« Le fils de Saul », en allemand « Son of Saul » ( ), n’est pas un film allemand mais un film hongrois du réalisateur László Nemes. Je me permets de le traiter dans la rubrique « film allemand » car l’allemand et le yiddish sont très présents dans ce film qui de plus a un lien avec l’Histoire de l’Allemagne (et de toute l’Europe) car il se passe dans un camp de concentration. « Encore un film sur la Shoah ?! » pourra-t-on penser. Peut-être, mais un film particulier.
L’histoire: Saul est prisonnier à Auschwitz, il travaille dans les Sonderkommandos à l’automne 44. Les Sonderkommandos sont constitués de prisonniers juifs choisis pour leur bonne condition physique et chargés de mettre en oeuvre l’extermination des autres prisonniers dans les chambres à gaz: les accueillir et les guider vers les chambres à gaz, les aider à se déshabiller, les conduire à la « douche », trier leurs effets personnels et quand l’affaire est faite, dégager les cadavres et nettoyer la chambre à gaz pour les suivants. Et recommencer. Pour éviter qu’ils ne parlent, ces Sonderkommandos vivent isolés du reste du camp et sont régulièrement éliminés et remplacés par d’autres prisonniers.
Un jour, alors que les portes de la chambre à gaz s’ouvrent, on découvre un jeune garçon qui a survécu, mal en point. Il est sorti du tas de cadavres mais achevé peu après à la main par un « médecin » nazi. Saul prend cet enfant en pitié et décide de tout faire pour trouver un rabbin qui organisera un enterrement digne de ce nom. Il va alors s’engager dans des affaires louches qui se trament au sein des Sonderkommandos pour pouvoir sortir de son isolement et trouver un rabbin dans le camp.
La particularité de ce film réside dans le fait qu’il est tourné en grande partie en gros plans sur le personnage principal. Pendant tout le film, on voit essentiellement son visage ou l’arrière de sa tête. L’environnement concentrationnaire devient secondaire, on le voit à peine, on le devine, flou, lointain aux bords de l’image. Le personnage est concentré sur sa quête et semble insensible (insensibilisé?) aux horreurs qui se passent autour de lui (il s’adonne d’ailleurs à sa besogne sans états d’âme.) et le spectateur est amené à faire abstraction des autres événements du camp, événements qui sont pourtant bien présents, bruyants en fonds sonore (le film n’a pratiquement pas de musique): coups de feu, bruits des flammes, cris, prisonniers qui tapent sur la porte pour sortir de la chambre à gaz, bruits des pelletés, des travaux et des machines etc.
C’est un film oppressant, fort et intense. D’une intensité qui va crescendo à mesure que les événements viennent bouleverser le quotidien tranquille et bien rodé du système d’extermination.
Le film a remporté le Grand Prix du Jury à Cannes ainsi que les Golden Globe et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
Merci pour cette présentation Mislep… Cependant je me demande si tous ces films retraçant cette époque effroyable au lieu de documentaires historiques ne serviraient -ils pas bien involontairement cette inquiétante augmentation des théories négationnistes Un raccourci du genre, tout cela, c’est du cinéma
l’as-tu vu Mislep ??? ou bien est-ce un résumé que tu as trouvé quelque part ?
j’ai vu les bandes-annonces françaises, et j’étais tentée aussi… (sauf qu’actuellement, je vais éviter
les sujets du genre… ).
@valdok : mais qui irait voir des documentaires historiques ??? j’avais vu une partie de la Shoah de Claude Lanzmann en 3ème… Ma nièce ne l’a pas vu… parce que « les images ne sont pas belles à voir »… ben voyons…
alors peut-être qu’un film… (un film c’est un film… c’est pas des images réelles… tu me suis ??)…
Ceci dit… je ne pense pas que ce film s’adresse à la nouvelle génération… qui de toute façon n’en a plus rien à f…tre des histoires
de camps de concentration… C’est dramatique à écrire… mais c’est comme ça…
Alors j’attendrai ton ressenti Kissou pour décider d’aller voir le film, il me semble que ta sensibilité est assez proche de la mienne à ce sujet.
J’avais profité d’un voyage en Allemagne pour m’acheter le DVD du film sur Johann Georg Elser car je n’avais pas osé le voir en salle… Et au bout de 10 minutes, j’ai dû couper le film, les scènes de tortures étaient insupportables…
La bande annonce m’a assez impressionné ; en effet , tous ces visages , filmés de près , racontent , pour peu qu’on ait un peu d’imagination , une histoire de toutes les souffrances endurées et peuvent susciter une forme d’empathie et aider à comprendre concrétement ce que ces gens ont du endurer.
Point de vue film sur la Shoah, tu vas bientôt avoir sur les écrans français Fritz Bauer un héros allemand.
Pour ceux qui connaîtrait pas ce personnage, voici les liens AoX:
Mais bon, mieux vaut ouvrir un fil sur ce sujet.
Et concernant le fils de Saul j’aurais dû plutôt dire qu’à chaque fois qu’il y a une fiction sur cette époque, il faudrait qu’elle soit précédée par un documentaire historique témoignant de la réalité.
C’est quoi un documentaire historique « qui témoigne de la réalité » ? Alors là oui, on peut être à juste titre négationniste, si on s’engage dans ces dérives !
C’est justement à ce film « Nuit et brouillard » que j’ai vu aussi étant enfant que je faisais allusion. Or, un documentaire, et surtout en l’occurrence un documentaire mêlant en contre-point un documentaire proprement dit avec des extraits d’actualités d’époque reflète toujours une certaine ligne dont l’impartialité et la véracité peuvent être mises en cause.
Je revoyais dernièrement sur Internet les actualités hongroises retraçant l’épopée de la reconquête entre 1938 et 1941. On voit partout l’armée royale accueillie en libérateurs. Mais quid des armées et des populations tchécoslovaques, roumaines et yougoslaves ? La raison du plus fort est toujours la meilleure, et c’est ce qui rend suspect d’injustice tout documentaire, même si ses intentions sont nobles.
J’ai réagi à chaud par le mot « dérives », ce « trop bien faire en enfonçant le clou » qui apporte de l’eau au moulin des négationnistes.
Désolée Andergassen, je ne te suis pas tout sur ce plan là et ton raisonnement sur quoi le bases-tu??? … Ce n’est pas du trop bien faire que de montrer la réalité.
J’aime la démarche de certains cinéastes qui associe systématiquement ces films avec des documents d’actualités de l’époque… J’ai cité Nacht und Nebel parce que ce film m’a marquée en tant que toute petite collégienne apprenant l’allemand de 11 ans , et justement parce que le terrible vécu de de cette époque je l’ai par le fait que ma grand-mère (non juive) y ait survécu…A l’époque le tatouage n’était pas tant à la mode surtout chez les femmes de 60 ans , et son tatouage, comme son horrible maigreur même plusieurs mois après sa sortie je l’ai sur des photos (il ne fallait pas trop donner à manger aux rescupés sous peine de les étouffer, mais les habituer très progressivement à la nourriture)
Je salue de plus l’excellent travail du centre de documentation sur le nazisme de Munich… Contrairement à mon fils je n’ai jamais visité Auschwitz mais pour mes deux enfants, aucune thèse négationniste n’est pensable… Et aussi curieux que cela puisse paraître mes deux enfants adultes préfèrent les témoignages et les films historiques aux productions cinématographiques… Même Anne Franck, ma fille a préféré lire le livre grâce à ses bons profs , en fait l’histoire d’une ado allemande d’un milieu bourgeois (qui ne savait pas que la religion de sa famille deviendrait une tragédie) !!! Et j’ai pas mis au monde des Extraterrestres, enfin à moins que mon époux le soit ?
Les films pourquoi pas, et je ne doute pas que celui-ci comme tant d’autres soient bien faits et émouvants (après, je doute que j’ai envi de le voir pour l’instant), mais la réalité c’est mieux, d’autant plus qu’il est facile pour des personnes averties de voir l’authenticité d’un film touné à cette époque…(pas de recomposition informatique à l’époque, hein ??)
Non, ce qui m’a énervé, c’est que tu veuilles accompagner une film de fiction sur les camps de concentration d’un documentaire historique. C’est ça que j’appelle « trop bien faire ». Les néo-nazis dans l’ex-RDA, ils ne sont pas apparus par l’opération du Saint-Esprit. Ils existaient bien avant, c’était l’anti-anti-fascisme, en réaction à un anti-fascisme dogmatique omniprésent et rabâché à n’en plus pouvoir. Des idiots utiles, qui pouvaient à l’occasion faire le coup de poing contre les punks et les Verts émergents. On faisait en sorte qu’ils ne soient pas trop voyants, du moins à Berlin, où ils étaient vraiment anecdotiques. Dans la province, c’était autre chose…
Oui, je l’ai vu. Le résumé est de moi.
Je ne veux pas trop en dire plus pour ne pas révéler l’action. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est les non-dits ou plutôt les « non-montrés » du film. Que l’horreur se passe en arrière-plan, voire carrément hors-champ mais qu’on l’entende, la devine et donc la comprenne quand même. A cet égard, la première séquence du film glace le sang…
De plus, les magouilles entre Sonderkommandos qui progressent lentement mais sûrement et qu’on ne comprend que petit à petit à mesure que Saul avance dans sa recherche de rabbin, font vite comprendre qu’il va se passer quelque chose. J’étais de plus en plus scotché à mon siège à mesure que le film se déroulait. On sent venir la fin, mais on se trompe, et plusieurs fois.
Le film est sorti à l’automne en France il me semble. Ca m’étonnerait qu’il soit encore en salle.
Non, pas d’accord. Ma meilleure amie est prof d’histoire et a enseigné ces dernières années dans des établissements difficiles de banlieues parisiennes. Elle a trouvé un intérêt de la part de ses élèves à ces questions de Shoah. Et pourtant, c’est un public plutôt réfractaire à tout ce qui est « juif »…
De plus, dans la salle où j’ai vu le film, le public était plutôt jeune. En majorité des 20-30 ans.
Quant à l’idée de Valdok d’accompagner de tels films par des documentaires, je serais plutôt contre. Il me semble important d’apprendre à distinguer oeuvre de fiction et oeuvre documentaire. Une fois que c’est fait, et ça devrait l’être assez rapidement, il n’est pas nécessaire d’avoir un documentaire qui montre « la réalité » pour faire comprendre que le film n’est qu’une fiction. De plus, le documentaire aurait tendance à dénigrer le film. « le doc, c’est la réalité tandis que le film, c’est du n’importe-quoi de cinéaste. »
Si le réalisateur du Fils de Saul n’a pas voulu faire de documentaire, il n’y a aucune raison d’en diffuser un en même temps que son film.
Même si je continuerai de toute façon à soutenir mon argument, je trouve le tien Mislep tout à fait défendable et logique. Les scènes de violence et de torture, quitte à les voir, je préfère la véracité d’un documentaire à celle d’un film, au cinéma on peut toujours se demander si elles ne sont pas exagérées car justement le cinéaste n’a pas mission de reflèter la réalité, même s’il s’inspire d’une histoire vraie.
De plus je suis agréablement surprise d’apprendre que dans la salle où tu as vu le film il y avait aussi beaucoup de moins de 30 ans. Ce film, je suppose que tu l’as vu à Vienne. Et crois-tu qu’il sera toujours à l’affiche dans 10 jours. Si les scènes de violence sont plus suggérées que montrées, je pense que j’irai le voir avec mon amie là-bas. Tu me confirmes? Et promis, dans ce cas, mis à part dire si j’ai aimé ou non je n’en dévoilerai pas plus que toi
Exactement, et à partir du moment où l’on a compris ça, un documentaire pour accompagner le film est superflu. Qui veut se documenter sur les camps n’ira pas voir un film de fiction. Et inversement, celui qui va voir un film de fiction n’est pas forcément dans la salle pour se documenter.
C’est déjà dans 10 jours que tu viens ?! Mon Dieu que le temps passe!
Malheureusement, le film ne sera apparemment plus à l’affiche. Il semble que les deux dernières séances aient lieu ce week-end.
c’est peut-être pire de « pressentir l’horreur », plutôt que de la voir…
Quant à la jeune génération, je suis ravie qu’il y est encore des jeunes qui s’intéressent à l’Histoire, mais je n’ai pas l’impression que ce soit une majorité…
je vais voir si ce film existe en DVD… je serai mieux quand même dans mon salon… Le jour où je voudrai le voir… c’est l’avantage… Si l’atmosphère est trop insoutenable… j’appuierai sur stop…