L’Histoire est moins manichéenne qu’on ne le pense. Un nazi bon teint peut se muer en sauveur de centaines de milliers d’innocents exposés à la barbarie. Ce fut le cas de John Rabe, un industriel allemand, membre du parti nazi. En 1937, il permit à plus de 200 000 Chinois d’échapper au massacre de Nankin, perpétré par les Japonais. Un film de Florian Gallenberger, John Rabe, le juste de Nankin (2010), sorti le 27 avril sur les écrans français, en raconte l’édifiante histoire.
John Rabe, le juste de Nankin sort de l’ombre un épisode heureux au cœur de l’une des pages les plus tragiques de l’histoire du XXe siècle. Le massacre de Nankin, qui débuta en décembre 1937, pendant la guerre sino-japonaise, fit, en effet, entre 100 000 et 300 000 victimes.
À l’époque, rares sont les étrangers encore présents dans ce qui était alors la capitale chinoise. Parmi eux se trouve l’Allemand John Rabe. Il dirige la filiale locale de l’entreprise Siemens. Et, alors qu’il va regagner l’Allemagne après trente années passées en Orient, les Japonais bombardent Nankin, l’encerclent et s’apprêtent à massacrer ses habitants. Horrifié, il parvient à mettre en place, avec un petit groupe d’autres Occidentaux, une zone de sécurité afin de protéger les civils chinois. Il en est nommé président. Il tentera l’impossible pour sauver des vies, allant même jusqu’à écrire à Hitler.
Le « Schindler de Nankin »
John Rabe est parfois comparé à Oskar Schindler, le patron allemand filmé par Steven Spielberg qui sauva plus d’un millier de juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Lauréat de l’Oscar du meilleur court métrage à Hollywood en 2001, Florian Gallenberger, exploite d’ailleurs ouvertement une veine similaire. John Rabe, le juste de Nankin est une superproduction franco-germano-chinoise. En 2009, année de sa sortie en Allemagne, il a remporté quatre récompenses lors de la remise du Prix du film allemand, dont celle du meilleur film.
Le personnage de John Rabe est brillamment campé par l’acteur allemand Ulrich Tukur, déjà remarqué dans des films tels que La Vie des autres. Le film doit aussi beaucoup à Iris Chang, descendante de survivants, qui retrouva le journal intime de Rabe en 1996. Elle le fit traduire et publier en 1998 sous le titre The Good man of Nanking.
Le véritable John Rabe, lui, mourut en 1950 d’une crise cardiaque en Allemagne. Son passé nazi lui valut d’être mis en cause après la guerre puis, disculpé, de vivre les dernières années de sa vie dans la misère. Mais si le témoignage d’humanité qu’il livra à Nankin s’est enfoui dans la mémoire occidentale, il demeure en Chine l’objet d’une profonde reconnaissance. Ainsi, en 1997, la dépouille du bienfaiteur de Nankin, enterrée à Berlin, a été transférée avec les honneurs au mémorial du massacre, en Chine.