Je vous mets cet article sur le forum, car bizarrement je n’en ai pas trouvé la moindre trace dans la presse française, alors que les journaux allemands en parlent un peu… bizarre, bizarre, que les journaux français n’en parlent pas encore…
Source : courrierinternational.com
[i]Quand le commissaire européen Günter Verheugen s’attaque à la bureaucratie de Bruxelles, ce n’est pas par populisme mais pour réformer une institution qui n’est plus adaptée à l’Union élargie. Son initiative a provoqué un tollé chez les technocrates de la Commission. Le débat est lancé, du moins dans la presse allemande…
Pour les historiens de l’avenir, le 5 octobre 2006 marquera peut-être un tournant dans les annales de l’Union européenne. Dans une interview publiée ce jour-là par le quotidien Süddeutsche Zeitung, le vice-président de la Commission de Bruxelles, l’Allemand Günter Verheugen, a critiqué la soif de pouvoir des hauts fonctionnaires européens, en avouant que les commissaires n’arrivaient pas toujours à imposer leur politique à ces technocrates dépourvus de légitimité démocratique. « Parfois, nous perdons le contrôle de l’appareil », a-t-il notamment déclaré.
Verheugen, qui est, entre autres, chargé de mettre en œuvre une importante simplification de la législation européenne et qui s’est heurté à la résistance farouche des fonctionnaires, « a déclaré la guerre à la bureaucratie de Bruxelles et s’est donc fait beaucoup d’ennemis », constate la Frankfurter Rundschau. « Le rapport des forces à Bruxelles est déséquilibré depuis longtemps », explique la Süddeutsche Zeitung dans un éditorial. En reprochant aux hauts fonctionnaires leur arrogance et leur tendance à l’autocratie, le commissaire allemand « n’a fait qu’exprimer publiquement ce que tout le monde passait sous silence ».
En effet, « l’UE a un problème », poursuit le quotidien de Munich. « Elle ne doit pas seulement régler différemment les relations entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission, elle doit également revoir la structure interne de la Commission. Et là, on ne parle pas d’une petite réforme mais d’une véritable révolution culturelle. »
Pourquoi donc les fonctionnaires européens sont-ils devenus aussi puissants et arrogants ? « Pendant presque un demi-siècle, la Commission paraissait être le foyer de la sagesse européenne. Avec chacune de ses réglementations, elle faisait avancer l’intégration. En tant que ‹ gardienne des traités européens ›, elle luttait contre des responsables politiques récalcitrants à Berlin, Rome ou Paris, et pour le bien de l’Europe – ou du moins ce qu’elle croyait être le bien de l’Europe », rappelle Die Zeit. « Cette image héroïque qu’elle cultivait d’elle-même a fait naître une certaine prétention. A cela s’ajoute l’esprit de corps, car on est embauché jeune par la Commission et on y reste jusqu’à la retraite. » Quelle que soit leur nationalité d’origine, tous ces fonctionnaires sont « unis par le sentiment de savoir mieux que quiconque ce qui est bon pour l’Europe. Quitte à se dresser contre le commissaire », leur supérieur hiérarchique. « Car les commissaires sont éphémères. »
L’Union européenne a énormément grandi depuis les années 1960, mais l’organisation de la Commission est restée la même. « Comme la plupart des bureaucraties », elle s’est installée dans les habitudes et la durée. « Si l’UE cessait d’exister demain, la Commission ne s’en rendrait compte que l’année prochaine », ironise un diplomate européen de haut rang, cité par Die Zeit.
Le plan de Verheugen, qui veut supprimer des milliers de directives et rêve de dégraisser le mammouth (pour reprendre la fameuse formule d’un ancien ministre français), constitue donc une attaque directe contre un pouvoir bien établi. « Au printemps 2007, comme point d’orgue de la présidence allemande de l’UE, Verheugen devait annoncer aux entreprises européennes qu’elles allaient économiser 25 % des coûts générés par la bureaucratie de Bruxelles. Selon ses calculs, 150 milliards d’euros pourraient ainsi être investis ailleurs », précise la Frankfurter Rundschau.
« Mais pour faire aboutir cette tâche gigantesque, les fonctionnaires, qui depuis toujours inventent des lois, doivent tout d’un coup faire le contraire, c’est-à-dire supprimer des lois. Pour les connaisseurs, il s’agit là de la cinquième tentative de réduction de la législation. Les précédentes ont toutes échoué. »
« Le vrai problème, c’est une certaine mentalité qui ne correspond plus à l’Europe moderne et démocratique », estime la Süddeutsche Zeitung. « L’époque est révolue où des élites européennes bienveillantes pouvaient astucieusement faire avancer l’intégration en multipliant les petites étapes de ce processus. Les réponses aux questions fondamentales – qu’est l’Union européenne, que veut-elle et quelles sont ses frontières ? – ne se trouvent que dans un débat ouvert entre les Etats membres et leurs populations. La querelle autour de la Constitution en fournit l’occasion. »
Marco Schütz, www.courrierinternational.com[/i]