Le Marchfeld est une immense plaine d’Autriche (900km²) qui s’étend entre Vienne et Bratislava, sur la rive Nord du Danube. Elle correspond à la partie Sud du district de Gänserndorf. Le nom dérive du fleuve March qui marque aujourd’hui la frontière entre l’Autriche et la Slovaquie.
Le Marchfeld est très peu urbanisé et très peu peuplé. On compte environ 64.000 habitants. Les grands villes se situent soit le long de la frontière avec Vienne (Gross-Enzersdorf, 10.500) soit le long de la ligne de chemin de fer qui longe le Marchfeld par le Nord (Gänserndorf 11.000, Strasshof an der Nordbahn 9.400, Deutsch-Wagram 8.200). Il n’y a aucune autre commune de plus de 3.000 habitants.
Le Marchfeld se caractérise par des paysages désespérément plats, des champs à perte de vue où l’on cultive céréales et légumes; c’est d’ailleurs uniquement pour ça que la région est connue dans toute l’Autriche. (« … aus dem Marchfeld » comme argument de vente pour des légumes). Autrement, peu d’industries, très peu d’activités commerciales même au centre des villages, peu de lieux de divertissements ou de vie culturelle.
L’intérêt touristique (si, si, il y en a!) est de deux ordres:
1- Le parc national Donau-Auen créé en 1993. 9300ha le long du Danube, sur les deux rives, de Vienne à la frontière avec la Slovaquie pour une longueur de 38km et une largeur dépassant rarement les 4km. Wiki nous indique qu’y vivraient près de 5.000 espèces d’animaux différentes. On peut découvrir le parc à pied ou à vélo en suivant la piste cyclable du Danube.
2- Les châteaux du Marchfeld. Dans la région se situent un certain nombre de châteaux ayant joué un rôle plus ou moins important dans l’Histoire de l’Autriche.
Je commence par Marchegg, ville d’un peu moins de 3.000 habitants complètement à l’Est, le long de la frontière avec la Slovaquie, une quinzaine de km au Nord du Danube. La ville a été fondé dans la deuxième moitié du 13ème siècle par le roi Ottokar II Přemysl, fondateur de nombreuses villes en Europe centrale et à l’époque aussi Duc d’Autriche. Il est mort d’ailleurs non loin de là en 1278 lors d’une bataille qui l’opposa à Rudolf I de Habsbourg, celui-là même qui lui succèdera sur le trône d’Autriche et inaugurera ainsi la loooongue dynastie des Habsbourg en Autriche. Le château de Marchegg passe alors aux mains des Habsbourg qui le font gérer par des Nobles jusqu’au milieu du 17ème siècle où la famille Pálffy von Erdőd, très vieille famille de la noblesse hongroise, d’abord chargée par les Habsbourg de gérer le château, le leur rachète. Ils l’habitèrent jusqu’à ce que la famille s’éteigne peu après la seconde guerre mondiale. Après, le château n’intéresse plus personne et est laissé à l’abandon pour une dizaine d’années. Il est racheté par la commune et le Land de Basse-Autriche qui en font un musée.
Aujourd’hui, il n’y a plus grand chose d’origine dans le château et la façade aurait bien besoin d’un coup de peinture. L’intérieur accueille un musée divisé en trois parties: l’histoire du roi Ottokar et de la ville à son époque; l’histoire du château sous les Pálffy et enfin l’environnement naturel de la région, en particulier les cigognes, stars locales dont une colonie s’est installée un peu plus loin derrière le château.
Au village, l’église Sainte-Marguerite construite à l’époque de la fondation de la ville et maintes fois retouchée depuis. Particularité architecturale: l’axe de la nef a été orienté en fonction de la position du soleil le Jeudi Saint (5 avril) 1268 alors que l’axe du choeur l’a été le Dimanche de Pâques (8 avril) de la même année. Nef et choeur ne sont par conséquent pas tout à fait sur le même axe et l’église fait donc un très léger angle (qui ne se voit pas sur la photo).
Le plus célèbre des châteaux du Marchfeld est sans aucun doute le Schloss Hof, dans le village de Schlosshof (si, si!) aujourd’hui rattaché à la commune de Engelhartstetten. Il se situe à moins de 10km au sud de Marchegg, toujours à la frontière avec la Slovaquie.
Le château est attesté dès le 12ème siècle. C’est lorsqu’il est acheté par Eugène de Savoie en 1725 qu’il va prendre l’aspect baroque qu’il a actuellement. Il est racheté par Marie-Thérèse d’Autriche en 1755 et est laissé à l’abandon après sa mort en 1780. Il faut attendre la toute fin du 19ème siècle pour qu’il soit de nouveau utilisé, à des fins militaires cependant. Pour cette raison, tout le mobilier et tous les objets sont déménagés et dispersés essentiellement à Vienne. Les appartements que l’on peut voir (une aile époque Eugène de Savoie; une aile époque Marie-Thérèse) ne sont donc que des reconstitutions. Les photos y sont interdites.
Les grands jardins baroques (le domaine a une superficie totale de 50 ha) s’étalent en terrasse sur différents niveaux. Les terrasses centrales sont en ce moment malheureusement en travaux.
Sur le domaine se trouve aussi une ferme dont la visite est surtout destinée aux enfants: animaux, découverte des métiers de la ferme. Mais aussi roseraie, orangerie etc.
OOO la première terrasse des jardins ! Splendide !!
Au passage… Honte à moi… quand j’ai lu ta description « entre Vienne et Bratislava », je me suis dis « mais c’est pas possible »…
en fait… je ne situais pas du tout Bratislava à cet endroit-là du globe…
alors en plus des photos… Merci de m’avoir permis de réviser ma géographie européenne…
Aujourd’hui, un petit château, Niederweiden, situé à seulement 3km de celui de Hof. Niederweiden a la particularité d’avoir été construit entièrement à l’époque baroque, fin 17ème siècle (et non d’être le résultat de la transformation d’un château beaucoup plus ancien comme c’est le cas pour les autres). Il servait de pavillon de chasse. Il est racheté en 1725 par Eugène de Savoie en même temps que Hof et subit quelques transformations lorsque Marie-Thérèse le rachète. Comme Hof, il est laissé à l’abandon et repris fin 19ème à des fins militaires, vidé aussi de ses biens.
Il ne reste donc plus rien d’origine dans le château, si ce n’est les fresques en mode chinoiserie de la salle de bal. Le château appartient aujourd’hui à Schönbrunn dont il constitue une annexe décentralisée. Une partie des expositions temporaires de Schönbrunn se trouvent à Niederweiden. Cette année, pour les 100 ans de la mort de François-Joseph, une expo sur François-Joseph et la chasse. L’an prochain, c’est Marie-Thérèse qui s’y colle à l’occasion de son 300ème anniversaire.
ben pourtant… le baroque et moi… on n’est généralement pas amis !
mais là, ça fait penser aux jardins « à la française », et j’adore ce travail de jardinier, cette symétrie parfois,
et les dessins obtenus
Allez, on passe à un château très intéressant, même s’il n’a pas de jardin baroque! Eckartsau, aux portes du parc national, soit à un jet de pierre des rives du Danube et à mi-chemin entre Vienne et Bratislava.
Château médiéval entouré d’eau au XIIème siècle, il change fréquemment de propriétaire après l’extinction de la lignée des von Eckartsau à la fin du XVIème siècle. C’est à cette époque qu’il est reconstruit dans un style baroque. En 1760, il est acheté par l’empereur François Ier (de Lorraine, le mari de Marie-Thérèse). A la mort de Marie-Thérèse, le château est progressivement abandonné. Il faut attendre l’arrivée de François-Ferdinand (l’héritier de la couronne austro-hongroise qui sera assassiné en 1914 à Sarajevo) pour que le château connaisse une seconde jeunesse. En effet, François-Ferdinand était un très grand amateur de chasse et le château se trouvait dans un immense domaine de chasse. Le château est alors dépoussiéré et modernisé: on y trouve des toilettes avec chasse d’eau, un premier modèle d’aspirateur, une douche avec robinet d’eau chaude et d’eau froide, le téléphone, une sorte de chauffage central etc. Le grand luxe pour l’époque!
Enfin, le château fut le théâtre de la fin de la monarchie austro-hongroise. Le 11 novembre 1918, l’empereur Charles signe à Schönbrunn une déclaration de renoncement à toute participation aux affaires de l’Autriche et est amené avec sa famille à Eckartsau. Le lendemain, la République est proclamée. Le 13, une délégation hongroise se rend à Eckartsau pour négocier l’abdication de Charles du trône de Hongrie. Il signe alors au château une déclaration similaire à celle de l’avant-veille valant pour la Hongrie. Ce document, rédigé en hongrois, est le dernier acte officiel de la monarchie austro-hongroise. Enfin, le 23 mars 1919, la famille toujours installée à Eckartsau, est contrainte à l’exil. Elle quitte alors le château à destination de la Suisse et les portes se referment sur près 650 ans d’histoire des Habsbourg en Autriche. Et la boucle est bouclée: cette histoire avait commencé en 1278 lors d’une bataille gagné par Rudolf de Habsbourg, déjà dans le Marchfeld.
mais dis-moi, c’est autorisé les photos intérieures d’un château ??? Souvent en France c’est interdit (justement en partie pour ne pas
que cela se retrouve sur internet…)
Ah bon? C’est une raison étrange, je trouve.
Quand les photos sont interdites, je n’en fais pas (comme dans les appartements de Hof). A Eckartsau, ce n’était pas précisé. J’en ai fait en présence de la guide qui ne m’a fait aucune remarque.
Marrant, moi aussi un faible pour la bibliothèque, même si le reste est très chouette aussi, dans un style plus chargé…
Kissous, je ne sais pas pour quelle raison on peut photographier à certains endroits et pas à d’autres… Internet, bof, on trouve tout sur Internet. Je pense que c’est plutôt pour que les gens achètent des cartes postales, livrets, etc. à la sortie ?
Moi aussi pour en avoir visité pas mal, j’ai constaté que c’est tantôt autorisé, tantôt interdit.
@Sonka : pour avoir discuté de cette autorisation/interdiction avec la personne qui détient le château de ma commune, dans leur cas, l’interdiction de photographier c’est pour inciter les visiteurs… à venir visiter… ainsi ils découvrent des pièces… et on n’entend pas pendant les visites « ah mais cette salle je l’ai vue sur Facebook mais elle paraissait plus grande »…les pièces principales sont donc généralement introuvables sur le net (je pense aussi à leur magnifique bibliothèque !!! )
pour eux, cela n’a rien à voir avec l’achat souvenir en sortant (d’ailleurs il n’y a pas de « boutique » dans le château)… Après… chaque proprio voit midi à sa porte… (en Dordogne, c’est souvent interdit de photographier dès l’entrée du château… )
Mettons un point final à notre série de châteaux avec celui de Orth, le plus proche de Vienne (25km du centre à vol d’oiseau). Construit au 11ème siècle, détruit en 1529 pendant le siège de Vienne par les Turcs, reconstruit en style Renaissance, agrandit à l’époque baroque et finalement réaménagé dans un style néogothique à la fin du 19ème par l’héritier du trône d’Autriche Rudolf (fils de François-Joseph et de Sissi, mort à Mayerling).
L’intérieur est aujourd’hui totalement transformé en musée. Point de salle de bal, de bibliothèque ou d’appartements princiers. Le musée est dédié au parc national Donau-Auen créé en 1996. Orth se trouve en effet aux portes de ce parc et c’est par là que le visiteur commencera sa découverte s’il vient de Vienne par la rive Nord. Le château d’Orth est aussi une sorte de centre d’information sur le parc national.
Dans le musée, 3 parties: une exposition temporaire sur un thème ayant trait au parc national; une exposition permanente de type Heimatmuseum (culture, histoire et vie quotidienne des habitants de la région).
La troisième partie est sans doute la plus originale. Le parc a été aménagé en une sorte de mini parc national avec faune, flore et surtout grande étendue d’eau du Danube. Un peu partout dans le parc se trouvent des « stations » qui permettent d’avoir des informations sur les animaux que l’on peut voir: tortues, amphibiens, oiseaux, insectes etc. Malheureusement, les animaux ne se montrent que s’ils en ont envie… et c’est peut-être dans la station aménagée sous l’étang qu’on a le plus de succès avec les poissons.
Mention spéciale à la station « Leben und Tod ». Lorsqu’un animal est retrouvé mort dans les environs, son cadavre est déposé à cette station pour que le visiteur puisse voir le processus de décomposition mais surtout voir la vie qui se développe autour: insectes qui viennent s’approvisionner, pondre leurs oeufs etc. Par respect pour les proches du défunt, pas de photos du pauvre castor dont les restes étaient pris d’assaut par des centaines d’insectes… et puis, vous n’auriez de toute façon pas eu le plus intéressant… l’odeur!
PS: à la liste des châteaux du Marchfeld, il faudrait ajouter celui d’Obersiebenbrunn. Celui-ci étant occupé par un cloître copte depuis 2001, il ne se visite pas.
Moi j’aime bien les châteaux traditionnels, c’est-à-dire où l’on voit comment ils étaient lorsque des gens y vivaient: chambres, antichambres, salle des gardes, salle à manger, bibliothèque etc.
Cela dit, quand un château a une histoire mouvementée et qu’au final il ne reste plus rien d’origine, on n’a pas trop le choix: soit on en fait un musée, soit on le réutilise pour tout autre chose (hôtel, école, administration etc.), et je le comprends tout à fait.
Mais si le musée est intéressant et bien fait, alors après tout, pourquoi pas?
d’accord, je te suis bien… moi aussi je recherche le côté historique, quand il est véridique (le coup de te dire que EVENTUELLEMENT le ROI MACHIN SERAIT … Peut-être… passé par ce château et y aurait Peut-être passé une nuit… ça m’énerve ! )
C’est un musée qui présente la culture et la vie quotidienne de la région. Il y a beaucoup de choses très différentes; chacun peut y piocher ce qu’il veut en fonction de ses intérêts, et au final, tout le monde peut y trouver son compte, je pense. J’ai bien aimé les cartes anciennes de la régions ainsi que les illustrations anciennes représentant les villes et châteaux à différentes époques. Sympa aussi la reconstitution d’une salle à manger paysanne préparée pour faire face aux inondations (fréquentes et dévastatrices jusqu’au 19ème siècle) avec tous les meubles surélevés. Sympa aussi la webcam fixée sur le nid de cigogne installé sur le toit… inhabité en ce moment, dommage!
Une partie est entièrement consacré à la vie d’un compositeur de la région, star locale que je ne connaissais pas et dont j’ai déjà oublié le nom , avec extraits musicaux pour découvrir son oeuvre.
donc au final, t’es pas déçu, et c’est le principal (je serai curieuse de voir cette salle à manger paysanne parée pour les inondations !! et aussi cette webcam sur le nid de cigogne… occupé… C’est mieux !! )