Crise grecque - Hégémonie allemande

En ce premier anniversaire de la tragique capitulation du gouvernement Tsipras - certains médias parlent de diktat - face aux créanciers de l’UE, j’aimerais vous renvoyer au livre de l’économiste James K. Galbraith, fils du célèbre John Kenneth Galbraith : « Crise grecque, tragédie européenne » ou en version anglaise « Welcome to the Poisoned Chalice – The Destruction of Greece and the Future of Europe » qui vient de paraître.Ce livre est révélateur non seulement des événements de juillet 2015 qui touchaient la Grèce mais aussi du fonctionnement des milieux de Bruxelles et de leur conception de la démocratie.
En tout cas la révélation du fameux Plan B fait des remous en Grèce. La politique d’huissiers bat son plein dans le pays. A propos, connaissez-vous le nom de la société qui devrait plus de 600 millions d’euro (impôts, caisses de sécurité sociale, les collectivités locales ) à l’Etat grec ? C’est la société allemande Hochtief, qui exploite l’aéroport « Eleftherios Venizelos » d’Athènes.
Parallèlement, l’Espagne et le Portugal n’auraient pas respecté leurs engagements en matière de déficit budgétaire et pourraient être sanctionnés. En France nous sommes dans les clous ! Quelle chance.
Deux poids, deux mesures !
Voici le début de l’article :
L’économiste américain James K. Galbraith révèle dans son livre « Crise grecque, tragédie européenne » qu’il a secrètement conseillé le gouvernement Tsipras l’été dernier lors des négociations avec les créanciers de la Grèce.
« J’avais la responsabilité de préparer une espèce de bilan des coûts, des dangers, des problèmes si le gouvernement grec devait se trouver obligé de sortir de l’Euro à la suite d’un échec des négociations », a expliqué sur France Info ce proche de Yanis Varoufakis. « Ce n’était pas une décision que le gouvernement grec voulait prendre, mais nous étions face à la possibilité que ça soit inévitable ».
Le gouvernement grec a finalement « cédé sous la menace, c’est un contrat qui a été signé sous la coercition des menaces financières très dures », selon James Galbraith, pour qui « on doit se poser la question de la moralité de cette politique ».

La suite sous le lien :

franceinfo.fr/emission/l-int … 2016-20-37

Mouais, en même temps, tout est bon pour certains anglo-saxons pour taper sur l’Allemagne. On peut reprocher des tas de choses à l’Union Européenne, dont la Grande Bretagne ne doit pas être oubliée car ce n’est certainement pas Londres qui a jamais demandé une quelconque gentillesse à l’égard de la Grèce ou de quiconque d’ailleurs. Comparer des chats et des chiens est une tactique habituelle, cela ne convainc que les simples d’esprit, dont l’auteur de l’article fait visiblement partie.

S’il y a eu deux poids deux mesures, c’est surtout les avantages que les Européens ont concédés à la Grande Bretagne et qui j’espère vont enfin prendre fin. Petit rêve perso: La city de Londres sur liste noire des paradis fiscaux. On peut rêver, j’admets.

Je comprends très bien qu’on puisse être contre l’Euro. L’Euro exige une politique commune, alors que Londres ne veut que faire des affaires, et encore, à son avantage seulement. Forcément, le souhait de la Grèce de faire partie de l’Euro concerne plus l’Allemagne et les autres pays de l’Euro que ceux qui s’en sont exclus, notamment la Grande Bretagne.

En clair, si la Grande Bretagne avait la moindre trace de bonne foi, Londres devrait défendre l’Argentine contre les Etats Unis, ce sont exactement les mêmes arguments. Seulement voila, leur haine et leur mépris, c’est pour l’Allemagne uniquement, pas pour le cas bien pire de l’ami américain.

Et ne m’accusez pas d’être aveuglément pro-allemand, je suis pour la suppression de la dette grecque, ce qui finira immanquablement d’augmenter mes impôts allemands. Pour une accusation d’anti-britanisme, je ne dis pas non, mais c’est pas un préjugé, c’est un post-jugé tellement ils emmerdent le monde depuis des décennies avec leur double langage et leur mépris des règles européennes ancrés tous deux dans une nationalisme impérialiste amoral où seul leur argent compte. Ce qu’ils appellent pragmatisme, c’est surtout l’exigence que leurs intérêts aient toujours la priorité sur tout, à commencer sur l’Allemagne. Les Anglais sont les seuls à continuer la deuxième guerre mondiale tous seuls dans leur tête. Il y a une expression en anglais pour ça, ils devraient comprendre, c’est leur langue : toxic friendship. Sauf que l’introspection n’est pas leur fort non plus.

En vrac, quelques remarques :

  • les gouvernements grecs du passé sont certes responsables : corruption, il y en a, il existe même un mot grec pour cela, les fameux « diaplekomena », ou intérêts interdépendants des lobbies, entre les patrons des médias, les journalistes, les grandes entreprises et le gouvernement ;
  • les Grecs ont vécu au-dessus de leurs moyens. Des citoyens riches dans un état pauvre ; Soit…
  • les erreurs de gouvernements précédents, notamment par leur collaboration avec Goldman Sachs ; Soit …
  • les Grecs auraient maquillé leurs chiffres ? Aurait-on su quelque chose si l’histoire s’était terminée autrement ? Les chiffres ont été arrangés comme partout ailleurs. D’ailleurs Bruxelles ne pouvait pas ne pas être au courant.
  • peut-on comparer les sociétés des pays baltes avec la société grecque ? La diaspora grecque compte près de 10 millions de Grecs, aux USA, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande etc. pour une population autochtone de 10 millions avec les flux et les échanges que cela représente ; la société grecque ne sort pas de la glaciation soviétique, mais a toujours été cosmopolite, ouverte, moderne avec de solides traditions nationales ; je ne suis pas méprisante pour les Baltes, * bien au contraire, mais ils ont eu un vécu collectif différent ;
  • Savez-vous que l’écriture dans les langues baltes ne s’est répandue vraiment qu’au milieu du XIXe siècle, notamment parce que la Lettonie et la Lituanie n’étaient pas des États indépendants et que les autorités étrangères, occupantes ou colonisatrices, ont tenté d’imposer leur langue écrite.

Le fait est que la crise grecque a été extrêmement mal gérée depuis Bruxelles, que les paquets financiers enrichissent certains mais ne résolvent rien - le déficit continue de s’alourdir - que le pays a perdu sa souveraineté, et que ce n’est pas en période de crise humanitaire qu’un état peut faire des réformes aussi drastiques que celles qui sont exigées par la « Troïka ». La crise grecque se traîne jusqu’au prochain épisode.
Mais surtout, le gouvernement de gauche élu avec une majorité confortable en janvier 2015 déplaisait, créait un précédent en Europe (Podemos attendait et observait) et devait être combattu par tous les moyens. Même celui de fermer les banques pendant 10 jours, avec paralysie totale de la vie économique et ruine de centaines de PME.
Le livre de Galbraith donne une autre lecture, divergente du main stream des médias occidentaux et c’est de ce point de vue qu’il est intéressant, notamment pour ses pensées sur l’Europe et son futur.
Je n’ai pas perçu d’hostilité de sa part envers l’Allemagne et les Allemands!
Merci en tout cas pour vos commentaires. Ils sont toujours les bienvenus.
Eleanor

Une petite précision : la société Hochtief est en majorité détenue par la société espagnole Grupo ACS.

Valdok, a écrit, il y a quelque temps, à propos de la remise de la dette de guerre allemande :

« Ou dans ce cas il faudrait faire le compte de ce que chaque pays ou continent doit aux autres pour les dommages subis et je ne suis pas si sûre que beaucoup de pays européens même la Grèce d’ailleurs en sortiraient indemnes. »

Il me semble que la question avait déjà été portée sur le tapis, en 1974, après la chute de la dictature des colonels et la crise chypriote, lors des négociations de la Grèce pour sa candidature à la CEE. Il se disait alors en Grèce que Constantin Karamanlis, avait renoncé à exiger des dédommagements de guerre, en contrepartie d’une procédure rapide d’adhésion. Le chancelier Helmut Schmidt n’aurait pas été favorable à une adhésion contrairement à Valéry Giscard d’Estaing, qui la soutenait. L’adhésion de la Grèce est finalement devenue effective le 1er janvier 1981, essentiellement pour des raisons géopolitiques et on n’a plus entendu parler de dettes de guerre jusqu’à Tsipras, en 2015. Les gouvernements de droite n’ont jamais soulevé la question de la dette allemande. Et une majorité de la population grecque, très germanophile, malgré les apparences, ne considère pas cet argument comme très sérieux. Je crois avoir lu l’année dernière dans les journaux grecs, qu’un couple d’Allemands s’est présenté spontanément à la mairie du village crétois où ils passaient ses vacances depuis des décennies pour payer leur dû, calculé au prorata !
Il faut savoir que l’occupation et la répression nazie avaient été particulièrement brutales en Grèce, plus de 300 000 personnes sont mortes de faim, les réserves d’or de la Banque de Grèce ont été pillées. Le mouvement de résistance a été un des plus actifs de l’Europe occupée et comptait surtout des communistes dans ses rangs. A la libération en 1944, les communistes se sont ainsi dire fait usurper le pouvoir (pour de multiples raisons, Yalta, raisons internes etc.) et il s’en est suivi une guerre civile qui a duré jusqu’en 1949.
Tsipras provient de la jeunesse communiste et les frustrations et les schémas de pensées perdurent jusqu’à nos jours.
La Grèce s’en sort indemne, au moins sur ce plan là, elle a été une victime à part entière.
Et comme dit ElieDeLeuze, la dette en allemand, c’est mal. Pour cause, cela s’appelle « die Schuld, die Schulden », mot polysémique, chargé de sens (responsabilité, faute, dette, pour les non-germanistes). "Und vergib uns unsere Schuld, wie auch wir vergeben unseren Schuldigern.“ (Matthäus 6,12), peut-on lire dans le « Vaterunser » (Notre Père).
Voilà, je vais m’arrêter là pour la question grecque.
Amicalement.
Eleanor

:smiley: Personnellement, ça me rassure de voir que je ne suis pas le seul à m’énerver de temps en temps (ou souvent, c’est au choix).