Kurt Gerron, un anti héro (?)

C’est en voyant les sorties de livres que je constate que Charles Lewinsky, écrivain suisse de langue allemande vient d’écrire un ouvrage intitulé ;GERRON.
Tout de suite, ce nom me dit quelque chose, mais quoi ? Je tape donc ce nom sur G**gle images où je tombe sur cette photo: et là, je me dis que je connais ce visage…mais où l’ai-je vu ?
Et tout à coup, ça me revient le magicien Kiebert, directeur du théâtre de variétés et prestidigitateur dans le célèbre « Ange bleu » aux côtés de Marlene Dietrich et d’Emil Jannings et Le Docteur Kalmus dans les « Drei von der Tankstelle » aux côté de Heinz Rühmann, Willy Fritsch et Lilian Harvey.
Un visage rond tout à fait reconnaissable. Et là, je m’aperçois , suite à une recherche,que cet homme a eu une existence bien mouvementée, à une époque , elle -même, bien mouvementée.
Gerron nait en 1897, à Berlin, dans une famille aisée de commerçants juifs.Peu après son bac, c’est la première guerre mondiale et incorporé, il doit laisser tomber des études de médecine. Grièvement blessé, il est déclaré « inapte au combat », quitte l’armée, reprend ses études et sera à nouveau incorporé, comme médecin militaire, cette fois.
La guerre finie, il laisse tomber son métier de médecin et se destine à la carrière d’acteur. Dans les années 20-30, il commence comme acteur de théâtre et de chanteur. Il interprète entre autres, la célèbre « complainte de Mäckie, » de l’Opéra de Quatre Sous.Il joue dans des films sous la direction de Richard Oswald et Georg W.Pabst, puis, c ‹ est dans l ›« Ange bleu », de Joseph von Sternberg qu’il atteindra le sommet de sa carrière d’acteur.
Peu après la prise de pouvoir par les nazis, Gerron émigre avec ses parents et sa femme Olga vers Paris. En 1935, il se rend aux Pays-Bas, en passant par l’Italie et l’Autriche.Peter Lorre et Marlene lui proposent leur aide pour l’aider à passer aux Etats Unis, mais il la refuse .Après l’attaque des Pays-Bas par la Wehrmacht, il est arrêté par la SS et interné dans le camp hollandais de Westerbork. En février 1944, il sera déporté au camp de concentration de Theresienstadt, où, pour adoucir un peu le quotidien des prisonniers, il montera un cabaret « der Karussell ».
En août 1944, il est contraint par les autorités allemandes de tourner un film pseudo-documentaire de propagande montrant Theresienstadt, l’enfer, comme un paradis aux yeux d’ observateurs de la Croix Rouge, et de représentants des pays neutres et contrant les attaques des « antinazis ».
Un village de cinéma est alors totalement reconstitué à cet effet avec cafés, bureau de poste, banque,bibliothèque, höpital.Certains reprocheront à Gerron de ne pas avoir refusé l’ordre des autorités allemandes.
Reproches auxquels Gerron répondra :« Moral ist Luxus, Luxus ist hier eine Scheibe Brot = la morale est un luxe, ici, le luxe, c’est une tranche de pain. »
Le film s ‹ appellera « Theresienstadt » ou encore, en plus cynique :« Der Führer schenkt den Juden eine Stadt = leur fuhrer offre une ville aux juifs. » Hélas, l › espoir de sauver sa vie, celle de sa famille et de ceux qui avaient travaillé avec lui dans cette entreprise sera très vite réduit à néant. Il est avec beaucoup d’autres déporté à Auschwitz où il meurt le 28 octobre 1944 dans la chambre à gaz, le veille du jour où Himmler fermera Auschwitz devant l’avancée des Russes.

Kurt Gerron chante la complainte de Mackie:

Quelques extraits du film qu’il réalisa contraint et forcé:

Finale de "Die drei von der Tankstelle:(il est le premier, à 0,20 à sortir par la porte de droite. On reconnait son visage rond.)

Une partie de la docu , en allemand,qui m’a permis de rédiger ce post:
http://www.steffi-line.de/archiv_text/nost_buehne/06g_gerron.htm

Comment désobéir quand on vous dresse un revolver sur la tempe?
Comment désobéir devant des gens qui vous tuera un jour ou l’autre? …

Son histoire est très triste. Je ne le connaissais pas mais sa version de la chanson de Mackie Messer est super, j’adore cette chanson de toute façon!
(Et, rien à voir, mais au début de la vidéo, je rêve ou il dit « Sie werden ein paar Songs […] hören? » Un anglicisme qui existait depuis 80 ans alors?!)

Très triste destin en effet. :frowning: