La petite commère du plateau

Je suis né et j’ai vécu une bonne partie de ma jeunesse dans une petite ville de province où tout le monde connaissait tout le monde…ou presque.
On avait nos « orginaux ». Il doit y en avoir aussi dans les grandes villes , mais ils sont noyés dans la masse.
Je me souviens d’un grand gars , sec comme une trique , qu’on avait baptisé « Napoléon »…Va savoir pourquoi. Quand il lui arrivait de passer devant l’école , à la sortie des classes , les gamins gueulaient" : « Napoléon , Napoléon ». Au début , il trouvait ça amusant , mais à la longue , il s’était lassé de ces quolibets et nous jetait des cailloux.
On avait aussi « le François » , un simplet qui se promenait toujours avec son harmonica et allait de maison en maison pour mendier « un petit quignon de pain » ; c’était une dizaine ou une quinzaine d’années après la fin de la guerre. l
Il y a avait également un petit vieux qui poussait une charette. Il avait les jambes très arquées et pour cette raison , les garnements l’interpelaient du doux nom de "coucouille ". Comme les gamins peuvent être cruels.
Jamais on se posait la question de savoir quel passé ils avaient eu.

Récemment , j'ai découvert une originale allemande qui vivait , au siècle dernier , dans un coin de la Forêt Noire que je connais bien , sur un plateau , non loin du Kandel et que l'on appelait pour cette raison " das Plattewieble , la petit commère du plateau".

Josefina Schuler , de son vrai nom, est née en 1854 dans une ferme située sur un plateau, non loin du Kandel.
Elle était tout petite : 1,40 m et passait le plus clair de son temps à chanter.
A l’âge de 30 ans , Josefina se trouve enceinte , hors mariage , des oeuvres d’un berger et accouche d’une fille qui va devenir l’objet de toute sa tendresse et de tout son amour. Hélas , la petite fille meurt de la diphtérie à l’âge de 5 ans et c’est à partir de ce moment que tout se dégrade.
Josefina ne dormira plus jamais dans un lit , mais sur le banc du poële en faïence ( Kachelofen).Pour elle, se coucher dans un lit , cela signifiait risquer de mourir.
La banc du Kachelofen était aussi son atelier. Elle fabriquait , en effet , des balais qu’elle vendait pour gagner sa vie.D’où son autre surnom :« Kandelhexe=la sorcière du Kandel. »
Quand la vente des balais ne rapportait pas assez d’argent , elle allait mendier de ferme en ferme sa nourriture de base ; du pain , du lard et du kirsch.
Elle portait sur sa tête un chapeau d’homme tout cabossé , avait toujours une pipe à la bouche et mendiait un peu de tabac.Trois robes l’une sur l’autre lui permettaient de ne pas trop souffrir du froid.
Vers la fin de sa vie , elle avait cessé de se laver.
Elle se laissait , contre quelques pièces , photographier par des promeneurs.
Elles est morte en 1936 et est enterrée , avec sa chère pipe , au petit cimetière de St Peter.
Son histoire m’a touché. Je crois que , quand je retournerai dans le coin , j’irai voir sa tombe.
https://www.hochschwarzwald.de/Reisemagazin/Alle-Geschichten/Historie/Das-Plattenwieble
Josefina n’est pas complètement tombée das l’oubli , puisqu’une corporation de « fous » du carnaval alémanique en a fait sa personne de référence et c’est bien comme ça , je trouve. :slight_smile:
Plattewiebli - Glottertal :
http://www.plattewiebli.de/start.html

triste histoire de cette petite vieille…

Merci de l’avoir racontée :slight_smile: