La télévision publique s’essaie avec succès à la satire politique
Le célèbre talk-show américain The Daily Show a désormais un petit frère en Allemagne. L’émission satirique de Jon Stewart a inspiré à la chaîne de télévision publique ZDF une parodie de journal télévisé qui marque des points depuis son lancement début 2009. Présenté par un journaliste sportif et comédien, Oliver Welke, le « Heute Show » a reçu deux prix importants en un an, le Prix Comedy et le Prix Adolf Grimme. Mordant, grinçant, réactif, il est passé au début de l’année d’un rythme mensuel à un rythme hebdomadaire. En période de crise, l’humour semble plus indispensable que jamais.
Parodie de journal télévisé
À première vue, le « Heute Show » a tout d’un journal télévisé. Le nom : « Heute show » est une parodie du « Heute Journal », le journal télévisé de la chaîne. Les journalistes : de faux correspondants interviennent du monde entier. Les experts : des statistiques aux commentaires politiques, chaque domaine a son spécialiste. La méthode : « Nous choisissons les sujets comme une rédaction classique », relate Oliver Welke. Le sérieux apparent, enfin : Oliver Welke, look soigné, cravate nouée, stylo en main et notes sous les yeux, décline les thèmes de l’actualité comme on préside à la grand-messe du journal télévisé.
Mais la ressemblance s’arrête là. Un rien pince-sans-rire, l’émission, programmée à 22 heures 30, distille une demi-heure durant piques et attaques en tous genres. Le ton est frais, vif, rapide. Personne ne sort indemne, ni la classe politique allemande, ni l’étranger, ni l’économie. « Lorsque Welke et son équipe sont en forme, ça barde sec le vendredi en deuxième partie de soirée. Chacun en prend pour son grade », commente le « Sueddeutsche Zeitung ».
Mordant, frais, rapide
Tout y passe : le style de la chancelière, les affaires de financement des partis politiques, les lacunes dans la sécurité des aéroports, les télécoms… « Angela Merkel a 26.500 camarades sur Facebook. Les camarades sur Facebook, ça vaut toujours mieux que les camarades de parti », ironisait Oliver Welke le 5 mars. Les Grecs sont dans la rue ? « C’est sûr : si le paysan n’arrive pas à nager, c’est la faute du maillot de bain ! ». Les églises et les banques sont en crise ? « Je les aime tous de la même manière. Mais il faut porter au crédit de l’église le fait d’avoir engagé une réflexion critique. Les banquiers, eux, sont restés fidèles à eux-mêmes ».
Ces derniers temps, l’une des cibles favorites du présentateur était le parti libéral FDP, en chute dans les sondages d’opinion. « Le seul fait d’en prononcer les trois initiales provoquait parfois un éclat de rire », a constaté Oliver Welke. Le présentateur n’ose pas imaginer que sa victime favorite quitte les premiers rangs de la scène politique. « Ce serait un coup dur », avoue-t-il.
Analyses politiques décapantes
Welke n’est toutefois pas le seul à assurer le spectacle. Ses « correspondants » et « experts », pour la plupart des comédiens, se sont eux aussi installés dans leurs rôles respectifs. Martina Hill joue l’experte en statisques. Martin Sonneborn assiste aux congrès politiques. Ulrich von Heesen joue les « reporters de légende à l’ancienne » aux quatre coins du monde. Mais rien ne surpasse sans doute les analyses politiques « énervées » de Gernot Hassknecht, personnage de comédie interprété par Hans-Joachim Heist. Passé maître dans l’art du dérapage contrôlé, ce dernier est devenu, avec le « Heute Show », l’un des humoristes les plus regardés sur You Tube.