L'ancien chancelier social-démocrate allemand Gerhard Schröder, au pouvoir de 1998 à 2005, plaide pour une Europe fédérale afin de sortir de la crise des dettes souveraines qui mine la zone euro. Engagé par Gazprom pour présider le conseil de surveillance du consortium chargé de la construction du gazoduc Nord Stream depuis 2006, il analyse l'action des dirigeants européens, dont son successeur, Angela Merkel, à l'occasion des travaux à Bruxelles du think tank Nicolas Berggruen Institute et de son Conseil pour l'avenir de l'Europe. Un cercle dont il fait partie avec Tony Blair, Felipe Gonzalez, Guy Verhofstadt et Jacques Delors.
Vous appelez au fédéralisme budgétaire au sein de la zone euro. Est-ce réaliste ?
Gerhard Schröder : Si je n’y croyais pas, je n’aurais jamais signé le document préparé par ce cercle. L’Europe a toujours été un processus. Nous avons connu des phases de forte intégration et des périodes de sclérose. Dans la situation actuelle, il nous faut lutter contre les tendances à la renationalisation pour ériger un véritable gouvernement économique au sein de la zone euro, avec la création d’euro-obligations. Ces transferts de souveraineté nationale doivent s’accompagner de nouveaux pouvoirs pour le Parlement européen et d’une coordination accrue des politiques économiques, avec un rôle central joué par la Commission européenne.
L’opinion publique allemande est-elle prête à se laisser convaincre, elle qui se méfie de l’euro ? Cette aversion n’est pas un problème spécifiquement allemand. Elle existe partout où des efforts de réformes sociales et de discipline budgétaire ont été faits, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Finlande. Dans ces pays, on craint l’incitation à l’indiscipline en cas de mutualisation des dettes publiques. Mais je crois que les obligations communes sont une partie de la solution. Les gouvernements ont le devoir d’aller en ce sens sans suivre l’opinion publique. Quand j’ai réformé en Allemagne, il fallait aller vite et cela nous a coûté le pouvoir.
Partagez-vous les critiques contre Angela Merkel depuis le début de la crise grecque ?
Dans un premier temps, Mme Merkel a fait l’erreur de trop s’intéresser à ce qu’écrivait la presse tabloïd. Sa plus grande faute a été de dire que les Grecs ne travaillaient pas assez, alors qu’ils travaillent en fait plus que les Allemands ! Ce fut une erreur, mais on ne peut lui reprocher le tournant qu’elle a pris pendant l’été au sujet du gouvernement économique. Un tabou est tombé. Mme Merkel a plutôt du mal maintenant à imposer sa position au sein de son propre parti. Son attitude n’est pas populiste. Elle a compris que l’union monétaire ne peut être maintenue qu’avec un gouvernement économique.