Un demi-million de spectateurs aux Jeux de la Passion du Christ
Jésus aborde la dernière ligne droite aux Jeux de la Passion d’Oberammergau, petit village des Alpes bavaroises. Trois semaines avant la fin de ce festival séculaire qui retrace le supplice, la mort et la résurrection du Christ, le bilan est excellent, sur le plan artistique comme économique.
Pourtant, la météo a été impitoyable. Cette année, Jésus a été souvent exposé au froid pendant les Jeux de la Passion du Christ. Même les soirs d’été, il est arrivé qu’une bise mordante souffle sur l’immense théâtre en plein air d’Oberammergau. Les deux acteurs se relayant pour interpréter Jésus ont grelotté dans leur modeste pagne pendant la scène de la crucifixion. En tout état de cause, la petite troupe biblique sera endurcie pour les vingt représentations qui auront lieu dans la fraîcheur automnale.
Il faudra attendre que le rideau tombe pour la dernière fois, le 3 octobre, avant de dresser le bilan définitif de cette 41e édition. Mais une chose est sûre : 99,8 % des places sont déjà réservées pour les 104 représentations, indique Werner Herrlinger, directeur des ventes. Le petit village bavarois est donc assuré de recevoir près d’un demi-million de visiteurs.
Les habitants d’Oberammergau ne soupçonnaient pas ce succès lorsqu’ils firent le serment, en 1633, de reconstituer tous les dix ans la Passion du Christ si la peste ne faisait plus de victimes. La légende raconte que, dès lors, plus aucun villageois n’aurait succombé à la terrible épidémie qui sévissait à l’époque. Depuis, les habitants restent fidèles à leur promesse. L’édition 2010 s’est ouverte le 15 mai avec cinq représentations par semaine. La moitié du village, qui compte aujourd’hui 5000 âmes, contribue au spectacle sur scène ou en coulisse.
Près de la moitié des spectateurs sont anglophones, révèle Frederik Mayet, qui est à la fois l’un des deux interprètes de Jésus et le porte-parole des Jeux de la Passion. La manifestation suscite un intérêt croissant en Nouvelle-Zélande et au Japon. Les longs efforts de la commune, qui prépare l’événement depuis plusieurs années, ont été largement récompensés : le bénéfice net devrait tourner autour de 30 millions d’euros. Plusieurs habitants d’Oberammergau ont pris six mois de congé sans solde pour interpréter l’un des rôles principaux, très convoités. Seuls les villageois ont le droit de participer. En contrepartie, les acteurs amateurs reçoivent un cachet financé par la commune.
Le directeur des Jeux, Christian Stückl, est enchanté de cette édition : « Je n’ai jamais été aussi satisfait que cette année », déclare le metteur en scène. C’est la troisième fois de suite qu’il dirige les Jeux de la Passion, et il n’a pas hésité à bouleverser les habitudes pour réaliser une mise en scène contemporaine. « Les acteurs restent très concentrés ; ils prennent beaucoup de plaisir à jouer », poursuit?il. Christian Stückl se félicite d’avoir reporté la deuxième partie du spectacle à la tombée de la nuit, car il met ainsi à profit le crépuscule pour créer une ambiance particulière sur scène.
Quand les Jeux de la Passion 2010 s’achèveront, le soir du 3 octobre, les acteurs auront le cœur gros. « En général, on pleure beaucoup après la dernière représentation », confie Frederik Mayet. « Les gens tombent dans les bras les uns des autres en sanglotant, car ils réalisent subitement que l’ultime fois est arrivée. »
Le quotidien reprendra alors ses droits et les coiffeurs d’Oberammergau auront du pain sur la planche, car les hommes du village renonceront à leurs cheveux longs et à leur barbe hirsute. Ils recommenceront à les laisser pousser à partir du mercredi des Cendres 2019, plus d’un an avant les Jeux de la Passion 2020, pour mieux ressembler aux personnages bibliques.