Angela Merkel : pas de retour au deutschemark
Dans un entretien accordé au magazine Stern, la chancelière Angela Merkel a rejeté sans ambiguité l’idée que l’Allemagne pourrait, sur fond de crise financière en Europe, revenir au deutschemark, ou même souhaiter une partition de la zone euro entre le nord et le sud. L’Allemagne n’acceptera pas la partition de la zone euro « tant que je serai là », affirme-t-elle. Et « il n’y aura pas de retour au deutschmark », ajoute-t-elle.
Mme Merkel appelle, par ailleurs, à poursuivre les progrès réalisés ces deux dernières années en matière de régulation des marchés financiers internationaux. Elle apporte son soutien à la présidence française du G8/G20 et souligne la nécessité, pour tous les pays, d’apprendre à faire des compromis.
Depuis que la crise financière a éclaté, « il s’est passé beaucoup de choses, tant aux États-Unis qu’en Europe » en matière de régulation des marchés financiers, déclare Mme Merkel. « Nous avons imposé aux banques des normes plus strictes en ce qui concerne les capitaux propres. Nous avons élaboré des règles nouvelles pour éviter que le contribuable ne soit toujours seul à payer lorsqu’une banque est en difficulté. Nous disposons d’un système de contrôle bancaire bien plus efficace », se félicite-t-elle.
Processus d’apprentissage
Toutefois, « cela ne suffit pas », ajoute la chancelière. « La vérité, c’est aussi que nous avons dû faire des compromis, en particulier en ce qui concerne les fonds spéculatifs. Ce qui nous fait le plus cruellement défaut, c’est une procédure concertée sur le plan international pour le cas où des risques graves pèseraient sur une banque trop importante pour qu’on la laisse faire faillite », explique-t-elle. Le sujet figure cette année à l’ordre du jour du G20.
Mme Merkel est cependant bien consciente des difficultés auxquelles se heurte le travail du G20. « Chacun doit abandonner un peu de sa souveraineté nationale au bénéfice de solutions communes. C’est une chose à laquelle il faut progressivement s’habituer et qu’il faut apprendre », dit-elle. Si les Européens y sont accoutumés depuis cinquante ans, ce n’est pas le cas des autres pays du G20.
[i]Zone euro : pour une coopération renforcée mais ouverte
Stern : […] Faut-il renforcer le plan de sauvetage de l’euro ?
Angela Merkel : […] Pour le moment, en tout cas, le plan de sauvetage de l’euro, tel qu’il est actuellement pourvu, remplit sa fonction. Seule une petite partie des moyens qu’il contient est d’ailleurs utilisée. L’Allemagne mise sur l’euro. […] C’est pourquoi elle continuera de faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir la stabilité de l’euro.
[…]
Stern : Paris appelle de ses voeux depuis longtemps un gouvernement économique européen. Jusqu’où êtes-vous prête à aller pour parvenir à une politique économique et financière commune en Europe ?
Angela Merkel : En février dernier, nous, les 27 chefs d’État et de gouvernement européens, avons dit que nous nous concevions comme un gouvernement économique. Depuis, nous nous employons à donner vie à cette ambition, à la traduire en mesures concrètes. Reste à savoir, en particulier, si les dix-sept États membres de la zone euro doivent coopérer de manière plus intensive. Je réponds : oui, mais pas de manière exclusive. Nos accords doivent être ouverts à tous ceux qui souhaitent s’y associer. Et ce n’est pas le plus lent qui doit imposer son rythme. Il ne s’agit pas de tout niveler par le bas. Il faut plutôt que chaque État, et l’Europe dans son ensemble, stabilisent leur situation financière et améliorent leur compétitivité.
Stern : Qu’entendez-vous par gouvernement économique ?
Angela Merkel : Il s’agit d’une convergence renforcée en matière de politique fiscale et sociale, de droit du travail et d’évolution des salaires dans la fonction publique. Nous devons nous coordonner dans ces domaines, non pour tout niveler mais pour réduire les écarts, qui sont parfois importants. Plus il y aura de convergence, mieux ce sera.
Stern : Un exemple concret ?
L’âge de la retraite. Il doit être en relation avec l’espérance de vie dans chaque pays, sinon le paiement des retraites laisse les finances publiques exsangues et il ne reste rien pour financer des investissements d’avenir. Nous ne devons pas nous contenter d’en parler : il faut le faire adopter, chacun dans son pays. Je crois qu’il y a beaucoup plus de chance d’y parvenir que par le passé.
Traduction : AL (CIDAL)[/i]