L’Allemagne se prépare à de fortes hausses d’impôts à partir de 2007
Gagnée par l’euphorie de la Coupe du monde, l’Allemagne croit à nouveau aux lendemains qui chantent. L’indice IFO du moral des entrepreneurs a atteint en juin son plus haut niveau depuis février 1991, à 106,8 points. Au même moment pourtant, la grande coalition des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates au pouvoir à Berlin tente de s’entendre sur des réformes de la santé, du fédéralisme et de l’impôt des sociétés dont l’addition pourrait s’avérer salée pour les citoyens.
Dès dimanche prochain, 2 juillet, la chancelière Angela Merkel et son gouvernement doivent en principe finaliser un accord comportant de nouvelles hausses d’impôts pour renflouer l’assurance-maladie. Celle-ci pourrait perdre 8 milliards d’euros l’an prochain et 19 milliards à la fin de la législature malgré les réformes déjà introduites par la coalition précédente des sociaux démocrates et des Verts, qui avaient notamment introduit un ticket modérateur.
La ministre des affaires sociales, la social-démocrate Ulla Schmidt, a déjà prévenu, à l’issue d’une réunion des responsables de la coalition le 25 juin, que des recettes fiscales supplémentaires de 16 à 24 milliards d’euros étaient envisagées à partir de 2008. Le prélèvement s’ajouterait à une série de mesures d’austérité déjà décidées : le taux normal de la TVA doit notamment être augmenté de 16 % à 19 % en 2007, dans le but de réduire le déficit budgétaire et d’alléger les cotisations sociales sur l’assurance-chômage.
Pour l’assurance-maladie, c’est le levier de l’impôt sur le revenu qui pourrait être actionné. Le gouvernement de Gerhard Schröder l’avait allégé de 50 milliards d’euros au cours de la précédente législature. La hausse envisagée serait redistribuée aux caisses pour prendre en charge la couverture maladie des enfants ou des conjoints actuellement ayants droit d’un salarié assuré. Par ce transfert, la grande coalition veut geler ou baisser les cotisations d’assurance-maladie sur les salaires pour ne pas peser sur le coût du travail. « Il ne s’agit en aucun cas de prendre dans la poche des citoyens », mais de financer différemment la couverture santé des enfants « ni plus ni moins », a plaidé la chancelière Angela Merkel, lundi 26 juin, devant le directoire de son parti.
Cependant, la coalition doit approuver d’ici à la mi-juillet les modalités de la baisse de l’impôt sur les bénéfices des sociétés - dont le taux doit passer de 39 % à moins de 30 % en 2008 pour un coût estimé pouvant atteindre jusqu’à 8 milliards d’euros. Au sein même de la CDU, le ministre-président de Saxe-Anhalt, Wolfgang Böhmer, a critiqué cette concordance. « Quand on s’entend, je préfère que ce ne soit pas sur le dos des gens modestes », a aussi dénoncé Michael Sommer, président de la confédération des syndicats DGB.
La réforme de l’assurance-maladie est le seul sujet sur lequel les partenaires de la grande coalition n’étaient pas parvenus à un compromis dans leur contrat de gouvernement, renvoyant à des discussions ultérieures. Diverses pistes sont évoquées en plus de la hausse d’impôts. Les assurés du privé - 10 % de la population qui adhèrent à un système libéral réservé aux hauts revenus - pourraient être appelés à un effort de solidarité.
Les caisses seraient davantage mises en concurrence et incitées à se regrouper - il en existe plus de 250. Enfin, elles pourraient demander des contributions complémentaires à leurs membres. « Les groupes les plus faibles de la population seraient à l’avenir placés devant le choix de payer un forfait supplémentaire guère supportable (pour s’assurer) ou de s’accommoder d’une réforme de la santé moins favorable », redoute le syndicat IG Metall.
Ces réformes, dont les retombées seront forcément impopulaires, sont un test pour la cohésion de la grande coalition et pour celle du Parti social-démocrate.
Adrien de Tricornot
Article paru dans l’édition du 29.06.06
Source : www.lemonde.fr