Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, s’est vu remettre jeudi 2 juin le Prix Charlemagne à Aix-la-Chapelle. Cette prestigieuse distinction récompense son action en faveur de la stabilité de l’euro et de la préservation de la compétitivité du marché intérieur européen. La cérémonie s’est déroulée dans le cadre historique de la salle du Couronnement, à l’Hôtel de ville, devant quelque 850 invités et personnalités.
Gardien de la stabilité de l’euro
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a prononcé le discours d’éloge. Il a loué en M. Trichet un « gardien de la stabilité des prix et de la crédibilité de l’euro » et une personnalité qui incarne l’indépendance de la BCE. Le Français inscrit son nom sur une longue liste de lauréats qui comprenait déjà ceux des chanceliers Konrad Adenauer, Helmut Kohl et Angela Merkel, et des présidents Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterand et Bill Clinton.
M. Barroso a ainsi rappelé que Jean-Claude Trichet avait prononcé des mises en garde dès 2007 contre la survenue d’une crise financière, puis qu’il avait géré l’euro avec pragmatisme et audace dans la tourmente. Et, toujours, il a affirmé sa confiance dans l’avenir de l’idée européenne, a-t-il souligné.
De fait, le Français, qui préside depuis novembre 2003 la BCE, basée à Francfort-sur-le-Main, a parfois eu à gérer des périodes périlleuses pour la monnaie européenne.
À quelques mois de son départ, en octobre prochain, il n’en a pas moins décrit la création de l’euro et l’ouverture des marchés en Europe comme une réussite. « L’euro s’est établi comme une monnaie crédible, aussi forte que le deutschemark », a-t-il souligné dans un discours majoritairement prononcé en allemand. De plus, depuis la création de la monnaie unique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant de l’Union européenne (UE) s’est hissé au niveau de celui des États-Unis.
Gouvernance de la zone euro
Le président de la BCE a cependant été plus loin en se livrant à une réflexion sur l’avenir de la gouvernance de la zone euro. Selon lui, « un saut quantique en vue d’améliorer la procédure législative » est nécessaire pour empêcher que « des États particuliers ne se nuisent à eux-mêmes et ne nuisent à l’UE ». En effet, le système actuel de contrôle et de sanctions prévu par le Pacte de stabilité n’est pas suffisant.
M. Trichet suggère un pas supplémentaire vers la supranationalité. Il a ainsi émis l’idée d’un droit de veto de l’Union économique et monétaire à l’encontre de la politique budgétaire d’un État membre en cas d’endettement excessif chronique. Il souhaite aussi que les institutions européennes puissent intervenir directement dans la politique économique d’un État très endetté, par exemple en prenant des mesures en faveur de la compétitivité, si celui-ci se montre incapable de se redresser malgré la solidarité européenne. Il va jusqu’à évoquer, dans une perspective de long terme, l’idée d’un ministère des Finances européen.
Ces propos ont suscité des réactions nombreuses et variées. À Berlin, l’idée d’un ministère européen des Finances suscite beaucoup de sceptiscisme. « Une telle modification du traité n’est pas imaginable dans un avenir proche », a déclaré jeudi le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. Ce n’est pas à l’ordre du jour, a renchéri le porte-parole du gouvernement, Stephen Seibert. Jean-Claude Trichet a d’ailleurs parlé lui-même d’une « idée pour après-demain », a-t-il souligné. Berlin partage, en revanche, l’avis du Français quant à la nécessité d’une discipline budgétaire renforcée au sein de la zone euro. Mais beaucoup d’avancées ont déjà eu lieu en la matière, a ajouté M. Seibert.