de Luther. Il a fait le système d’enseignement luthérien en y incluant tout ce qu’il pouvait sauver d’humanisme (Mélanchthon était en fait très proche d’Erasme). Il se trouve que dans les manuels des écoles luthériennes, l’humanisme est même en état de survivance (philologie, histoire). On peut donc en conclure que la victoire de la Réforme a contraint l’humanisme allemand à cesser d’être un mouvement intellectuel autonome. Cette éviction à la fois si complète et si rapide est un évènement unique en Europe et qui plus est très troublant.
Ne conviendrait-il pas de chercher si les aspirations qui se font jour dans l’humanisme ne seraient pas satisfaites dans la Réforme? Les deux ne seraient-ils pas un même mouvement?
Signification politique de la Réforme
Pétrarque est le père de la Réforme, en tant que mouvement. Ce lettré italien du 14ème siècle a beaucoup de points communs avec Luther (16ème s.): amour d’Augustin, haine d’Aristote… Le point essentiel est le patriotisme, le nationalisme.
Le patriotisme de Pétrarque est célèbre. C’est l’élément consubstantiel à son désir de la Restauration des Belles-Lettres. Pétrarque se définit comme « Moi, homme d’Italie ». Selon lui, seul un Italien peut comprendre un Italien; seul un Italien peut comprendre la beauté des Lettres antiques, des oeuvres d’Italiens; seul un Italien peut comprendre un italien Cicéron. Pour lui, les autres peuples ne sont que des barbares (Anglais, Espagnols et surtout les Français) qui ne peuvent que déformer les Lettres antiques, que seuls les Italiens sont capables de restaurer.
On retrouve là du Silvianus: « Les autres peuples doivent suivre la loi de Rome », et non l’inverse.
Si les Belles-Lettres sont réservées aux Italiens, alors c’est la fin de l’universalisme, c’est du nationalisme!
Comme il en a été avec l’humanisme 200 ans plus tôt, ce même nationalisme va présider la naissance de la Réforme.
Le moine augustin pense à tous les Chrétiens. Puis, dès 1518, le nationalisme culturel apparaît. Son « Manifeste à la Nation allemande », écrit en mai 1520, est défini comme un programme complet de nationalisme religieux et politique.
Dieu s’adresse à l’Allemagne par sa parole traduite en Allemand; donc: par la langue allemande, il s’adresse à tous les Hommes, c’est-à-dire que l’universalisme passe par la nation.
L’Allemagne devient ainsi le nouveau peuple élu par Dieu, elle est choisie par Dieu pour qu’il s’adresse au Hommes.
Portrait de l’Allemand fait par Luther: L’Allemand n’a pas l’éloquence du Français, la grâce de l’Italien, mais tous les privilèges de l’âme. Donc, l’Allemand serait plus loyal, plus fidèle, plus frugal, plus honnête. Ce serait donc le signe que les Allemands seraient moins touchés, moins corrompus par le pêché originel que les autres peuples. Ce portrait est un écho de celui fait par Pétrarque au sujet de l’Italie. Il est non seulement l’écho, mais aussi son inversion. En effet, la haine de l’Italie traverse l’oeuvre de Luther (cause= la morgue de la péninsule à l’égard des ‹ barbares › que sont les Germains)
Luther a voyagé à Rome, où il a trouvé que les voeux de chasteté, de pauvreté … n’étaient absolument pas respectés. Pour lui, tous les Italiens sont depuis des pourris (« Italien heisst uns Bestials »). Très vite, Luther cesse d’établir une différence entre le Pape et les Italiens.
En effet, dans la critique adressée à la Curie, on note très vite un antagonisme ethnique. Il n’y a plus de différence entre les Catholiques, les Italiens et le Pape.
Le Pape est le premier des Italiens. Critiquer le Pape revient à critiquer l’Italie toute entière.
Luther ira jusqu’à assimiler le Pape à l’antéchrist. Cette idée constante est apparue en août 1518, adoptée en mars 1519, pour la première fois exprimée, avec prudence, en 1520, avant que le religieux ne perde toute sa réserve. Pendant 3 siècles, le monde luthérien appelera le Pape Antechristus romanus!
Pour rappel, l’antéchrist, c’est le Champion du Diable, au chapitre 17 de l’Apocalypse selon Saint-Jean. Quand Luther traduit cette Apocalypse, il y met une préface (Vorrede) pour expliquer l’ouvrage. Et il applique dans son entier le chapitre 17 au Pape (et avec lui, à tous les Italiens). Les Italiens représentent donc une inversion spirituelle. Leur raffinement culturel est marqué par la perversion (d’où l’inversion de la pensée de Pétrarque par Luther)
Hiérarchie des valeurs:
Pétrarque: Germanie = base
Italie = sommet
La perspective théologique permet à Luther la construction d’une autre pyramide où l’Allemand évangélique est le sommet et l’Italien mécréant représente la base.
C’est ainsi qu’a lieu la substitution de l’humanisme par la Réforme. La supériorité de l’Allemagne est de nature métaphysique. Avec Luther apparaît la compensation de l’abaissement politique de la nation par son exaltation intellectuelle. Ceci est une réaction très commune qui va connaître un avenir exceptionnel parmi les nations européennes, dans le cadre de la construction de nombreuses identités nationales, jusqu’au terrible paroxisme connu sous l’ère hitlérienne.
Le point essentiel: Il s’agit d’un véritable nationalisme - aussi bien dans le cas des Allemands que dans celui des Italiens. Si les Allemands n’ont pas les vertues intellectuelles des Italiens, ils sont néanmoins de vériatbles Chrétiens, c’est un effet compensatoire.
La Réforme et le nationalisme ne sont pas liés en théorie, mais en pratique! C’est donc une erreur que de ne considérer l’histoire religieuse que d’un point de vue religieux. En effet, la religion vient s’inscrire dans des individus qui vivent dans le temps, il s’agit donc d’un phénomène à la fois social, politique et culturel.
La compréhension de Luther et de sa doctrine ne peut se faire que par l’histoire religieuse (donc: on envisage les affres et les tourments d’une exigence impossible). Le maître de Luther (Pfalz) avait défini la doctrine de la pénitence ( Kompution = constriction), ce qui exigeait tant d’efforts que Luther avait l’impression qu’il ne satisfaisait jamais pleinement aux exigences demandées.
L’évolution spirituelle et intellectuelle de Luther s’explique par cette histoire, c’est-à-dire par une histoire religieuse (Luther lui-même était persuadé du fait que ses ‹ mauvais › désirs était la preuve qu’il était envahi par le Diable). De plus, il fut de plus en plus écoeuré par le commerce des indulgences qui ne pouvaient, selon lui, remplacer l’effort de contribution pour le Salut de l’âme.
En effet, l’immense majorité des Allemands était loin d’éprouver les angoisses de Luther et le commerce des Indulgences n’avait jamais été aussi florissant. Il était au contraire profondément appaisant pour les illettrés; voilà des certitudes pas si évidentes à abandonner!
En outre, Luther lui-même disait que les convertis n’avaient toujours rien compris à sa Réforme. Les raisons religieuses expliquent donc Luther mais en aucun cas le succès du Luthérannisme!
Le germaniste français Edmond Vermeil eut une intuition et suggéra en lisant le texte « An den christlichen Adel deutscher Nation » une filiation entre Luther , Otton 1er et Barberousse. Pour mémoire, Luther a vécu à l’extrême fin du Moyen-Âge - mouvement historique.
L’histoire des derniers siècles du Moyen-Âge est une histoire des tentatives des nations de s’émanciper de la tutelle romaine. L’idée de Romer est celle d’un Pape qui représente Dieu sur terre.
Il en découle une grande théorie pontificale, la théorie du Pape exprimant la pensée de Dieu et gouvernant les princes. Ainsi les peuples obéissant aux princes obéissent au Pape et donc à Dieu. C’est la Chrétienté.
En prenant conscience d’elles-même, les nations commencent à s’émanciper de la tutelle du pontificale. L’exemple de la France est très net. Il y a une première révolte en 1296 sous Philippe le Bel qui affirme son indépendance à l’égard du Pape quant au temporel (c’est-à-dire sur terre). Il reconnaît le Pape en matière de foi mais plus en matière politique.
Ceci est également le reflet de l’opinion publique en France. en effet, le roi dut faire appel au peuple et convoqua pour la première fois les Etats-généraux en 1302 (représentants du peuple de France divisé en 3 états - ou Stände). Le roi parla donc avec son peuple: les représentants annoncèrent au peuple ce qui avait été dit. Il y eut certes une opposition d’une partie du Haut-Clergé mais le roi obtint le soutient complet des nobles, des bourgeois et d’une grande partie du Clergé qui envoya au Pape un mémoire où il reproduisait la thèse royale (indépendance politique du roi), doctrine appelée le gallicanisme politique. Le deuxième gallicanisme politique est un gallicanisme religieux: la hiérarchie religieuse de France doit être indépendante de la papauté (volonté royale). Ce gallicanisme religieux prendra forme en France à partir de 1438 lorsque Charles VII réunira à Bourges les évêques de France. A ce moment-là, le Clergé gallican se déclare indépendant du Pape en matière d’administration et de hiérarchisation de l’Eglise de France. Ainsi le royaume s’affranchit-il de Rome (tutelle du Saint-Siège) et la structure politique de la Chrétienté est remplacée par celle de la nation. La France est le seul pays qui y soit parvenu.
Le Saint-Empire Romain Germanique avait essayé bien plus tôt (Lutte entre le Sacerdoce et l’Empire). L’Empire romain a été détruit par les invasions barbares (Völkerwanderungen) et l’Europe de la féodalité fut créée. Les groupes humains qui existaient à un endroit précis avaient des intérêts communs, il se regroupèrent et c’est ainsi que fut créée la féodalité, qui n’est autre qu’une réponse humaine et sociale à une destruction complète. Les guerres très nombreuses engendrèrent un état de guerre constant et l’absence totale d’échanges (commerciaux ou autres) et on tomba alors dans un système autarcique (ainsi la durée de vie moyenne tomba de 60/70 ans à environ 35 ans). Cette période fut dominée par la misère et la maladie, d’où une mortalité accentuée.
Les Européens ont donc fini par conclure que l’Empire romain était une condition politique idéale de l’humanité; il est donc devenu un modèle de la situation politique à rétablir et tout souverain suffisamment puissant se devait de rétablir cet Empire romain. Ce n’était plus possible, mais il faut savoir que pour les gens de l’époque, c’était tout à fait faisable étant donné que cela avait existé durant 4 siècles (donc preuve que ce n’était pas une utopie!).
Ainsi le devoir de tout prince n’était pas seulement de prendre le pouvoir pour lui-même, mais aussi pour tout l’Empire.
Exemple de Charlemagne (Karl der Grosse / Carolus Magnus) et la constitution de l’Empire germanique
Charlemagne fut couronné Empereur le jour de Noël de l’an 800 à Rome par le Pape, qui se disait représentant de Dieu sur terre. Il y eut ainsi deux pouvoirs absolus en occident (Empereur + Pape), le pouvoir absolu ne peut être qu’unique et l’Empereur et le Pape entrèrent en conflit. Charlemagne était roi Franc puis de tous les Germains et en même temps Empereur romain. Ses héritiers se disputèrent son héritage.
Charles obtint la France, Louis le Germanique l’Allemagne et Lothaire la Lotharingie.
La Lotharingie était la partie la plus riche d’Europe puisqu’elle allait des Pays-Bas et de la Belgique au sud de l’Italie en passant entre autre par la Lorraine, l’Alsace, la Bourgogne, Rome, Florence, Milan et la Lombardie. Le choix de confier cette région à une seule personne fut donc absurde puisqu’elle était particulièrement convoitée. Les Français avaient beaucoup d’ennuis avec les barons, tandis que les Allemands, plus obéissants, permirent le rattachement du riche royaume de Lotharingie à la Germanie. Ainsi, le Royaume de Germanie devint immense et entra en conflit avec la France.
C’est là la fondation du Royaume de France - royaume nominal, car le roi y a un pouvoir restreint - et d’un Royaume de Germanie - Le roi de Germanie a très vite établi son autorité sur tous les seigneurs allemands et s’en trouve ainsi le royaume le plus fort d’Europe, notamment sous le règne d’Otto (Othon en français).
Othon crée un état puissant sans essayer d’en faire un état à la romaine avec des routes (les routes furent le fondement de la puissance romaine). Il s’agit donc d’une royauté primitive itinérante, c’est-à-dire que le roi n’avait pas de capitale et allait de ville en ville et y disait sa loi (dans les principales villes, il y avait une résidence impériale - ou kaiserliche Pfalz).
L’état germanique est alors certes primitif mais cependant bien réel car lorsque l’empereur faisait la guerre, il recevait de l’argent et des hommes. Il avait donc les moyens de mobiliser une armée, ce qui n’était pas le cas du roi de France.
Si bien que le seul « état » après la chute de de Rome et celle de l’Empire de Charlemagne, c’est l’Etat allemand. Le roi descend alors sur Rome, s’y fait couronné empereur par le Pape en 962 et l’Empire romain est alors refondé. A ceci près que l’empire romain qui avait duré jusqu’au 4 ème siècle fut divisé en deux Empires: un d’occident (Capitale =Rome) et un d’Orient (Capitale = Bisance). L’Empire d’Orient existait jusqu’en 1453, date de la prise de Bizance (Constantinople) par les Turcs.
Othon refonde donc l’Emprire Romain d’occident (sur le papier uniquement car il n’en possède qu’une partie). Comme l’empire romain d’Orient portait le nom de Saint-Empire-Romain-d’Orient, l’Empire romain d’occident fut, par rivalité, nommé Saint-Empire-Romain d’Occident. Ce n’est qu’au XVème siècle (perte des parties italiennes de l’Empire) qu’il est réduit à sa population germanique et renommé par conséquent Saint-Empire-Romain-Germanique (en allemand: Heilges Römisches Reich deutscher Nation).
L’Empire romain fondé par Othon 1er (Otto I.) est en rivalité avec le Pape. Au début, les choses se déroulent plutôt bien, puisque Othon et le Pape ont un intérêt commun: toutes les populations à l’est de la Germanie sont encore païennes et donc à christianniser. L’empereur veut en faire la conquête, et il prend pour prétexte le fait qu’il faille sauver leurs âmes. C’est selon ce principe que s’est propagé le Christiannisme, de tout temps d’ailleurs. Ainsi, au temps de Charlemagne et de Othon 1er, des croisades sont organisées vers l’est (populations slaves, hongroises, tchèques, danoises, slovaques…). Et en faisant des conquêtes, l’empereur augmente le pouvoir du Pape. C’est pourquoi ce dernier a tout intérêt à soutenir le premier. Il s’agit d’un échange de bons procédés. Mais le succès de cette politique va la mener à sa perte. En effet, une fois les conquêtes réalisées, l’empereur n’a plus rien à offrir au Pape qui veut désormais s’affranchir de la dépendance qui le lie à l’empereur. Il en découle une lutte d’influence entre les deux hommes à l’intérieur de l’Empire (Lutte entre le Sacerdoce et l’Empire).
La question fondammentale est celle de l’investiture des évêques (Investiturstreit). L’Eglise est devenue propriétaire d’environ 2/3 de la Germanie. Si le Pape nommait seul les évèques et les archevèques, il serait alors le maître réel de la Germanie. L’Empereur voulait aussi ce pouvoir de nommer, mais ne pouvait y prétendre puisque évèques et archevèques sont des représentants de l’Eglise. C’est ainsi que des évèques nommés par le Pape furent assassinés et remplacés sous ordre de l’Empereur. Le Pape jeta alors un interdit (= aucune cérémonie religieuse). On est arrivé au Concordat de Worms : tout évèque, tout archevèque avait une double investiture. Il y eut donc accord entre le Pape et l’Empereur en ce qui concerne les investitures (tout passait par l’Eglise: école, mariage, baptême, enterrement…)
La querelle des investitures est aussi la marque du fait que les Italiens n’aient jamais accepté l’idée qu’un Germain soit Empereur romain car ce sont justement des germains qui ont détruit l’Empire (durant la période des Grandes Invasions, Ostrogoths, Wisigoths, Vandales, etc. ont ravagé l’Empire - ces peuples étaient des tribues germaniques). En outre, ils ne parlaient même pas l’Italien… C’est un fait d’ailleurs ressenti déjà par Othon 3 (OTTO III.), arrivé à Rome en Empereur avec une armée d’apparat, forcé de quitter la ville en catastrophe à cause des mutineries de la part de la population romaine, italienne.
C’est donc une situation impossible!
Le Concordat de Worms ne résout que temporairement les conflits, relancés plus tard par Frédéric 1er Barberousse (Friedrich I. Barbarossa) - fin 12ème - début 13ème siècle - qui voulait recréer un pouvoir impérial absolu, oeuvre poursuivie par Frédéric II de Hohenstaufen (Friedrich II. Hauhenstaufen).
En 1250, Frédéric 2 de Haustenfen meurt subitement et il n’y a donc plus d’Empereur romain (élection du roi de Germanie qui une fois élu devient Empereur). Frédéric II est un contemporain de Louis IX en France; c’est un prince de la Renaissance italienne, un descendant des Hohenstaufen et des normands de Sicile. Son père était l’époux de l’héritière des Normands de Sicile. Frédéric II est donc l’héritier de l’Italie du nord et du sud de l’Etat pontifical. Il grandit en Sicile, où il y avait énormément de juifs et de musulmans; il parlait couramment le grec, le latin et l’arabe, était amateur des expériences, curieux, érudit et participa à la dernière croisade (réussie) d’occident. Il débarqua à Alexandrie accompagné d’une petite flotte d’apparat et chargé de cadeaux alors que le Pape l’avait excommunié. Le Sultan le reçut en ami et, au bout de 6 mois, lui remit Jérusalem, Bethléem et Nazareth avec une requête: l’Empereur devait permettre aux musulmans d’accéder à leurs lieux saints et la liberté de culte aux musulmans de Sicile. Frédéric II revient à Rome avec les clés de Jérusalem et le Pape qui ne comprend pas et n’accepte le fait qu’il s’agisse d’un don du Sultan, jette l’interdit sur les Lieux Saints qui, au bout de 10 ans, retournent en possession du Sultan car le Pape ne voulait pas de ces territoires non conquis par la guerre.
Frédéric II est en colère contre le Pape. La force du Pape étant spirituelle, il faut le combattre au spirituel. Il fait donc de la propagande: le Pape est l’Antéchrist et l’Empereur le véritable dépositaire de la foi. Il prend donc pour lui le système musulman où le Khalife est un chef religieux.
Ainsi, à la mort de Frédéric II, le Pape décide de ne plus nommer d’Empereur. Les princes allemands expriment le même refus. Et de 1250 à 1273, il n’y aura plus de Roi de Germanie, soit 23 années d’interrègne. Et en l’absence d’empereur, c’est l’anarchie. Les princes sont au contact des populations et ont des rapport conflictuels. Les villes libres, très riches, appartenaient directement à l’empereur. Elles sont désormais incapables de se défendre. Ainsi, durant ces 23 années, il y eut des guerres intérieures terribles, les villes libres et les petites principautés furent dévorées par les grandes principautés. La victoire territoriale est donc instaurée (les territoires sont les seules entités politiques). Il reste des villes-libres comme Hambourg (Hamburg) qui étaient suffisamment importantes pour lever des milices. C’est donc ce qu’on appelera la totale Zersplitterung Deutschlands, l’éclatement total de l’Allemagne: environ 300 principautés et une absence de pouvoir central. Cet état de fin durera jusqu’au début du 20ème siècle, même si les Guerrres Napoléonniennes, en renforçant certains états tels que la Bavière ou encore la Prusse, auront pour résultats d’en réduire le nombre.
Au bout de 23 ans d’interrègne et las de l’insécurité qui régnait dans l’Empire faute de présence militaire, les princes s’accordent enfin pour élir un représentant, Rodolphe de Habsbourg (Rudolf von Habsburg) qui devient important puisqu’élevé au rang de Prince électeur (Kurfürst) (la dynastie tient son nom du château qu’elle occupait en Suisse et était suzeraine de territoires actuellement situés en Suisse et en Alsace). Par ailleurs, le prince électeur de Bohème (capitale = Prague) est à ce moment précis le plus puissant de tous et souhaite le pouvoir. Or, les Allemands auraient alors à leur tête un Tchèque, de plus suffisamment puissant pour établir son pouvoir sur eux. Ils refusèrent et élirent d’un commun accord Rodolphe de Habsbourg en l’absence du roi de Bohème (qui possédait entre autre l’archiduché d’Autriche). Apprenant qu’on l’avait piégé, il déclara la guerre contre Rodolphe soutenu par les princes allemands. Plus tard, le roi de Bohème et les princes allemands se soulevèrent contre le jeune Empereur, alors nommé roi de Bohème grâce à l’aide du roi de Hongrie: En effet , dans la bataille, le roi de Bohème Ottokar se fait tuer et Rodolphe reçoit le royaume de Bohème et l’Archiduché d’Autriche. Très honnête, Rodolphe rend le royaume de Bohême au fils héritier d’Ottokar, mais conserve l’archiduché d’Autriche, dont le défunt roi avait fromenté l’assassinat des héritiers afin de se l’approprier. Rodolphe s’installe alors à Vienne et réussit à constituer un ensemble au sud-est de l’Empire sans toutefois parvenir à y restituer le droit. A partir de 1273, il n’y a plus que des rois de Germanie (Maison des Habsbourg, de Luxembourg puis de Habsbourg), car le Pape refuse pendant 100 ans de les élever au rang d’empereur.
Après ce nouvel interrègne de 100 ans, les rois de Germanie décident de se nommer eux-mêmes empereurs (Kaiser). Puis, 100 ans plus tard, cela se fera plus ou moins avec l’accord pontifical.
La Querelle du Sacerdoce et de l’Empire a entre temps perdu sa raison d’être (l’Empereur n’a plus de pouvoir sur la Germanie mais uniquement sur ses propres possessions). L’objet du litige n’existe plus. Ainsi s’éteint la querelle, toutefois au dépend de l’Allemagne qui n’a jamais réussi à se constituer en un état moderne. Il en résulte un éclatement territorial (déjà évoqué plus haut) et politique, accru et accompagné d’une absence d’émancipation à l’égard de l’Église.
On en arrive à la situation du XVIème siècle, où l’empereur est un empereur sur le papier et où le pays est totalement éclaté. Le personnage de Frédéric II, mort dans des circonstances douteuses en 1250 en Sicile, est idéalisé. En 1251 paraît dans la « Sächsische Weltchronik » une légende selon laquelle l’Empereur n’est pas mort et viendra un jour rétablir l’Empire. On a parfois même prétendu que Frédéric II était en fait Frédéric Ier Barberousse, dont le corps avait été emporté dans un torrent. La légende va demeurer très vivace jusqu’au 15ème siècle.Notamment dans:
- la « chronika novella » d’Hermann Korner en 1416
- la « thüringische Kronik » de Johann Rote en 1440
- et surtout le « Untersberg-Volksbüchlein » en 1523.
En outre, dans l’Apocalypse (grec = la révélation d’où Apocalypse selon Saint-Jean = Offenbarung Johannes), on annonce qu’avant la fin des temps, il y aura un très grand combat entre le bien et le mal. Un être, l’Antéchrist, tenté par Satan, trompera l’humanité. Dans les légendes de la piété populaire, on raconte que le roi de justice envoyé par Dieu pour combattre l’Antéchrist sera Frédéric II. L’Antéchrist serait apparu en songe à de nombreux allemands, dont Hildegard von Bingen qui avait fait un livre sur des représentations (illustrations très complètes) de l’Antéchrist. Et on est, en ce temps et en Allemagne, certain que Frédéric II et l’Antéchrist vont arriver. D’autant plus que le 15ème siècle est un siècle effroyable, frappé par la famine et les épidémies. Et il y a une véritable cristallisation de tout cela à l’approche de l’an 1500. De nombreuses prophéties plus catastrophiques les unes que les autres, dont celle de Johann Lichtenberg et de Paul von Mildenburg en 1484, annoncent la fin imminente du monde.
En 1484, c’est la conjonction de Jupiter et de Saturne dans la constellation de la maison du Capricorne. Or Jupiter est une planète bénéfique, Saturne une planète maléfique et la Constellation du capricorne une constellation maléfique. C’est-à-dire que Saturne va coincer Jupiter et anéantir toutes ses puissances bénéfiques, et cela d’autant plus que cela durera une vingtaine d’années (jusqu’en 1504 environ).
Ces prophéties se transmettent (lectures, illustrations, bouche à oreille) et la terreur de la fin du monde s’empare de l’Allemagne.
En proie à cette certitude, Sebastian Brandt publie à Strasbourg en 1494 sa « Nef des fous » (Narrenschiff), livre où le monde est symbolisé par un grand navire et où les hommes sont des fous). De là l’espoir de la Réformation du monde avant que ce ne soit trop tard. Dans le chapitre 103, l’Antéchrist annonce la fin des temps.
Luther partage également cette conviction d’une fin du monde imminente et, sur des calculs des écritures saintes, prédit cette fin pour 1534 puis 1538. Dans son ouvrage « An den christlichen Adel deutscher Nation », Luther décrit la fin des temps: Devant la porte, l’empereur caché vient restaurer l’Empire. On attend Frédéric II lui-même ou un nouveau Frédéric. Dans la « Nef des fous », l’empereur juste n’est autre que le Kaiser Maximilian.
Pour sa part, Luther va espérer cet empereur en Charles Quint (Karl V.), élu à l’empire en 1519. Roi d’Espagne suite à l’alliance entre les maisons des Habsbourg et d’Espagne, il est élu en tant qu’Habsbourg, bien que né à Gand et parlant français, alors que ses électeurs ne voient de véritable salut pour l’Allemagne. Le roi de France, François Ier, est candidat à l’Empire par crainte d’être coincé entre l’Allemagne et l’Espagne.
Au moment du vote, une grande vague de nationalisme germaniste et l’armée sont prêtes à faire front contre le roi de France. Charles Quint est donc élu sous la pression populaire.
Après vient la catastrophe, car ce nouvel empereur déçoit l’attente des Allemands. Il reçoit en Espagne la nouvelle de son élection où il vit depuis 1497. Or, il reste sur sa péninsule ibérique jusqu’en été 1521. L’Allemagne attend donc avec impatience la venue de cet empereur qui la méprise, alors qu’on est persuadé de l’imminence de la fin du monde et qu’on est en proie à l’éclatement entre Luther et Rome. Pendant un interrègne de 2 ans (1519-1521), la pensée luthérienne se transformera en mouvement national.
On se demande alors si ce roi de justice tant attendu n’est pas Luther. Un des signes les plus clairs du successeur de Frédéric II est sa reprise de la lutte contre Rome et sa relève de l’honneur des Allemands. Luther est le premier allemand à s’opposer directement à Rome. Dans cette atmosphère, le signe est donc tout à fait certain. Les humanistes patriotes ne s’y trompent pas. L’un d’entre eux l’appelle « père de la patrie », alors que le père de la patrie, normalement, c’est l’empereur. On l’appelle également « vengeur du peuple » dans une lettre adressée à Luther lui-même.
La papauté n’est pas en reste: on retrouve les même accents qu’autrefois dans la lutte contre l’Empereur. Le Pape Julius de Médicis donne le 15 août 1521 l’ordre à son légat Aléandre de menacer les Allemands. On remarque donc une disproportion entre la révolte d’un moine et la menace du Pape. La querelle des théologiens est un prétexte derrière lequel naît un mouvement général de la nation allemande contre les étrangers, et surtout contre les romains, sous l’apparence d’une insurrection contre l’Eglise catholique.
L’enjeu véritable n’est en fait jamais dit, mais il est évident, et les gens n’en ont même pas conscience. Les gens ne suivent jamais entièrement pour les raisons officielles (en ce qui concerne les mouvements populaires). Les allemands eux-même ne s’y trompent pas, car en quelques jours, « An den christlichen Adel deutscher Nation » atteint des ventes énormes. Lorsqu’Aléandre publie fin 1520 la bulle condamnant Luther, il envoie un mot au Pape en lui disant ce qui se passe en Allemagne (guerre entre les identités nationales): en effet, les 9 dixièmes de la population crient mort à Rome, parmi lesquels des personnes souhaitant rester catholiques. Il s’agit donc d’une véritable volonté d’affranchissement de la tutelle romaine. Le ralliement à Luther se fait donc pour des raisons politiques et non pas religieuses (Luther avouait que même sa femme était de ceux-là); le passage de l’Allemagne à la Réforme se fait certes par la voie religieuse mais pas pour des motifs religieux. Ce basculement est d’ailleurs facilité par l’absence de Charles Quint retenu en Italie de 1522 à 1530. La Prusse (Preussen), le Brandebourg (Brandenburg), le Brunswig, la Hesse (Hessen), la Souabe (Schwaben) et des villes entières, telles que Brême (Bremen) ou Breslau passent à la réforme (sessession du catholicisme).
En fait, les jeux sont faits depuis octobre 1520, où Luther assimile définitivement le Pape à l’Antéchrist. La Fin de la distinction entre l’homme et la fonction (siège de Saint-Pierre) permet cette identification du Pape au champion de Satan. Luther s’identifiera alors lui-même comme champion de Dieu et de l’Allemagne qu’annonçaient toutes les prophéties de la fin des temps.
Entre le Luthéranisme et le nationalisme, la relation est essentielle et non pas accidentelle. L’Allemagne s’est reconnue dans la protestation contre Rome mais contre le principe de protestation, non pas contre le contenu de la protestation. Luther se révèle l’incarnation de l’Allemagne contre Rome, au départ contre sa volonté car il voulait une réforme de l’Église catholique (du grec = universel), mais ses intentions personnelles sont sans importance aux yeux de l’histoire. Il devient ce que son pays veut faire de lui. En 1531, il écrit: « c’est pour vous, allemands, que je cherche le Salut et la Sainteté. » Et l’église qu’il fonde n’est plus catholique mais nationale.
L’humanisme de Pétrarque est le rejet d’une culture médiévale et les retrouvailles avec l’antiquité italienne. La Réforme de Luther permet à l’Allemagne de renouer avec son passé en émancipant le pays d’une tutelle italienne qui avait subite mais jamais acceptée. La Réforme est donc adoptée par l’Allemagne car elle a vu en Luther l’exécuteur testamentaire de Baberousse et de Frédéric II. On comprend alors pourquoi en l’Allemagne, la Réforme a supplenté l’humanisme.
La Signification culturelle de la Réforme
Par l’humanisme, l’Italie se rattache à son passé non seulement historique mais aussi culturel. On y retrouve les auteurs latins anciens et on redécouvre l’architecture antique: on bâtit alors selon les modèles romains au lieu d’essayer d’imiter l’art gothique. Les sources italiennes se retrouvent dans tous les domaines de l’art: littérature, architecture, peinture, sculpture, théâtre.
En Allemagne, la Réforme fait la même chose. On y retrouve ce qui fut interrompu par la mort de Frédéric II de Hohenstaufen. Mais s’il n’y a pas de rattachement à l’ancienne culture, c’est-à-dire à la culture germanique d’avant la christianisation.
La question est donc de savoir s’il est permis à l’Allemagne d’être réconciliée avec ce qu’elle était avant le christianisme. Car il y a une identité presque exacte entre la pays gagnés par la Réforme et les territoires au-delà des frontières de l’ancien Limes (du latin: la frontière, la limite; sous l’empire romain, ligne de fortification plus ou moins continue bordant certaines frontières dépourvues de défenses naturelles).
L’Empire romain cessait au milieu de la Germanie, le Limes traversant la campagne sur une ligne allant du Rhin au Danube et le long duquel se trouvaient des forteresses. Pendant 100 ans, la Germanie est coupée en deux. Il y a la Germanie soumise aux romains et une Germanie au-delà du Limes qui n’a pas accédé à l’histoire.
Dans la Germanie romanisée, les populations se convertissent au christianisme en même temps que les romains alors que les autres germains restent fidèles aux religions païennes, et ce jusqu’à l’avènement de Charlemagne, soit 4 siècles durant.
Charlemagne va se lancer dans l’assaut de la partie non romanisée de la Germanie. Les frontières entre le Catholicisme et la Réforme correspondent à l’ancien tracé du Limes.
Willaert: « L’empire suit la ligne Rhin-Danube. Or sur la carte datant du 17ème siècle, des universités se forment au nord le boulevard de l’Église de Rome, on note sur le Rhin inférieur Louvain ou Douai, Munster, Osnabrück, Paderborn, Cologne (Köln) et Trêves (Trier); dans la région rhénane moyenne ou supérieure Pont-à-Mousson, Mayence (Mainz), Würzburg, Bamberg, Heidelberg et Mlzheim, Fribourg en Bresgau (Freiburg am Bresgau), Lucerne (Luzern), Fribourg en Suisse; sur la ligne du Danube: Dillingen, Ingelstadt, Salzbourg (Salzburg), Graz, Vienne (Wien) » Remarque: certaines villes se trouvaient jadis au-delà du limes (Munster, Osnabruck, Paderborn, Würzburg, Bamberg et Fulda (qui demeure catholique mais sans université): toutes ces villes étaient des résidences de princes-évêques ou princes-archevêques et n’avaient pas d’intérêt à passer à la Réforme. On s’employait donc à passer au Luthéranisme dans les territoires qui furent autrefois de l’autre côté du Limes; si l’on fait abstraction de 5 principautés, la frontière confessionnelle correspond donc exactement à celle de l’ancien limes.
Dans le cadre de l’empire, une autre aberration persiste: la Bohême, très partiellement passée au Luthéranisme car elle avait déjà accomplit sa Réforme (Jean Huss), un siècle avant celle de Luther en Allemagne. Ainsi, elle avait, par cette sorte de secte, affirmé son identité nationale à la fois contre Rome et contre les allemands.
La question est désormais d’identifier l’identité des régions ayant adopté le luthéranisme. Le Limes a constitué une frontière culturelle car non seulement les peuples au-delà du limes n’ont pas été façonnés par l’universalisme romain (qui fit d’ailleurs naître un mode de pensée différent, à savoir la Réforme luthérienne par un peuple donné pour un peuple donné, ce qui est une idée antichrétienne manifeste, le christianisme étant une religion fondée pour tous les créatures de Dieu); mais en plus, au-delà du Limes, le Christianisme change de face voire de nature!
En effet, de religion souhaitée et adoptée, il devient pour ces peuples une religion imposée. Depuis Aix-la-Chapelle (Aachen), Charlemagne fait effectivement la conquête de territoire situés à l’est du Rhin et impose sa foi aux régions conquises. Il leur a donc retiré leur religion, leurs traditions, leur culture et leur passé, une partie d’eux-mêmes en somme.
Le Capitulaire de 785 - De partibus saxonis permet à Charlemagne de régir les provinces soumises à une nouvelle foi. Les Latins sont surpris par la haine des païens à l’égard de la religion qu’on leur apporte et à cet instant, on impose l’art roman (ex.: orfèvrerie par l’art des conquêtes - conçue en Gaule et importée). Seuls de très rares indices permettent de savoir comment les Germains vivaient.
Les chroniques de l’Église ne purent en effet tout dissimuler. Avec l’effondrement de l’Empire bâti par Charlemagne, les Saxons retournent au paganisme jusqu’à l’avènement d’Othon II (OTTON II.) en 974, à Haithabu, où se trouve aujourd’hui le musée des vikings Wikinger Museum Haithabu (cf.: grece-fr.net/textes/_txtWeb.php?idArt=501)
Saint-Adalberg, archevèque de Prague, estime que les Tchèques sont redevenus païens et polygames. En 1060, le roi de Suède Stinkel (qui est Chrétien) refuse de détruire le vieux sanctuaire païen d’Upsal (ou: Uppsala). Au XIème siècle encore, la Suède favorise un retour aux rites païens et notamment aux sacrifices humains (cf. Musée du Schleswig à Haitabu: la section des pendus → pendus retrouvés fossilisés dans la tourbe). Quant à Régis Boyer, spécialiste des Germains, il estime que les Dieux païens furent honorés jusqu’en 1150 en Scandinavie. D’ailleurs, dans les îles de Frise, les traditions païennes se sont perpétuées jusqu’au XVIIème siècle. Sur le continent, enfin, dans l’Allemagne convertie, de nombreuses plaintes de religieux attestent que le christianisme ne pénètre pas les populations.
Lors de ses campagnes contre les païens, Charlemagne a détruit tous les lieux de culte, dont la Irminsul (Irminsäule), totem du Dieu Irmin chez le Saxons. Pour éviter l’anéantissement de leurs dernières idoles, les Saxons les ont donc enterrées ou immergées en se transmettant, secrètement (grand-père sur son lit de mort à son plus jeune petit-fils) et ce jusqu’au XVIIIème siècle selon certains experts, l’emplacement du lieu de culte (Exemple au musée du Brunswick [brunswick.de/], la présence d’un drakkar et d’immenses totems (un masculin et un féminin représentant deux Dieux germaniques) retrouvés plongés dans un marais ainsi que de nombreux trésors, offrandes accordées à ces deux dieux.
C’est sous divers traits de la civilisation de l’Allemagne médiévale que la mythologie germanique a persisté (Cf. les contes de Grimm et l’appellation ‹ Wilder Jagd › qui désigne le tonnerre; la littérature épique: poèmes chantés par des sortes de bardes… ). Charlemagne fit d’ailleurs rassembler les récits épiques dans un recueil, brûlé plus tard par Louis le Débonnaire. Mais la tradition a persisté de manière orale.
Et Wolfgang Stammel a établi qu’une littérature païenne fut ainsi cultivée et s’épanouit en concurrence avec la poésie religieuse latine.
La civilisation orale constitue donc la culture réelle de l’Allemagne (et non celle de l’Allemagne officielle et de la Renaissance othonienne), elle est beaucoup plus populaire que le liturgie latine, elle est qualifiée de « vulgares cantilanae » selon les romains. Cette civilisation orale est très rarement consignée dans la « libri teutonici » qui n’a d’ailleurs pas été conservée dans les monastères et ne nous est donc pas parvenue.
Nous ne connaissons aujourd’hui qu’un infime fragment de cette tradition: les quelques 60 vers du « Chant de Hildebrand », copiés par deux moines de l’abbaye de Fulda en 820 sur la page de garde d’un manuscrit religieux.
Cette tradition est donc la culture réelle de l’Allemagne du IXème au XIIIème siècle. Ainsi apparaissent des épopées comme la « Chanson des Nibelungen » (Niebelungenslied).
Il s’agit là de la survivance de l’ancienne vision du monde qui conservait les mythes et leurs puissances. A la fin du XIIème siècle, on a laissé faire en pensant que les populations étaient désormais converties.
Louis le Débonnaire détruit les épopées païennes et fait créer des épopées chrétiennes. On crée ainsi une sorte de Messiane en vieux-saxon, le « Heliade », dans lequel le Christ prend l’apparence d’un prince saxon et ses disciples sont les vassaux. Les préceptes évangéliques y sont brièvement rappelés, les scènes violentes amplifiées; les Noces de Cana prennent la forme d’un vaste festin germanique et la fin du monde y est décrite en de terme empruntés à la mythologie germanique. Cette Christianisation s’avère donc au moins tout autant une paganisation de la religion chrétienne.
Le statuaire médiéval traduit un souvenir analogue au paganisme (au moins dans le Nord de l’Allemagne), avec une particularité: la représentation d’une énorme statue figurant un guerrier armé d’une épée appelée Roland (Allemagne du Nord, Holstein, Bandebourg, Brême, Wiedel, Hambourg…). Ces statues de Roland viennent de la traduction en allemand de la « chanson de Roland ». Elle marque la liberté des cités de faire leurs lois et de les faire exécuter. On métamorphose donc les grandes idoles abattues par Charlemagne.
En Suède, on a conservé les grandes statues de Thor, remplacée en Allemagne du Moyen-Âge par les statues de Roland, totem christianisé de Thor. Ces statues sont de véritables idoles tutélaires (voir à Raguse, Dubrovnic: la statue de Roland faite par les marchands (cf. chronico.de/erleben/historie/0000353/)
Charlemagne n’a donc pas su extirper le paganisme.
Il y a donc bien coïncidence entre l’ère du mode germanique au-delà du limes et les terres de la Réforme Luthérienne; cette dernière semble donc réhabiliter une certaine conception païenne sous forme chrétienne.
Luther est un chrétien qui exprime son christianisme de sa façon germanique et non de façon universaliste (c’est-à-dire romaine). Donc, la conception du pouvoir spirituel se fait en l’absence de hiérarchie et il faut réinventer une structure ecclésiale. Luther le fait en confiant l’autorité épiscopale aux princes temporels passés à la Réforme, c’est donc le fondement d’une religion exclusivement nationale qui rompt avec l’universalisme latin.
En 1526-1528, le pouvoir ecclésiastique et donnée à l’autorité séculiaire (cf. Pierre Ménard). En 1529-1533, Luther se fit gloire d’avoir définitivement assis le droit divin du prince - cf. Lucien Fèbvre qui rappelle que Luther a lui-même abordé ces thèmes :
« Il est vrai au temps de la papauté […] que la résistance s’impose. Mais toute autorité est explicite, disait Luther, sans que ce ne soit la volonté de Dieu » On associe donc les princes et Dieu. « Les supérieurs sont appelés Dieux en considération de leur charge […] »
1532, on peut lire ces mots de Luther: « Les princes du monde, des Dieux! / Les vulgaires, Satan! »
Tout le pouvoir spirituel est donc remis aux princes. D’où vient cette conception de prince divin?
La civilisation germanique est une civilisation dans laquelle la société se compose de chefs de guerre et guerriers, de prêtres et de paysans. Mais le monde germanique connaîtra une évolution vers 300 avant notre ère: l’ordre des prêtres disparaît et est repris par l’ordre des chefs de guerre. Il n’y a donc plus que des maîtres temporels à fonction spirituelle. Les sacrifices sont alors désormais accomplis par le chef de la tribue ou du clan. Odin a d’ailleurs lui-même pris les traits de chef de guerre et de grand magicien; il est à la fois Zeus et Arès, Jupiter et Mars. Là, l’analogie est évidente avec la structure de la société établie par Luther. Il est probable que dans les pays conquis par Charlemagne, l’institution ecclésiale soit ressentie comme ce qu’elle était, c’est-à-dire comme un corps étranger introduit de force, et que les princes avaient ensuite conservé leur antique caractère sacré.
Depuis le début du XVIIème siècle, on construit des églises destinées au culte protestant; jusque-là, on avait utilisé les églises catholiques. La première église protestante fut construite à Wolfenbüttel et consacrée à la Vierge (wolfenbuettel-tourismus.de/w … ntent.html).
Elle n’est cependant pas si différente des églises catholiques à ceci près que l’on retrouve derrière l’autel, de chaque côté de la croix et du retable, les représentants de la famille princière en bronze noir. Et lorsque l’on s’agenouille devant l’autel, on le fait aussi devant les princes.
La conception de Dieu par Luther
Dieu est un être absolu, c’est-à-dire un être qui existe par lui-même. La question est de savoir quel visage on lui donne, si on le met au-dessus du monde (cf. opposition conceptuelle entre Luther et Erasme).
Selon Luther, les hommes sont sauvés par le sacrifice de Dieu et de ce fait, tous ceux qui ont vécu avant que ce sacrifice n’ait eu lieu sont perdus à jamais. Pour Luther, Dieu a deux faces:
- le Dieu qu’il appelle « mon doux Jésus »
- et surtout le Dieu terrible qui a effroyablement puni l’humanité en la précipitant dans le monde du glaive et de l’iniquité. « … car c’est un grand Seigneur que Dieu, il veut des princes pour bourreaux » Il s’agit donc de la conception de l’Ancien Testament, partiellement reconnue par Luther.
Voilà d’ailleurs un trait original de la pensée germanique.
Le père de Luther est un homme très dur qui battait ses enfants. On a alors prétendu que la conception luthérienne d’un Dieu terrible et méchant découlait de cela. Or, la conception du Dieu suprême dans la Saxe du XVème siècle n’a pas varié depuis le Xème siècle. Odin, quant à lui, était un dieu terrible, maître des puissances célestes et maître de la guerre. Et lorsque les Germains ont été vaincus par Charlemagne, ils ont alors pensé que le Dieu de Charlemagne était plus fort et plus terrible que le leur, à savoir Odin, puisqu’il avait réussi à le vaincre (cependant, ils n’ont jamais véritablement cessé d’avoir foi en Odin!). En outre, le Dieu chrétien leur a été imposé sous peine de mort. Ainsi, le Dieu chrétien n’est absolument pas perçu comme un dieu d’amour. A noter par ailleurs la résurgence dans l’ancien Testament du Dieu suprême semblable à celui connu en Germanie depuis la nuit des temps.
On ne doit pas mettre en doute la foi chrétienne de Luther. Simplement, en rejetant des formes étrangères imposées, romaines en l’occurrence, il exprime sa foi sous des formes spirituelles et politiques enfin en accord avec la sensibilité et la culture de la nation où son être s’est formé.