Chapeau bas pour le MP3 : le format de numérisation audio le plus populaire fête son 15e anniversaire. Ce procédé de compression de fichiers musicaux fit l’objet d’une norme dès 1992, mais son nom, désormais familier à tous les jeunes, n’apparut que le 14 juillet 1995.
« À l’époque, nous nous étions donné quelques jours pour réfléchir à l’extension de fichier », se souvient Karlheinz Brandenburg, qui apporta une contribution décisive au développement de ce format. Dans un premier temps, l’équipe d’environ 40 chercheurs qu’il dirigeait à l’Institut Fraunhofer pour les circuits intégrés (IIS), à Erlangen, utilisait en interne le nom d’extension « .bit » (pour « flux de bits »).
« Nous nous sommes mis en quête d’un nouveau nom quand il a été question de commercialiser ce procédé », explique Karlheinz Brandenburg, à présent directeur de l’Institut Fraunhofer des technologies des médias numériques (IDMT) d’Ilmenau, dans une interview accordée à l’agence de presse dpa.
Il paraissait logique de choisir l’extension « MP3 » pour désigner la norme ISO IS.11172-3 « MPEG Audio Layer 3 ». En effet, une équipe de l’institut de radiodiffusion IRT de Munich avait baptisé « MP2 » un procédé rival, le « MPEG Layer 2 ». « Cette concurrence est arrivée à point nommé pour nous stimuler », se remémore Karlheinz Brandenburg. « En réalité, les deux [équipes] ont gagné, même si peu de gens le savent. » Ainsi, le format MP2 intervient entre autres dans la transmission audio pour la télévision numérique terrestre (TNT).
Mais c’est le MP3 qui remporta le plus grand succès. Ce procédé de compression principalement développé à l’IIS consiste à enregistrer uniquement les fréquences perceptibles par l’oreille humaine afin de réduire au maximum la taille des fichiers musicaux numériques.
Le format MP3 révolutionna l’industrie de la musique. La nouvelle norme favorisa le développement d’appareils numériques permettant désormais d’enregistrer des centaines d’albums. Mais le MP3 cristallise également les craintes des artistes et des maisons de disques, qui redoutent le piratage massif et le libre échange de leurs œuvres sur Internet.
Karlheinz Brandenburg affirme avoir prévenu très tôt les représentants de l’industrie musicale et de l’électronique grand public qu’il fallait réunir deux conditions pour protéger efficacement les œuvres. Il importait ainsi d’élaborer une norme universelle sans que l’utilisateur ne s’en rende compte. « À défaut, le MP3 non protégé gagnera », avait-il prophétisé. Et la suite lui donna raison. Les procédés de codage MPEG sont certes brevetés, mais on peut accéder librement à des informations sur leur utilisation. « Cela a beaucoup précipité les choses », poursuit Karlheinz Brandenburg. « Nous avons toujours fait en sorte que ces concepts commerciaux soient adaptés à l’Internet. »
Karlheinz Brandenburg reconnaît que de nouveaux procédés tels que l’AAC ou l’OGG permettent d’obtenir une qualité sonore supérieure. Mais le format MP3 est reconnu par tous les appareils audio. « Cela va assurer sa pérennité sur les dix ans à venir. »