Inauguration d’un musée sur la terreur nazie au centre de Berlin
Soixante-cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le président allemand Horst Köhler a inauguré jeudi, au centre de Berlin, un musée-mémorial consacré aux crimes nazis. Baptisé « Topographie de la terreur », il est situé à l’emplacement où, sous le nazisme, se trouvaient concentrés le siège et la maison d’arrêt de la Gestapo, la police secrète nazie, le Reichssicherheitshauptamt et le siège des Reichsführung-SS. Il se substitue à une exposition en plein air qui accueillait jusqu’à 500.000 visiteurs par an depuis 1987.
En mémoire des victimes
Cœur du système d’oppression nazi, le site « Topographie de la terreur fut aussi le lieu des victimes », a souligné le ministre allemand délégué à la Culture et aux médias, Bernd Neumann. 15.000 personnes furent détenues ici, dans les geôles souterraines de la Gestapo. « Le destin de ces détenus nous envoie un signal important : sous le nazisme, il y eut aussi des gens pour s’opposer », a souligné le ministre. Pour la présidente du Conseil central des juifs d’Allemagne, Charlotte Knobloch, « l’ouverture d’un centre de documentation est aussi un geste important, que l’on a longtemps attendu, envers les victimes qui ont survécu ».
Le maire de Berlin, Klaus Wowereit, a renchéri en réaffirmant l’importance de préserver vivante la mémoire des crimes nazis. « C’est aujourd’hui un grand jour pour Berlin et pour tous ceux qui luttent avec constance contre l’oubli. Ce lieu incarne comme aucun autre la terreur et le génocide. Il concentrait les liaisons avec les lieux de souffrance répartis dans toute l’Europe comme une toile d’araignée », a-t-il déclaré.
Un lieu ballotté au gré de l’histoire
Le président Horst Köhler a, pour sa part, également rendu hommage aux initiateurs du projet de musée. Trop longtemps, ce lieu a été ballotté au gré de l’Histoire et finalement oublié. « La Topographie de la terreur » témoigne du « long chemin » parcouru par les Allemands depuis 1945 dans la relation au passé, a souligné le président.
L’histoire du site est, en effet, jalonnée de nombreux méandres. Les restes des bâtiments de la Prinz-Albrecht-Straße avaient été rasés après la guerre. Ils avaient laissé la place à un terrain vague. À partir de 1961, le mur de Berlin s’inscrivit dans le paysage. Dans les années 1980, c’est l’engagement de citoyens de la ville qui conduisit à transformer le site en mémorial. La première exposition provisoire fut organisée en 1987 dans la partie occidentale de la ville. Le site commença ensuite à être réaménagé sur des plans de l’architecte Peter Zumthor entre 1995 et 1999, mais les premières constructions furent finalement détruites en 2004.
Le nouveau centre de documentation, dont la construction a coûté près de 27 millions d’euros à l’État fédéral et au Land de Berlin, a été, lui, esquissé par Ursula Wilms et Heinz Hallmann. Le musée comprend désormais une exposition permanente plus riche, un café, des salles de séminaire, des salles pour les expositions temporaires, une bibliothèque et un fonds d’archives.
L’exposition, découpée en cinq parties claires, est excellemment documentée. Elle retrace à l’aide de photos, de textes riches et de documents filmés l’histoire et les conséquences du nazisme, depuis l’arrivée au pouvoir d’Hitler jusqu’au devenir des bourreaux pendant l’après-guerre. Elle décrit les institutions qui firent régner la terreur et le fonctionnement du système de persécution et d’extermination. Le tout -et c’est un tour de force- sans conférer au spectateur le sentiment d’être écrasé sous le poids de l’Histoire.