Hannah Arendt de Margarethe von Trotta

Ou j’ai bu trop d’eau ou il est temps que j’aille au dodo, mais il ne me semble ne rien avoir vu chez nous pour saluer la sortie du nouveau film de Margarethe von Trotta en France : Hanna Arendt. Si le forum en a déjà parlé, désolée :blush: , je boirai soit une bonne bière allemande ou dégusterai un verre de vin suisse la prochaine fois. Ci-dessous le site officiel

http://www.hannaharendt-derfilm.de/.

Il s’agit de la couverture du procès Eichmann faite par cette célèbre philosophe allemande, fait déjà un peu abordé ici :

.

et aussi aux références de Michelmau, pour ceux qui n’auraient pas entendu parler d’ Hannah Arendt

On n’en avait pas parlé, effectivement !

Mais je crains encore une sortie confidentielle…

Je l’ai vu en Allemagne, et j’ai adoré. C’est très mauvais signe pour le succès d’un film.

Un film fabuleux sur la philosophe que avait été envoyée par le New Yorker comme reporter au procès Eichmann. Le film se concentre sur l’opposition entre les réflexions philosophiques de Hannah Arendt sur le mal comme question épistémologique et le rapport purement émotionnel du grand public envers les crimes de guerre. Arendt pense que seul un être humain peut être jugé, par une dictature en tant que système. Pour elle, Eichmann était un « personne » (a nobody), parce que la dictature prive non seulement les victimes de leur humanité mais aussi ceux qui sont au service du système. La mécompréhension de son jugement sur le système juridique comme inapte à juger la dictature et le scandale sur son analyse des organisations juives dans ce système dictatorial provoqua une rupture entre elle et les intellectuels juifs américains et les survivants. Fascinant à quel point sa pensée était profonde, puissante et iconoclaste - que l’on soit de son avis ou pas.

Le film est à la fois intimiste et spectaculaire. Mais c’est le spectaculaire de la pensée. Le réalisateur semble s’être approché du drame identitaire personnel d’Hannah Arendt qui repose sur une ambiguité cultivée jusqu’à sa mort : une juive allemande est-elle allemande même après la guerre ? A Tel Aviv, la réponse est clairement non. Hannah Arendt oblige New York à une réponse plus nuancée et contradictoire… ce qui n’a justement pas plu du tout à New York.

Elie tu dis

. En tout cas le commentaire que tu en as fait rend un bel hommage au film de Margarethe v Trotta et à ses acteurs :wink: .

et rajoute

C’est également ce que j’ai ressenti en lisant ce qui était dit sur Hannah Arendt, un déchirement. Je pense que les Allemands juifs, ne serait-ce que pour des raisons qui peuvent sembler évidentes, dont entre autre, le fait qu’ Hitler et ses sbires en plus de toutes les horreurs perpétrées envers cette communauté, avaient commencé par la déposséder de son identité d’allemande, ont du se poser la question. Questionnement identitaire qui a du être le même pour beaucoup d’Allemands non juifs de cette époque, parmi ceux qui bien sûr qui n’avaient pas vendu leur âme au NSDAP.

=====Eh oui vous le savez je suis la reine de l’édition des messages, mais bon à signaler ce soir à l’heure où je vous parle et toute la semaine Margarethe v Trotta sera l’invitée de France Culture.

Elle était aussi ce soir dans Downtown sur France Inter, réécoutable ici :
franceinter.fr/emission-down … nah-arendt

Le film semble avoir bien démarré en France, et sa diffusion est bonne (quelque 150 copies)… mais pourquoi diable les 3/4 des films allemands qui sortent en France traitent t-ils inlassablement de sujets axés… sur la Schoah, la 2ème guerre mondiale et la dictature de la DDR alors que la production allemande est très riche et variée (come on le constate chaque année en Alsace lors du festival « Augenblick » consacré au nouveau cinéma allemand, , avec environ 200 nouveaux films produits bon an mal an ?

Salut,

Malheureusement, il ne passe pas dans ma petite ville de province. J’aurais bien aimé le voir.
dans quelques années en DVD…

à bientôt

Il serait bon aussi de se poser la question pourquoi beaucoup de cinéastes allemands reviennent à cette période et en font des films de qualité, et je ne mêlerai pas le diable à cela. C’est la profondeur de cette réflexion sur l’époque qui les a conduit à des œuvres réfléchis salués dans le monde entier et pas seulement en France . Et cela remonte à plusieurs décennies en passant par dles artistes et intellectuels allemands (Heinrich Böll, Fassbinder, Peter Weiss, Schlöndorff, Alexander Kluge, Hans Joachim Schädlich,…), et leurs héritiers depuis les années 90, dont Christian Petzold d’ailleurs, dont le prochain film devrait justement se situer dans la période d’Après Guerre. Les artistes allemands sont à mon avis, ceux qui ont le regard le plus pertinent sur cette cette époque. D’ailleurs on ne peut pas vraiment dire que tout le travail de ces hommes à travers leur dénonciation du nazisme ou des pratiques de la stasi soit vraiment connu du public français. Moi, je trouve au contraire que c’est une bonne chose, car cela montre qu’ils savent porter un regard sans complaisance sur leur histoire et que ce regard n’est pas dénué d’une sincère volonté artistique. Autant je dénonce que les non allemands remettent toujours sur le tapis cette époque, autant je suis contente de voir que les Allemands prennent en main cette partie de leur histoire et que la manière dont ils opèrent soit saluer dans le monde entier. Les films de Kluge ont été salués, en tout premier lieu, par la Mostra de Venice. Je ne pense pas que Tallover http://www.librairie-gallimard.com/detaillivre.php?gencod=2070714802
Persécuter, toujours persécuter, par Jean-Michel Palmier (Le Monde diplomatique, décembre 1988)
ait été un grand succès de librairie en France… Et pourtant.

Ceci dit ta réflexion, qui témoigne de ta spontanéité de germanophile mériterait une réponse plus approfondie que la réponse que je te propose. :wink: :wink:… Puis j’aimerais que le regard de la France sur son passé non glorieux comme la « Guerre d’Algérie » ou le « Colonialisme » voir même « l’esclavage » ait inspiré autant de films de qualité. Il y a en un quelques uns, mais bon, chez nous les films qui cartonnent, c’est plutôt du style « Bienvenu chez les chtis » :blush:

Ben , moi , j’ai bien aimé :« Bienvenue chez les ch’tis » ! :mrgreen:

Voilà cela valait vraiment la peine de le faire et c’est fait!!! le Hannah Arendt de Margarethe v Trotta, à force d’en lire les critiques et d’écouter les interviews de Margarethe von Trotta à ce sujet, je suis allée le voir et je dois dire que j’ai adoré et j’aimerais vous faire partager mon impression et aussi écouter ceux qui n’ont pas aimé le film.
C’est vrai que de voir ce film, je m’y étais préparée depuis longtemps et cela change beaucoup le regard que l’on peut avoir sur une œuvre.
Tout d’abord pour être franche, je ne qualifierais pas cela de chef d’œuvre cinématographique et du meilleur cru de von Trotta. Mais c’est un bon cru et un bon cru qui mérite d’être longuement déguster jusqu’à la dernière gorgée.

Tout d’abord j’ai aimé la manière dont la cinéaste a présenté Hannah Arendt : elle l’a présentée comme une femme de la cinquantaine, aimante et aimée, passionnée et pas du tout comme un être tout cerveau dont la vie ne serait que bouquins et traités philosophiques. J’ai aimé la façon dont Margarethe von Trotta a dépeint la relation de son héroïne avec son second mari Heinrich Blücher, lui même philosophe et universitaire. J’ai eu l’impression que la cinéaste voulait faire un coup d’œil à toutes les femmes de la cinquantaine et plus, la Hannah pour son Heinrich c’était une vraie gamine « ein kleines Mädchen »
:wink: :wink:. Quel dommage car j’ai pas réussi à identifier les petits noms gentils mis à part les traditionnels « Mein Herz, Liebling », et j’aurais bien aimé.
Pour les rapports amoureux, j’ai trouvé judicieux de la présenter aussi comme une jeune femme non dépourvue de prétendants :

  • le philosophe Martin Heidegger avec lequel elle a eu une brève et fulgurante passion lorsqu’elle n’était qu’une jeune étudiante.
  • Hans Jonas, un camarade étudiant aussi élève d’Heidegger dont l’histoire témoigne de la réelle amitié mais qui selon le film aurait été amoureux de celle qui s’appelait encore Johanna lorsqu’ils étaient tout deux étudiants.

J’ai trouvé très bien qu’Eichmann ne soit pas joué par un acteur, mais que des extraits du procès soient donnés, cela rendait en effet le personnage encore plus effrayant dans sa répugnante banalité. Clair qu’Eichmann n’était pas Albert Speer, et c’est justement en cela qu’il est effrayant.

J’ai aimé la manière dont Margarethe v Trotta avait dépeint la position d’Hannah Arendt, et montrait que cette dernière bien qu’ étant juive elle-même et ayant soutenu le sionisme au côté de son ami Kurt Blumenfeld, et vivant aux États-Unis, elle n’avait en aucun cas renoncé à son identité allemande.
D’ailleurs l’histoire relate que fille de parents juifs laïcs, elle n’ a pris que tardivement conscience de son identité juive, justement sous l’influence de Kurt Blumenfeld, sioniste convaincu.
L’anglais Hannah Arendt le parlait bien plus mal que le personnage du film d’ailleurs - Amusant le passage dans le film où son amie américaine, la journaliste et romancière Mary Mac Carthy lui corrige sa manière de prononcer « chips » dans l’expression 'the Chips are down." et aussi la manière dont elle la décrit, non pas en tant que juive, mais en tant que sauvage berlinoise.

De plus il y a une partie que le film esquisse c’est la position des jeunes sionistes d’Israël face à leur aînés victimes de la Shoah. Côté qui est repris lorsque Kurt Blumenfeld dans le film déclare que les jeunes en Israël ne comprennent pas pourquoi leurs aînés en Europe se sont laissés menés comme des moutons à l’abattoir des Nazis et elle en déclarant que les dignitaires juifs avaient aussi leur part de responsabilité dans la Shoah. Position qui est à la base de toute l’opprobre dont elle a fait l’objet par la suite…, alors que la question mérite amplement d’être posée et reste toujours d’actualité quelque soit la position religieuse ou politique de l’individu.

HANNAH ARENDT fonctionne très bien. 151 910 spectateurs après seulement deux semaines d’exploitation. Ce n’est pas aussi bien que LA VIE DES AUTRES ou GOOD BYE LENIN ! mais nous sommes dans les cordes de BARBARA, autre beau succès du cinéma allemand sur nos terres, et ses 291 933 spectateurs.

je partage les avis qui sont émis plus haut, j’ai vu le film au printemps du cinéma Allemand à La Ferrière en Vendée.
J’ai la honte d’avouer que je n’avais jamais entendu parler auparavant de Hannah Arendt.
Du coup, je viens d’acheter sa biographie par Elisabeth Young-Bruehl.
J’ai vraiment adoré ce film, remarquablement interprété.
Sur la langue de Hannah Arendt, qui soit dit en passant parlait aussi le Français (Margarethe von Trotta) la fait du reste prononcer quelques paroles en Français dans le film), Son mari aurait dit d’elle qu’elle pouvait parler et écrire dans d’autres langues, mais qu’elle trouvait l’Anglais parfois insuffisant pour pouvoir exprimer de manière suffisamment précise toutes les nuances de sa pensée et surtout, il disait que son stradivarius était la langue Allemande dans laquelle elle pouvait exprimer tout l’éclat de sa pensée.
Sur le reproche que lui faisaient ses amis d’Israël de ne plus aimer le peuple Juif, elle répond qu’elle n’aime pas le peuple juif, elle aime des gens, des proches, des amis, mais aucun peuple dans son ensemble…
Une femme vraiment extraordinaire que j’essaie de connaitre un peu mieux avant de tenter de lire certains de ses ouvrages, même si je crains un peu cela, n’étant pas un habitué des lectures philosophiques un peu ardues pour moi!

Je n’ai pas encore vu ce film et je compte y aller la semaine prochaine car j’ai vu qu’il est encore en salle sur Paris.

Ce film est en effet une belle réussite artistique et intellectuelle. C’est un portrait de femme d’idées comme le cinéma français serait bien inspiré d’en proposer.

Avoir vu ce film m’a fait un peu moins douter de l’envie des Allemands de se confronter vraiment à l’Histoire après le désatreux « Untergang » (La Chute) qui m’avait fait trembler d’indignation.

J’aimerais voir plus de films portant fièrement cette sensibilité et cette éthique.