C’est, si l’on peut dire, une « vedette anonyme ». Le Maître de Naumburg, sculpteur sans patronyme auquel on doit plusieurs chefs-d’œuvre gothiques du XIIIe siècle en France et en Allemagne, est, pour la première fois, au centre d’une vaste exposition. La ville de Naumburg-sur-la-Saale, en Saxe-Anhalt, réunit jusqu’au 2 novembre quelque 500 pièces issues de son atelier. Trois cents d’entre elles proviennent de musées allemands ou étrangers, y compris français.
Le Maître de Naumburg à l’honneur
Le futur Maître de Naumburg fut vraissemblablement formé en Picardie. En plein rayonnement du style gothique, il passa, vers 1220, par Amiens, Reims puis Coblence, où il sculpta le jubé occidental. Mais c’est plus à l’est, à Naumburg, qu’il réalisa l’œuvre qui le fit passer à la postérité : l’intérieur du chœur et le jubé occidental de la cathédrale Saint-Pierre-et-Paul.
Apogée de l’art religieux européen
Ce chœur est orné de douze statues dont celle, célèbre, de la margravine Uta von Ballenstedt. Contrairement aux usages, le Maître de Naumburg n’a pas représenté les apôtres ou des saints, mais les nobles saxons fondateurs de la cathédrale, c’est-à-dire des laïques. Là n’est, cependant, pas la seule originalité de ces statues. Elles frappent avant tout par leur perfection technique et par leur beauté presque surnaturelle.
L’exposition, intitulée « Le Maître de Naumburg – Sculpteur et architecte dans l’Europe des cathédrales », se déploie dans la cathédrale et ses abords sur une surface de 2 500 mètres carrés. Elle mène le visiteur jusque dans le Schlösschen, sur la place du marché, dans le musée municipal, Hohe Lilie, dans l’église Notre-Dame ainsi que dans les jardins de la cathédrale qui, réaménagés, proposent un atelier de construction illustrant les techniques de travail des bâtisseurs de cathédrales.
À huit siècles de distance, les œuvres sublimes du Maître de Naumburg nous rappellent ainsi la profondeur de l’unité culturelle et spirituelle de l’Europe. Elle illustre, en particulier, l’étroitesse des liens culturels qui unissaient déjà, à l’époque, la France et l’Allemagne, a souligné Bernd Neumann, ministre fédéral délégué à la culture et aux médias, lors de l’inauguration. Et d’ajouter : « Nous devrions nous en souvenir lorsque des crises économiques ébranlent notre continent et la solidarité en son sein, comme c’est le cas aujourd’hui ».