Et les Luxembourgeois « Ech hu kal ». Mais chez eux, le français a corrompu jusqu’à la construction des phrases, notamment les subordonnées.
Pour en revenir à ce témoignage très intéressant du reste, il faut le prendre « cum grano salis ». Déjà, le titre français est malheureux. « Ich habe kalt » est pratiquement entré dans le langage courant, calqué sur le fameux « Ich habe fertig » de l’entraineur Trappatoni (1998). Il est évident que dans la langue de l’envahisseur ou de l’occupant, la première chose que l’on apprend, et que l’on retourne à l’envoyeur, ce sont les gros mots ou des mots utilisés dans le quotidien, comme en son temps « Achtung bicyclette », « Scheisse », « Kamerad kaputt », « Ausweis », « Komandantur ». C’est un Allemand qui se moque gentiment des Italiens, et surtout de l’intervieweuse à qui il veut faire croire que le contact avec l’italien a corrompu sa langue. Il en serait de même en France, si l’on demandait à un jeune si la langue des cités a influencé son français. Il lâchera certainement des expressions, en clin d’oeil. J’ai tout de suite eu cette impression en lisant le texte allemand, c’est comme si j’avais entendu le gars parler. Et le Tyrol du Sud n’est pas « perdu », il constitue une continuité historique de la langue allemande dans une province qui aurait dû normalement rester à l’Autriche allemande, comme les Sudètes dans la nouvelle Tchécoslovaquie.
L’allemand est là, et bien là, grâce à un statut d’autonomie conquis de haute lutte, et qui prévoit un système d’enseignement séparé pour chaque communauté linguistique. Ce ne sont pas des ministères comme le dit la traductrice, mais des départements (Amt). Il y a 3 départements de l’Education, un allemand, un italien, et un ladin (seulement pour l’enseignement primaire, l’enseignement secondaire se faisant en allemand).
On a beaucoup débattu ces derniers temps, surtout dans le cadre de l’intégration européenne, de la question d’un enseignement bilingue. Les germanophones ont toujours freiné des quatre fers, on peut les comprendre, c’était la porte ouverte à un système d’enseignement organisé sur une base centralisée, partant à une italianisation larvée. D’autant plus que le parti traditionnellement majoritaire, le SVP, a dû partager son pouvoir avec des partis italiens, notamment la Lega. La comparaison avec un « apartheid » peut se justifier du fait que l’appartenance déclarée à une communauté linguistique impliquait automatiquement l’enseignement dans la langue correspondante. Situation difficile pour les ménages mixtes, généralement, c’est l’allemand, langue majoritaire, qui l’emportait. Pour eux, oui, les écoles bilingues auraient été une bonne chose.
Bref, les germanophones ne sont pas « perdus » ou ballotés entre deux cultures, chacun sait où est sa place, c’est la meilleures base pour un consensus, « et plus si affinités ».