Source: les Nouvelles d’Allemagne du 13.07.06
Des règles claires pour bien vivre ensemble
Le gouvernement fédéral a programmé un sommet sur l’intégration le 14 juillet afin de préparer un plan d’action national pour l’intégration. Dans la perspective de cette rencontre, le cabinet fédéral a adopté une déclaration définissant la position du gouvernement allemand. Le document, qui a été présenté par la déléguée à l’intégration, Maria Böhmer, est rédigé comme suit : L’intégration des immigrés est l’un des grands défis politiques et sociaux de l’Allemagne. Le gouvernement fédéral y voit un devoir politique essentiel.
L’Allemagne n’est pas devenue une terre d’immigration à l’arrivée des « travailleurs immigrés invités ». Notre pays est caractérisé de longue date par une importante immigration ponctuée de nombreux exemples d’intégration réussie. Nous devrions plus que jamais mettre cette précieuse expérience historique au service d’une approche positive et pragmatique de l’immigration et de l’intégration.
Environ quinze millions de rapatriés tardifs et de personnes issues de l’immigration vivent aujourd’hui en Allemagne, ce qui représente presque un cinquième de la population de notre pays. La majorité de ces immigrés ont depuis bien longtemps trouvé leur place dans notre société et se sont parfaitement intégrés. Dans les grandes villes allemandes, dès 2010, probablement une personne de moins de quarante ans sur deux sera issue de l’immigration.
Néanmoins, le nombre de nouveaux immigrants n’a cessé de reculer au cours des dernières années : en 2005, environ 110.000 bénéficiaires du regroupement familial, rapatriés tardifs, immigrants juifs ou travailleurs migrants issus de pays extracommunautaires sont arrivées en Allemagne dans la perspective d’un séjour permanent, alors qu’ils étaient entre 20.000 et 80.000 de plus entre 2002 et 2004.
Par ailleurs, les notions de migration et d’intégration renvoient à des réalités très différentes, selon que les immigrants sont des hommes ou des femmes, qu’ils viennent en Allemagne volontairement ou contre leur gré, qu’ils sont des rapatriés de souche allemande ou des ressortissants d’autres nations, qu’ils sont issus d’une culture apparentée ou au contraire très éloignée, qu’ils arrivent seuls ou avec toute leur famille. La famille peut être d’un côté un moteur d’intégration, mais d’un autre, elle peut constituer un frein à l’intégration dans la société d’accueil. Lorsque les immigrés évoluent dans des systèmes culturels fermés dans lesquels ils n’ont pas besoin de parler allemand, l’acquisition de la langue et l’adaptation au pays d’accueil peuvent s’en trouver retardées. La politique d’intégration doit donc prendre davantage en compte l’ensemble de la famille.
Du fait de l’évolution démographique et d’une course mondiale à l’excellence de plus en plus exigeante, nous devons à l’avenir orienter l’immigration de manière à servir les intérêts économiques et sociaux de l’Allemagne. C’est également pour cette raison qu’il est urgent de mettre en œuvre une politique d’intégration durable. Les immigrants ont apporté une contribution essentielle à la puissance économique et à la diversité culturelle de l’Allemagne, notamment les quelque 300.000 entrepreneurs qui ont créé un million d’emplois.
Les immigrants des années cinquante et soixante du siècle dernier, principalement des « travailleurs invités », étaient caractérisés par le fait que la plupart d’entre eux arrivaient en Allemagne avec un faible niveau de formation et y exerçaient essentiellement des emplois modestes.
Nombreux sont les immigrés à s’être depuis « élevés » dans la société. D’autres, cependant, ont été victimes de l’évolution du marché du travail, qui exige de plus en plus une main d’oeuvre qualifiée. La politique d’intégration, mais aussi la politique d’immigration doivent en tenir compte : immigration des meilleurs, en tout cas de ceux qui sont en mesure d’assurer leur subsistance.
Ces derniers temps, force est cependant de constater que d’évidents problèmes d’intégration subsistent précisément chez les immigrés des deuxième et troisième générations, ce que révèlent notamment une maîtrise insuffisante de l’allemand, une éducation et une formation déficientes, un taux de chômage plus élevé, l’incapacité d’accepter les règles de base qui régissent la vie dans notre société, voire la violation des lois et des droits de la femme. Il est capital pour l’avenir des habitants de notre pays que tous manifestent l’envie et la volonté de remédier à ces difficultés.
Nous devons empêcher la naissance d’une « génération perdue ». Les déficiences de l’intégration font planer le risque de voir la notion d’« ensemble » se changer en un « les uns à côté des autres » voire, dans le pire des cas, en un « les uns contre les autres ». Ainsi, l’intégration est la condition indispensable à la cohésion sociale dans un pays ouvert sur le monde, dans lequel des hommes des origines les plus diverses cohabitent en paix, en conformité avec le droit, et se respectent mutuellement.
Une intégration réussie doit passer par l’identification, l’implication et la responsabilisation des immigrants. Pour ce faire, des efforts sont nécessaires de la part de l’État, de la société civile et des immigrants eux-mêmes. Pour manifester clairement leur attachement à l’Allemagne, les immigrants doivent impérativement être prêts à faire leur vie dans notre société, à accepter sans réserve notre Loi fondamentale ainsi que l’ensemble de notre ordre juridique et surtout à apprendre la langue allemande. Cela suppose de leur part initiative, sérieux et responsabilité.
La société d’accueil doit, de son côté, faire preuve de bienveillance et de tolérance ; la société civile doit s’impliquer et être disposée à faire véritablement bon accueil aux personnes en situation régulière qui vivent en Allemagne.
Il s’agit de développer une conception commune de l’intégration fondée sur des droits et devoirs mutuels, pour les immigrés comme pour la population locale. Quiconque a des exigences doit aussi y mettre du sien. Quiconque fait valoir des droits a aussi des devoirs à remplir. Outre nos valeurs et notre identité culturelle, le fondement de cette conception repose sur notre ordre constitutionnel libéral et démocratique qui est l’aboutissement de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe.
La loi sur le séjour des étrangers constitue une première étape importante vers un encouragement systématique de l’intégration des immigrants en situation régulière vivant sur le territoire allemand. Le gouvernement fédéral a reconnu sa responsabilité dans la promotion de la langue vis-à-vis des immigrants et dans leur information sur le droit, la culture, l’histoire et la chose publique en Allemagne. En exigeant de ceux qui viennent s’installer parmi nous un certain nombre d’efforts d’intégration, nous favorisons également l’acceptation de la société d’accueil vis-à-vis des immigrés.
Sur cette base, nous souhaitons mettre en commun les mesures proposées à tous les niveaux de l’État et de la société. C’est pourquoi, pour la première fois dans l’histoire de la République fédérale d’Allemagne, la chancelière a annoncé la tenue d’un sommet sur l’intégration auquel seront conviés des immigrants ainsi que des représentants de toutes les sphères politiques et de tous les groupes sociaux. Ce sommet sera le point de départ d’un dialogue à long terme qui devra aboutir à un plan d’action national pour l’intégration. Définissant des objectifs clairs, des mesures concrètes et des engagements individuels, ce plan devra servir de base à une politique d’intégration durable.
Des groupes de travail sont créés pour préparer ce plan d’action national d’intégration. Sous la direction des ministères fédéraux concernés, des propositions concrètes d’amélioration des conditions d’intégration seront élaborées dans ce cadre. Parallèlement, le gouvernement met en place un forum pour l’intégration où les représentants des immigrés, des groupes sociaux, de l’économie, des syndicats, des églises, de la science, de la culture et des médias seront amenés à dialoguer.
Afin d’améliorer l’intégration, le gouvernement veut en particulier obtenir des progrès dans les six domaines suivants:
-développer les cours d’intégration,
-encourager l’apprentissage de l’allemand dès le plus jeune âge,
-assurer une éducation et une formation de qualité et augmenter les chances d’accéder au marché du travail,
-améliorer les conditions de vie des femmes et de leurs filles et parvenir à l’égalité des sexes,
-soutenir l’intégration sur le terrain,
-renforcer la société civile.