Le crédo alémannique de Hermann Hesse

Je précise que,bien que j’habite en Alsace et que je sois depuis longtemps amoureux de l’Alsace mais surtout du "monde alémannique"en général,je ne suis pas alsacien.
Plutôt que de raconter des banalités,je préfère donner la parole à Hermann Hesse.
1)Parcequ’il a obtenu le prix Nobel de litérature en 1946(une bonne année;celle de ma naissance et celle qui arrive juste après la fin de la guerre-je suppose que mes géniteurs ont du se dire vers le printemps 1945:la guerre se termine…au travail!).
2)Parceque j’avais 22 ans en 1968,et que beaucoup d’étudiants à cette époque lisaient(ou relisaient) Hesse,en particulier « Siddartha » et « Steppenwolf/Le loup des steppes. »…Chaque époque possède ses auteurs de référence.

Dans une de ses oeuvres dont le titre est « Alemannische Bekenntnisse/confessions alémanniques »,figure un texte que j’aime beaucoup et dont le titre est;« Alemannisches Credo »

J’ai voulu le faire connaitre ici et en donner une traduction dont vous voudrez bien excuser les imperfections;

Un mot que Hesse utilise dans ce texte de 1919 m’a particulièrement intrigué;précisément pour des raisons historiques,c’est celui de « Volksgenosse » qui est très fortement connoté comme faisant parti du vocabulaire nazi.Ma question est donc:« Ce mot « Volksgenosse » était -il utilisé couramment avant le IIIème Reich? »(Comme synonyme de Landsmann p.e)

Voici le texte de Hesse suivi de mon essai de trad pour en faire profiter le plus grand nombre:
Alemannisches Credo

Die Alemannen haben weder eine Peterskirche gebaut, noch haben sie einen Dostojewski, und wenn sie aus heimatlichem Dünkel nichts von fremder Art und Kunst wissen wollen, so tue ich nicht mit. Aber alles, was von alemannischer Herkunft ist, hat Heimatgeruch für mich, ist mir ohne weiteres verständlich und nah.

Manches gefällt mir bei den Schwaben besser: so die wunderbare Musik bei den schwäbischen Dichtern, bei Hölderlin und Mörike. Anderes liebe ich wieder speziell bei den Schweizern: Phantasie hinterm Anschein von Nüchternheit wie bei Gottfried Keller. Und noch etwas, worin die Schweizer anderen Alemannen voraus waren: eine bürgerlich­demokratische Mischung der Stände und Gesellschaftsschichten ohne scharfe Grenzen, Selbstbewußtsein und Selbstgenügsamkeit beim «Volk», und Aufgeschlossenheit des «Gebildeten» gegen Volksgenossen aller Stände. Darin hatten wir auf der reichsdeutschen Seite manches verlernt und versäumt, was wir jetzt neu zu lernen im Begriff sind.

Das alemannische Land hat vielerlei Täler, Ecken und Winkel. Aber jedes alemannische Tal, auch das engste, hat seine Öffnung nach der Welt, und alle diese Öffnungen und Ausgänge zielen nach dem großen Strom, dem Rhein, in den alles alemannische Wasser rinnt. Und durch den Rhein hängt es von alters her mit der großen Welt zusammen.

Hermann Hesse

Credo alémannique

Les Alémanniques n’ont pas bâti d’église Saint-Pierre(allusion à la Peterskirche de Vienne,joyeau du baroque),ils l’ont pas non plus de Dostoïevski) et lorsque,par « patriotisme local » ils ne veulent rien connaitre de la façon ni de l’art étranger,je ne les suis pas dans ce domaine.Mais tout ce qui est d’origine alémannique a pour moi des senteurs de pays natal est m’est tout simplement compréhensible et prôche.

Il y a un certain nombre de choses que je préfère chez les Souabes,comme la magnifique musique des poëtes souabes, Hölderlin et Mörike.Il est d’autres choses que j’aime par contre spécialement chez les Suisses:l’imagination derrière une apparence de sobriété comme chez Gottfried Keller.Et une autre chose encore où les Suisses étaient en avance sur les autres Alémanniques:un mélange civique démocratique des classes et des couches de la société sans frontière nette,une assurance et une autosuffisance chez le « peuple »,et une ouverture d’esprit des « gens cultivés » à l’égard de leurs compatriotes de toutes classes,choses que nous avions désapprises et manquées auprès des Allemands du Reich.

Le pays alémannique possèdedes quantités de vallées différentes,de coins et de recoins.Mais chaque vallée alémannique, serait-ce la plus étroite,a son ouverture vers le monde et toutes ces ouvertures et ces débouchés tendent vers le grand fleuve,le Rhin dans lequel coulent toutes les eaux alémanniques .Et c’est par le Rhin,que ,depuis des temps immémoriaux,il se rattache au vaste monde.

:wink:

J’ignorais qu’il y eût une Peterskirche à Vienne. Si l’on parle d’un joyau du baroque, il s’agit certainement de la Karlskirche. En fait, l’allusion à la Peterskirche vise la Basilique St-Pierre à Rome, qui est la plus grande église, et partant le symbole, de la chrétienté.

J’ai d’abord pensé à Saint Pierre de Rome,puis ,après coup,avec la proximité géographique,plutôt à Vienne.
http://www.peterskirche.at/
Il est vrai que Saint Pierre de Rome aurait beaucoup plus de poids dans les affirmations de Hesse.

:wink:

Mea culpa, michelmau! :blush: Il faut dire que cette église au centre de Vienne est bien cachée, à l’inverse de la Karlskirche, très dégagée!

spécialement pour vous :wink:
C’est une de mes préférées à Vienne^^ Elle se trouve près de la rue nommée ‹ Graben ›, sur le chemin entre la Hofburg et la cathédrale Saint-Etienne, difficile de la manquer, en fait.

:stuck_out_tongue:

:merci: ,mislep!
:wink:

Je ne saurais pas te dire. Mais ce qui est certain, l’expression reunit (les) deux termes clés des deux principaux mouvements socio-politiques de l’époque, à savoir le mouvement communiste/socialiste avec Genosse (camarade) et le mouvement romantico-national(ist)e avec Volk (peuple).

Faut rappeler: le "national-socialisme" est dans une certaine mesure « produit de son temps ». Il n’a pas tout inventé (mais tout totalement perverti bien sûr)

J’étais tout de suite convaincu, mais j’ai recherché le mot - on dit á ou chez? ou dans? - google, et il y a de nombreuses références: c’est un mot nazi, il ny a pas de doute. Peut-être Hesse avait entendu ce mot si souvent que la connotation lui échappait enfin? Dans ma jeunesse, il y avait encore d’autres mots courants qui sonst bannis maintenant, P.e. nous, les jeunes après la guerre, ne pensaient à rien en disant : « …bis zur kalten Vergasung » , ce qui vient de la chimie, mais qui contient quand-même une allusion; et ca ne se dit plus du tout.

On dit ,j’ai cherché sur Google…et en Allemand?
Ah,le problème des prépositions!!! (F) sur Internet,(A) im Internet…!
Merci nebenstelle et cri-zi pour vos réponses,mais ce que j’aimerais savoir,c’est si le mot « Volksgenosse »,qui a été détourné par les nazis,avait une signification neutre en 1919,voir même,s’il existait.
Le « Mein Kampf » qui a donné naissance à tout ce vocabulaire qui tourne autour de la notion de « Volk »(Volksgenosse,völkisch,),date de 1924!
:wink:

Dans un texte de 1919, la référence nazie est hors sujet. Les nazis ont largement puisé dans le vocabulaire romantique, surtout dans le pathos et le lyrisme national qui était déjà très présent au XIXe siècle. De plus, le mot Volk était utilisé à toutes les sauces en ces temps de fraiche unité allemande, et Genosse est de gauche, très actuel et très rouge en 1919.

La date est l’élément essentiel dans cette histoire.

Ah, je n’ai pas vu que Hesse avait écrit ca en 1919! :blush: Alors c’est vrai: le mot existait avant les nazis, mais il ètait usurpé par eux, comme d’autres encore.
En ce qui concerne Google, les jeunes ont créé un verbe: googeln, googelte, gegoogelt. Mais on peut dire aussi bei Google nachsehen

Affirmatif pour la deuxième partie de ta question, une recherche avec Jahn+Volksgenosse sur :wink: google donne la citation (non verifié bien sûr) suivante: « Volksgenosse seyn, erfüllt mit Volksthum » apparemment tiré des Runenblätter de Jahn, datant de 1814! Pour Jahn: de.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Ludwig_Jahn

Grimm confirme:

igenosse, m. , von den einzelnen eines volkes im verhältnis zu einander; von CAMPE verzeichnet; wodurch erlag Vercingetorix samt seinen volksgenossen JAHN w. 1, 160. ungewöhnlich: treten uns die Holländer als nächste verwandte und volksgenossen entgegen RIEHL nat.-gesch. d. volkes 4, 47. – [/i] source: Grimm online.

Faut chercher dans « Gesamter Wörterbuchtext ». - Je n’ai toujours pas compris comment faire pour trouver les references des auteurs cités dans Grimm online - vous pouvez m’aider?

Mais il s’agit vraisemblablement de notre Jahn cité plus haut, et certainement de Wilhelm Heinrich Riehl de.wikipedia.org/wiki/Joachim_Heinrich_Campe

Quant au « neutre », hmm… c’est une autre - très bonne mais très complexe - question! Pour l’époque c’était certainement « neutre » dans le sens qu’il n’y avait pas de reference nazi possible. Mais on est - surtout avec Jahn! - vraiment dans le grand débat des précurseurs (et à quel point?) du nazisme. Et avec ça dans tous les concepts du romantisme et du « Neuer Mensch », qui ont joué un role très important dans la pensée (surtout allemande) tout au long du 19eme siècle - pour le pire et le meilleur…

:merci: ,Elie,
pour ta réponse trés documentée,qui m’a permis de faire connaissance avec Friedrich Ludwig Jahn.J’ai maintenant la réponse que je cherchais,à savoir,le mot « Volksgenosse » existait bel et bien avant d’avoir été « détourné » par les nazis.Le mot « neutre »,que j’ai employé,n’était sûrement le mieux choisi.
Il y avait,effectivement,chez Jahn un caractère nationaliste.Encore un mot:« nationaliste »,qui peut être à double tranchant.Lénine,dans je sais plus lequel de ses ouvrages théoriques,distingait un nationalisme positif,justifié,celui des peuples opprimés qui veulent se libérer du joug des oppresseurs,comme c’était le cas pour beaucoup de pays à l’époque napoléonienne et le nationalisme expansioniste brutal qui vise uniquement la domination et l’exploitation d’autres peuples.Les deux versions ne s’excluant nullement,l’un pouvant très vite se transformer en l’autre,les victimes pouvant très vite se transformer en bourreaux(l’histoire abonde d’exemples allant dans ce sens)
Je suis toujours sidéré par l’évolution sémantique de certains mots qui finissent par signifier leur contraire,p.e « socialiste » si tu le fais précéder de « national » et(last but not least) « libéral »,qu’on employait au XVIIIème siècle pour désigner une personne ou des idées ouvertes,progressistes,tolérantes (les américains l’emploient encore dans ce sens aujourd’hui) et qui maintenant en est venu à désigner le capitalisme le plus sauvage,le plus échevelé(à la Bush,à la Reagan et à la Thatcher)…Mais ,je m’égare. :smiley:
Bon,allez,merci encore à tous et bonne journée.Bonne fête à tous les Donatien du forum!
:wink:

Ah moi aussi, ça me fascine! :slight_smile:

La (ta) vrai question reste même ouverte, je trouve: Est-ce que Hesse, quand il utilsie ce mot en 1919 ne fait-il que reprendre une expression normale, « neutre », banale, très classique qui est certes utilisé par les nationalistes, mais (à ce stade là) est toujours compris sans sous-entendus par les lecteurs « lambda » ou est-ce que le mot (après un siècle d’utilisation « national(ist)e » - et à quelques années seulement de la publication de « Mein Kampf ») est déjà suffisamment « connoté » pour que Hesse en parlant de Volksgenosse fasse forcément un « statement » politique et se range « automatiquement » (pour ses lécteurs à l’époque) de ce coté nationaliste?

A mon avis oui, car il y avait à cette époque - fortement politisée - déjà toute la boite à outils rhetorique - et la lutte armée! - de gauche pour se differencier des l’idées romantico-national(ist)es de Volk et pour marquer ses convictions « internationalistes » - mais c’est juste une hypothese, pour répondre à ça on devrait vraiment pousser plus loin et faire des analyses comparatives historiques plus fines…

Vu le personnage de Hesse, je penche plutôt pour une connotation de gauche, dans la lignée des révolutionaires (post)romantiques. Un peu comme l’héritage de la Commune.

Oui, c’est vrai, mon argumentaire est (trop) cru - entre les extremes politiques de l’époque restent effectivement beaucoup de concepts « intermédiaires » (à explorer quant à leur utilisation et understanding du mot en question), dont un socialisme assez important à connotation (nationalo-)romantique!