La malédiction du village de Wewelsfleth

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Dans un coin du nord de l’Allemagne, au bord de l’Elbe, les cas de cancer sont beaucoup plus fréquents qu’ailleurs dans la région.
Comme les villageois, Der Spiegel cherche à comprendre ce mystère.

Il ne s’accordera pas un moment de repos, déclare Ingo Karstens. Il essaie d’avoir l’air combatif mais paraît plutôt désemparé. Il a l’impression d’être “Don Quichotte”, confie-t-il, les épaules légèrement voûtées. Il craint, dirait-on, que ce combat soit vain.

Face à lui, sur la table, est étalée une carte du Wilstermarsch, cette région plate et aride située au nord de l’Elbe. On y voit plusieurs communes, parmi lesquelles Wewelsfleth, dont Karstens est maire. La carte est couverte de zones de couleurs différentes, du gris foncé au rouge foncé. Gris foncé indique que tout va bien, rouge, que quelque chose ne va pas. Il y a une grosse zone rouge orangé à l’est, c’est Wewelsfleth.

Cette carte représente les cas de cancer. On recense à Wewelsfleth près de 50 % de cancers de plus que dans les autres communes du Schleswig-Holstein [Land du nord de l’Allemagne]. On y a signalé 142 nouveaux cas entre 1998 et 2008. La moyenne du Land est de 95. C’est un écart que les statisticiens qualifient de “significatif."

Wewelsfleth est un village de 1 500 habitants. Il possède un supermarché, une fanfare et une Maison Alfred-Döblin relativement connue parce que l’écrivain Günter Grass y a vécu et habité pendant des années. Karstens vient d’une commune voisine. Il vit au village depuis 1967 et en est maire depuis quatorze ans. Sa femme est morte d’un cancer du poumon il y a dix ans. Elle n’avait que 61 ans et comme Karstens connaissait d’autres personnes de Wewelsfleth qui sont mortes prématurément du cancer, il s’est adressé au gouvernement du Land pour savoir si la mort de sa femme était due à une cause particulière. La mort est probablement plus facile à supporter quand on sait de quoi on meurt.

Il y a trois centrales nucléaires dans les environs immédiats du village. La première se trouve à Brokdorf, à 4 kilomètres à l’ouest ; c’est en général de là que vient le vent. La deuxième est à Brunsbüttel, à quelques kilomètres plus loin en aval. La troisième se trouve à Stade, sur l’autre rive de l’Elbe. On pourrait se dire qu’avec trois centrales nucléaires la réponse à la question du pourquoi est claire, mais non.

Une étude réalisée par l’université de Lübeck a cherché des caractères marquants dans la répartition entre les classes d’âges, les sexes, partout. Elle a recensé à Wewelsfleth des cancers de l’œsophage, de l’estomac, du poumon et quelques autres et évoqué plusieurs causes possibles : la centrale de Brokdorf, les chantiers navals de Wewelsfleth, qui ont pu jadis vaporiser des laques dangereuses, l’amiante, l’agriculture avec son amour des pesticides. Ou alors est-ce que les gens de Wewelsfleth ne fumeraient pas plus que les autres ? Bref, l’étude n’a apporté aucun éclaircissement, aucune cause probable, rien.[/i]

courrierinternational.com/ar … ewelsfleth

Wewelsfleth se trouve à 16 kilomètres au sud de Itzehoe.
Oui je sais, vous savez où ça se trouve. :neutral_face: