La 3e République et l'Allemagne

En me penchant un peu sur l’histoire de la 3e République (1870-1940), je me suis rendu compte que l’influence voire la fascination qu’exerce l’Allemagne sur la France date de bien avant l’après 2e guerre mondiale. Malgré les très fortes tensions qui subsistaient entre l’Allemagne et la France sous la 3e République, la classe politique et les intellectuels français n’étaient pas forcément germanophobes, loin s’en faut ! Voici quelques exemples, plus ou moins connus :

Jean Jaurès (1859-1914), grand pacifiste devant l’Eternel, était très influencé par les penseurs allemands. Docteur en philosophie et prof d’université avant de se lancer en politique, il écrivit sa thèse secondaire (en latin !) intitulée « des origines du socialisme allemand chez Luther, Kant, Fichte et Hegel. »
Vingt ans après Jaurès, une frange des socialistes s’inspira aussi de l’Allemagne, mais cette fois côté fascisme. Ceux qu’on a appelés les « néo-socialistes » refusaient l’ancienne tactique socialiste (faire des réformes en attendant la Révolution) et cherchaient de nouveaux modèles. Ils se sont dont tournés entre autres vers le fascisme italien et surtout allemand, dont ils admiraient les idées d’ordre et d’autorité de l’Etat. Ils firent évidemment bien vite sécession de la SFIO. Marcel Déat (1894-1955) est le plus célèbre d’entre eux, et prit part avec enthousiasme à la collaboration avec l’Allemagne pendant l’occupation.

Les communistes français ont eux aussi entretenu des liens étroits avec leurs camarades allemands, bien que la révolution de 1918-1919 ait échoué outre-rhin. En 1923, alors que la France occupait la Ruhr militairement, des communistes français participèrent à un congrès à Essen où ils se prononcèrent contre l’occupation française et pour une révision du Traité de Versailles. Ils appelèrent même les ouvriers allemands à des mouvements de grève pour protester contre l’occupation. Cette action fut la 1e grande action du PCF (fondé en 1920) et permit de montrer sa capacité à agir, ainsi que sa crédibilité sur la scène internationale.
Evidemment, beaucoup de membres du PC furent emprisonnés pour trahison. Plus tard, en 1929-1930, profitant aussi d’un séjour en prison, Maurice Thorez (1900-1964) apprit l’allemand pour lire Marx et Engels ainsi que Goethe et Heine dans le texte.

Enfin, en politique, on ne peut pas ne pas citer Aristide Briand (1862-1932), 6 fois chef du gouvernement français et 8 ans ministre des affaires étrangères après la 1e guerre mondiale. Il fut un fervent partisan d’un rapprochement des puissances européennes, notamment entre la France et l’Allemagne. En 1926, conjointement à son homologue Gustav Stresemann (1878-1929), il obtint le prix Nobel de la paix. On peut les considérer comme le premier « couple franco-allemand ».

Du côté des intellectuels, il faut citer Romain Rolland (1866-1944), germanophile convaincu. Neutre pendant la 1e guerre mondiale, il se réfugia en Suisse et s’attira de très nombreuses critiques. Avant de se lancer dans l’écriture, il était prof de musique à la Sorbonne, spécialiste de Beethoven. Sa « Vie de Beethoven » (1903) était une référence à l’époque. Entre 1904 et 1912, il publia « Jean-Christophe », histoire d’un musicien allemand. Il reçut le Nobel de littérature en 1915. Romain Rolland est aussi connu pour son amitié avec Stefan Zweig (1881-1942) qui écrira sa biographie.

Enfin Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), qu’on ne présente plus. Admirateur d’Hitler et des Allemands, il ne comprenait pas qu’on se batte contre eux. Pour lui, l’ennemi, c’était les Juifs. Il plaidait d’ailleurs pour une véritable union avec l’Allemagne, incluant notamment une armée franco-allemande…

A noter, à propos de Romain Rolland, qu’il est aujourd’hui un écrivain oublié, comme tant d’autres.
Il était très populaire en Union Soviétique où des salles de spectacles et autres lieux de culture portaient souvent le nom de « Romène Rollanne » (prononcition locale).
Avec « Jean-Christophe », Rolland a été le premier écrivain français à s’exercer dans un genre à l’origine allemand, le « Bildungsroman » , qui suit un héros de sa jeunesse jusqu’à sa mort (cf. le « Wilhelm Meister » de Goethe.)
J’avoue , à ma courte honte, ne l’avoir jamais lu, n’étant pas lecteur assidu de romans…et surtout vu l’épaisseur du bouquin!
EDIT : petite remarque toutefois sur l’amitié Rolland-Zweig; en 1933, leurs chemins vont se séparer pour des raisons politiques.

Ces relations et même parfois cette fascination pour l’Allemagne entre les deux guerres à des motivations parfois proche du fascisme pour certains de nos intellectuelles et de nos hommes politiques.

Quand on pactise avec le diable on ne gagne pas forcément à tout les coups. :vamp:

Cette remarque ne concerne bien sûr pas Gustav Stresemann mais plutôt Louis-Ferdinand Céline ou Marcel Déat … Et beaucoup d’autres aujourd’hui complétement oubliés. :mrgreen:

N’oublions pas qu’il y a même des intellectuels notoirement de gauche qui sont devenus fascistes, fifititi. Tiens, Mussolini par exemple… :mrgreen:

Oui, en effet je connais bien le problème. :vamp: