L'Allemagne confrontée à la violence scolaire

Source : Les Nouvelles d’Allemagne du 03.03.06

L’Allemagne confrontée à la violence scolaire : le gouvernement veut renforcer l’intégration des jeunes

Une lettre en forme de « cri d’alarme » rédigée par les enseignants d’un collège de Berlin a provoqué l’éclosion d’un vaste débat en Allemagne sur la violence scolaire et sur l’intégration des jeunes issus de l’immigration.

Désemparés, des enseignants du collège Rütli à Neukölln, un quartier défavorisé de Berlin, avaient voulu dénoncer la semaine dernière une situation où il est devenu impossible de faire cours normalement. « Nous devons constater que l’ambiance dans certaines classes est actuellement dominée par l’agressivité, l’absence de respect et l’ignorance des adultes que nous sommes », écrivent-ils. « Certains collègues ne rentrent plus dans certaines classes qu’avec leur télephone portable pour pouvoir appeler à l’aide » si nécessaire. Dans cet établissement qui compte « 83 % d’enfants issus de l’immigration », violence et menaces ne sont pas seulement dirigées contre les autres élèves, mais aussi contre le personnel enseignant, devenu la cible de projectiles.

Cette lettre inhabituelle a eu un impact médiatique immédiat, et l’établissement a été placé sous surveillance policière. Si la violence à l’école n’est pas une nouveauté en soi, sa banalisation, elle, est nouvelle. « Les événements au collège Rütli sont inquiétants, et ils ne représentent sûrement pas un cas isolé », a constaté la ministre fédérale déléguée à l’intégration, Maria Böhmer, qui s’est rendue sur place. Cette situation constitue un indice alarmant sur l’existence d’une société parallèle où les valeurs et les règles du vivre-ensemble ne sont plus respectées.

Largement partagé, ce diagnostic a conduit l’Allemagne à s’interroger une nouvelle fois sur l’intégration de ses étrangers. La chancelière Angela Merkel a souligné l’importance des cours de langue et d’intégration. « Il doit être clair que l’on parle allemand dès le CP dans une école allemande », a-t-elle affirmé. Les élèves doivent être en mesure de comprendre leurs professeurs. Pour Mme Böhmer, « le soutien à l’intégration doit commencer plus tôt et être plus durable ». Le gouvernement allemand mise sur le renforcement des cours d’intégration, l’amélioration de la formation professionnelle, de l’accès à la formation et de l’insertion sur le marché du travail, sur le dialogue entre les cultures et sur l’affirmation claire que les violations de droits de l’Homme ne sont pas acceptables.

L’Allemagne n’en est pas moins partagée sur la sévérité de la réponse à apporter au problème. Ainsi, certains préconisent une plus grande rigueur à l’égard des jeunes violents. La ministre fédérale de l’Education, Annette Schavan, a proposé ce matin dans le « Financial Times Deutschland » d’ouvrir des internats pour placer les élèves particulièrement agressifs. De son côté, le gouvernement bavarois veut imposer des cours d’allemand dès le jardin d’enfant, et interdire aux élèves qui ne le parlent pas suffisamment bien l’accès au cursus scolaire habituel. La CDU, pour sa part, a créé ce matin une commission sur les « chances à l’école et l’éducation ». Elle plaide pour l’organisation d’un sommet sur l’intégration.

Comme en France, le sentiment d’impuissance des enseignants de Berlin pose toutefois aussi la question des perspectives économiques qui s’offrent aux jeunes des quartiers défavorisés. A Neukölln, un quartier de 18 000 habitants, un tiers de la population est issu de l’immigration et le taux de chômage atteint 35 %, rapporte le magazine « Der Spiegel ». « Dans la plupart des familles nos élèves sont les seuls à se lever le matin. Pour eux, l’école est aussi une scène où ils se battent pour être reconnus », écrivent les enseignants. Le sentiment de frustration et d’exclusion finit par engendrer la violence.