Immigration et évolution linguistique.

Après une discussion assez animée il y a quelques jours avec ma colloc allemande sur l’évolution de l’allemand, la tombée en désuétude du prétérit et autres, je trouve aujourd’hui cet article dans « Die Presse », journal de référence (enfin je crois) autrichien.

L’ampleur du phénomène me semble un peu exagérée dans ce papier toutefois…

Les commentaires sont aussi intéressant à lire pour se donner une idée de la mentalité des Autrichiens à ce propos. Je posterai un jour sur mon ressenti sur ce sujet et quelques autres, pour lesquels les réactions des Autrichiens m’ont un peu dérangées… :confused:

Ce qui est certain, c´est que dans les milieux défavorisés (les pauvres, quoi), il y a bien longtemps que le Türkdeutsch a remplcé les dialectes locaux. Dans les quartiers où les Russlandsdeutsche sont assez nombreux, la rencontre russo-turque a aussi donné un allemand assez particulier.

Ce que je n´aime pas trop, dans cet article, c´est la généralisation hative : tout le pays ne parle pas Türkdeutsch, il s´agit avant tout d´un phénomène sociolinguistique. Là où les prolétaires pauvres parlaient un dialecte local impossible il y a encore 40 ans, on trouve maintenant des sociolectes turco-russo-albano-yougo-allemands. C´est parfaitement logique quand on regarde la structure sociale du pays : ces populations immigrées sont le sous-prolétariat d´aujourd´hui, alors que les fils de prolo allemands (et autrichiens) font maintenant partie de la classe moyenne apauvrie.

Le « combat » entre allemand standard (scolaire) et les variantes locales a toujours été très fort dans les pays germanophones. Avant les grandes vagues d´immigration, c´était les Allemands et Autrichiens eux-memes qui massacraient le Hochdeutsch à coup de dialectes impossibles. La règionalisation des variantes autochtones de l´Allemand par la standardisation partielle due aux médias et à la mobilité sociale et professionnelle, laisse le champs libre au développement de variantes linguistiques dans les groupes sociaux défavorisés, en l´occurrence les immigrés.

C’est un peu le sentiment que j’ai eu en lisant cet article: un peu trop de généralisation qui alimentera, à dessein ou non, la xénophobie ambiante…

Les commentaires sont sur ce point édifiants…

Oui et non. Si on parle des milieux défavorisés, des quartiers où les pauvres se concentrent, l´article n´a rien d´exagéré. A Amsterdam, le néerlandais des jeunes est pratiquement du pidjin. Mais l´article « oublie » de dire que tout le pays ne vit pas dans ces quartiers, et surtout que cette différence ethnolecte/hochdoeutsch ne fait que remplacer l´ancien dialecte/hochdeutsch. D´un point de vue strictement sociolinguistique, on ne peut pas reprocher aux immigrés de parler à leur facon, comme les prolos autrichiens parlaient également à leur facon il y a 30 ou 40 ans. Le seul élément que l´on peut retourner contre l´auteur de cet article pour l´accuser de xénophobie plus ou moins déclarée, c´est le fait qu´il parle d´un ethnolecte, alors qu´il ne s´agit que d´un nouveau sociolecte de basse classe sociale comme il y en a toujours eu. Le terme ethnolecte fait glisser la question vers une confrontation racisto-ethnique, ce qui n´est pas la réalité linguistique du tout. Ceci dit, les milieux en question soulignent largement leur ethnicité et la revendiquent ouvertement. Ce n´est pas uniquement la volonté d´identifier ces sociolectes ethniquement qui rend le débat glissant, c´est aussi le fait que les immigrés en question revendiquent l´ethnicisation de leur langage ouvertement. Bref, que l´Autriche soit un pays à moitié nazi, ce n´est pas nouveau (lire Heldenplatz de Thomas Bernard à ce sujet), mais il ne faudrait pas oublier qu´il faut etre deux pour faire escallader une confrontation…