Le gaélique: patrimoine fédérateur ou marqueur communautaire

[i]Noël approchant, je me dois d’évoquer une petite anecdote qui en dit long sur le statut de la langue gaélique en Irlande du Nord, une langue qui, loin de constituer un patrimoine commun à tous les Irlandais, est avant tout perçue comme un marqueur communautaire, étant depuis toujours associée au combat pour l’indépendance mené essentiellement par la communauté catholique.

Il y a quelques années, le maire de Ballybán avait décidé d’envoyer des cartes de Noël à tous ses collègues au conseil municipal, comme c’est la coutume. Seul «problème»: cette élue, affiliée au Social Democratic & Labour Party (SDLP), la formation indépendantiste modérée, avait rédigé ses vœux en anglais et en gaélique. Une première au conseil municipal de Ballybán qui n’aime pas trop faire de vagues en général.

La réaction ne se fit pas attendre: tous les élus unionistes protestants étaient furax, certains allant même jusqu’à renvoyer leur carte de Noël ou à déclarer publiquement que celle-ci n’irait pas orner leur rebord de cheminée… Même John, protestant modéré s’il en est, n’avait pas apprécié. Au départ, pourtant, il était le seul à ne pas m’avoir contacté, à la gazette municipale où je travaille, pour protester. L’ayant eu quelques jours plus tard au téléphone pour le féliciter d’une telle réserve et d’une telle ouverture d’esprit, il m’avait expliqué qu’il avait été absent, d’où sa «non-réaction», mais qu’il n’aurait jamais accepté une telle carte de Noël si le maire de Ballybán avait tenté de la lui remettre en personne!

Son argumentaire comportait une certaine logique puisqu’il avait précisé que cette carte de Noël, quitte à ce qu’elle soit rédigée en plusieurs langues, aurait dû également inclure l’«ulster-scot» (un parler rural connoté identitairement «protestant») en plus du gaélique, langue si chère à la communauté catholique, afin de contenter tout le monde et de désamorcer les soupçons de militantisme politico-linguistique à sens unique que suscite l’envoi d’une carte rédigée uniquement en gaélique.[/i]

irlande.blogs.liberation.fr/ball … taire.html

Cet article n’a strictement aucun rapport avec l’Allemagne, je vous l’accorde volontiers. Mais j’ai pensé qu’il pouvait intéresser Andergassen et Michelmau (et sans doute beaucoup d’autres) dont je connais l’intérêt pour les langues minoritaires.

A noter que cette histoire ce passe en Irlande du Nord ou on assimile facilement et faussement : gaélique = catholique et anglais = protestant.
Comme quoi les enjeux linguistiques sont bien plus complexes que nous le pensons.

« C’est loin d’être le cas en Irlande du Nord où, tout au plus, vous trouverez un timide «Fáilte» («Bienvenue» en gaélique) sur les enseignes des offices de tourisme, en général relégué en cinquième position derrière les habituels «Welcome», «Bienvenue», «Willkommen» et «Bienvenido»! »

Je vous laisse apprécier à sa juste valeur le fait que le gaélique apparaisse en cinquième position après l’allemand alors qu’il s’agit de la langue originaire du pays.

On ne serait mieux mesurer le mépris dans laquelle cette langue se trouve plongée de la part d’une partie de la population d’Irlande du nord.
Mais il est vrai que l’existence de Peace Walls (littéralement : murs de paix) entre quartiers catholiques et quartiers protestants alors que la guerre civile est terminée depuis des années montrent l’ampleur du problème.
Qui a dit que le mur de Berlin n’existait plus ? :question:
En tout cas il s’agit bien d’une terrible réalité, encore aujourd’hui en Irlande du nord. :frowning:

Pour élargir le débat :

Les murs de la paix (anglais : Peace Walls, appelé aussi Peace Lines : « Lignes de paix ») désignent une série de barrières de séparation construites pour la plupart à Belfast en Irlande du nord pour séparer les quartiers catholiques des quartiers protestants de la ville. Leur objectif est de limiter ainsi les violences entre ces deux communautés. La longueur de ces portions de mur varie de quelques centaines de mètres à plus de 5 km. On recense aujourd’hui plus de quarante murs de la paix et leur longueur totale est de plus de 21 km.

fr.wikipedia.org/wiki/Peace_Walls

Merci pour la louable intention, mais je préfère m’abstenir d’un commentaire sur ce sujet. Les langues dites « nationales » m’énervent au plus haut point, et notamment le « bosnien ». C’est comme si l’« autrichien » était la langue nationale de l’Autriche, histoire de se démarquer. Du grand n’importe quoi. :unamused:

Dommage, je pensais que le sujet pouvait t’intéresser mais peut-être que d’autres personnes y percevront un certain intérêt. :smiley:

Je ne comprends pas ta remarque.
Le gaelique et l’anglais n’ont rien à voir.

A vrai dire je voyais surtout le côté minoritaire et pas tellement national.
D’ailleurs des protestants apprennent également le gaélique et pas seulement des catholiques dont certains font d’ailleurs preuves d’une grande étroitesse d’esprit.
Je ne veux pas orienter ce post sur un aspect communautaire mais plutôt sur le statut de la langue gaélique elle-même un peut comme peut l’être le statut de la langue allemande au Tyrol du sud.

Les Peace walls auraient put faire l’objet d’un autre post pour éviter de créer une confusion entre « national » et « minoritaire » mais je n’y ai pas pensé sur le coup car j’ai fais une association d’idée immédiate avec le mur de Berlin.

Ici un excellent article très critique :

Belfast: un centre culturel… qui se soucie bien peu de sa symbolique cultuelle :

irlande.blogs.liberation.fr/ball … uelle.html

Je souhaite sincèrement que des langues comme le gaëlique d’Irlande et le gaëlique d’Ecosse ainsi que le Manx, langue goïdélique de l’ile de Man, puissent continuer d’être parlées et surtout d’être enseignées.Sans enseignement, pas de normalisation indispensable à l’enseignement et donc à la transmission. Le gaëlique d’Irlande est certes très minoritaire dans son propre pays ( 1 à 2% de locuteurs, je crois), comme celui d’Ecosse d’ailleurs. Je ne lui souhaite pas le même sort qu’au cornique (autre langue celtique , mais du rameau brittonique, cette fois, comme le breton et le gallois,et dont la légende nous rapporte que la dernière personne à la parler fut Dolly Pentraeth, une poissonnière morte en 1777.
Je suis toujours triste de voir une langue qu’on laisse crever à petit feu dans le mépris et l’indifférence générale.Une langue, pour moi, c’est un savoir, c’est une vision du monde.« Des Volkes Seele lebt in seiner Sprache = l’âme d’un peuple vit dans sa langue », disait le vieux Goethe, qui n’était pas la moitié d’un imbécile !
Les Irlandais devraient bien laisser tomber leurs ridicules et meurtrières guerres religieuses et consacrer toutes leur énergie au maintien et à la préservation de leur patrimoine linguistique.Si l’on veut absolument parler de la langue minoritaire comme marqueur d’appartenance à une communauté, cette forme de nationalisme des peuples minoritaires ne me dérange nullement et n’est , à mon sens,pas du tout de même nature que le nationalisme des langues majoritaires .
Et qu’on ne vienne pas me ressortir l’argument qui se veut imparable de l’utilité ou de l’inutilité de telle ou telle langue ou je fais un malheur ! :mrgreen:

Je me permet d’ajouter encore cette phrase de l’article, si non ce n’est peut-être pas compréhensible pour tout le monde.

« Cette polémique autour d’une simple carte de Noël en dit long sur la différence de statut de la langue gaélique, selon que l’on se trouve en
Éire ou en Irlande du Nord. En République d’Irlande (Éire), en effet, il est de rigueur pour tout élu d’envoyer ses vœux en gaélique en plus
de l’anglais! »

En ce qui concerne les chiffres, ici un extrait de Wikipedia :
Aujourd’hui, environ 70 000 Irlandais (moins de 2 % de la population) utilisent la langue nationale officielle dans leur vie quotidienne, 260 000 personnes possèdent une « bonne connaissance » de la langue et, selon le dénombrement de la population effectué en 2001, 1,6 million
d’habitants au sein de la République d’Irlande possèdent une certaine connaissance de l’irlandais, ainsi que 200 000 habitants de l’Irlande
du Nord (appartenant au Royaume-Uni). La langue irlandaise est enseignée comme matière obligatoire dans toutes les écoles de la République
d’Irlande.
Mais ces chiffres diffèrent selon les sources.
Il ne faut pas non plus oublier la diaspora irlandaise, qui garde souvent les traditions.
J’en sais quelque chose, parce qu’à la maison on parle souvent la langue gaélique.
Les autres, pas moi, à part quelques mots, hélas !
Dans ce sens
Je souhaite à tout le monde
Nollaig Shona !

« nollaig chridheil agus
bliadhna mhath ur! »
:smiley: :top:

Depuis quand le gaélique est-il obligatoire à l’école ? Je trouve les chiffres, surtout le 2e (en gras) assez faible compte-tenu de l’apprentissage obligatoire, qui était déjà en vigueur il y a plus de 15 ans quand j’y suis allée. En même temps, l’Irlande n’a que 4,5 millions d’habitants environ, mais il me semblait que c’était un pays très jeune, avec donc beaucoup de jeunes étant passés par la case gaélique à l’école ?

En 2004 j’ai fait un échange en Irlande, et suis allé une semaine à l’école avec mon corres. Et je confirme que le cours était obligatoire. Par contre les élèves s’en moquaient complétement. C’était le cours où les élèves étaient les plus indisciplinés.
Les profs n’y était pas pour rien, non plus.

Enfin, je ne sais pas si cela est généralisable à toute l’irlande. J’espère que non. Mais il est fort possible que le gaelique ait la même image que certaines langues régionales en France: langue de vieux qui ne sert à rien.

Si, elle sert à quelque chose : de par son statut de langue prétendument nationale (donc, en théorie, enseignée et parlée par la grande majorité de la population dans tous les domaines de la vie) et reconnue comme telle comme une des langues officielles de l’UE, à foutre un joyeux bordel. Ce serait un miracle , pour les traductions des textes au Parlement, que l’on trouve des traducteurs directement maltais ou slovaque-gaélique, ou si les députés interviennent directement en gaélique.Il faudra donc passer par une langue relais, en général l’anglais.
Mon coup de colère visait justement cet abus de la langue dite « nationale ». A ce titre, le catalan aurait davantage de mérite que le gaélique, puisque c’est une langue d’enseignement et de culture, mais malheureusement pas une langue officielle au niveau national. Et si je prends dans mon cas personnel l’exemple du « bosnien », c’est parce que si, mettons, un interrogatoire de police d’un ressortissant bosnien se fait tout naturellement en croate, qui a toujours été la langue usuelle pour les Croates et les Bosniaques musulmans en Bosnie-Herzégovine, la procédure pourra toujours être annulée pour vice de forme, parce que l’interprète était assermenté pour le croate, mais pas pour le « bosnien », qui est après tout la même langue. C’est pourquoi je disais que je parle et écris l’allemand, et non pas l’autrichien, bien qu’utilisant officiellement la terminologie en usage dans ce pays.
Et je sens que ça nous pend au nez, que les Kosovars vont revendiquer comme langue nationale le « kosovar » ! :unamused: Bilo jednom jedna država… J’en chialerais, tiens… On ne devrait pas vieillir… :cry:

Devant la violence inouie des anglophones britaniques sur la question, on ne peut que comprendre la réponse du berger à la bergère. A cette violence s’ajoute la mauvaise foi, car le scot est un sociolecte qui garde l’anglais comme langue de référence alors que le gaelique est une langue en soi. Mais la mauvaise foi gouverne le monde et pas seulement les îles britaniques.

Andergassen : le catalan est LA langue officielle … à Andorre. :mrgreen: :stuck_out_tongue:
même pas le français ou l’espagnol, JUSTE le catalan.
c’est assez intéressant de voire ce que dit la constitution d’Andorre au sujet de l’usage des autres langues, car dans la pratique le catalan est une langue … minoritaire dans le pays dont il est la langue officielle (la langue majoritaire d’enseignement n’étant PAS la langue officielle).

et pour répondre à Fifititi, oui, c’est clairement identitaire.

tout comme les langues serbo-croates comme le rappelle Andergassen.
Officiellement des langues à part, mais dans la pratique les croates et les macédoniens se comprennent très bien, alors que les variantes locales sont très fortes, plus qu’entre le serbe et le monténégrien :mrgreen: qui sont elles aussi devenues des langues à part pour des raisons purement politiques (se démarquer de ceux qui ont eu le rôle des « méchants »).

l’allemand standard n’existe pas depuis si longtemps.
et d’ailleurs dans ton coin, les gens disent volontiers qu’ils parlent allemand et sudtyrolien en tant que 2 langues à part, en plus de quelques autres dont l’italien.
beaucoup d’allemands du nord disent qu’ils ne comprennent pas un mot à l’alsacien (ou au badois, pour être identitairement moins connoté).

Contrairement à ce que l’on peut croire, l’anglais n’est pas la première langue officielle de l’Irlande. Les irlandais parlent depuis des siècles une langue ancestrale connue sous le nom de gaélique (aussi appelée gaélique irlandais ou « irlandais »), une langue celtique encore aujourd’hui utilisée en Irlande.

Petit complément d’information sur le gaëlique d’Irlande.
http://www.guide-irlande.com/culture-irlandaise/les-langues-irlandaises/le-gaelique-irlandais/
Le troisième paragraphe:« Des Moyens pour Lutter contre l’extinction de la Langue Irlandaise » me semble très interessant.

Ce qui finalement me désole le plus dans tout cela c’est de constater à quel point il est difficile au gaélique d’exister en Irlande du nord, même pour dire simplement « Joyeux Noël » ou pour envoyer ses vœux.

Dans ces conditions, et bien que le problème soit en lui-même assez complexe cela ne m’étonne pas que plusieurs années après la fin « officielle » de la guerre civile, 3 500 morts tout de même, les Peace Walls existent encore…et, hélas, mille fois hélas, ils ne sont pas près de disparaitre.

Car la langue au-delà de son aspect purement factuel est aussi un formidable résumé des haines réciproques, des frustrations, des préjugés, du mépris plus ou moins affiché de telle ou telle communauté, des fantasmes et des peurs des uns et des autres.

Et d’ailleurs si vous avez bien lu l’article vous vous apercevrez que les communautés vivent de plus en plus repliées sur elle-mêmes et que les quartiers « mixtes » sont entrain de disparaître (sans même parler des mariages mixtes). Et d’ailleurs ne ditons pas « Belfast-Ouest » pour désigner les quartiers à majorités catholiques et « Belfast-Est » pour désigner les quartiers à majorités protestantes ? Le « centre » étant une sorte de « zone neutre » bardée de Peaces Walls et de barrages pour éviter les attentats terroristes des extrémistes des deux communautés. Il existe même des trottoirs « catholiques » et des trottoirs « protestants ». Ce qui vous permet de mesurer l’ampleur du problème. :unamused:

Étudier la géographie de Belfast c’est se retrouver confronter à ses propres peurs, ses propres angoisses, ses propres interrogations.
Et quand on aborde l’un des habitants de cette ville dans quelle langue lui adresser la parole ? En anglais symbole pour certains d’une implacable oppression ? Ou bien en gaélique symbole pour d’autres d’un implacable nationalisme ?

Ou devons-nous tout simplement nous taire, stupéfait devant tant de haines réciproques et tant d’indifférences aux souffrances de « l’autre » alors que nous pensions, dans notre folie, que les guerres de religions avaient définitivement disparues d’Europe et que nous les retrouvons au cœur même de Belfast comme la guerre froide était inscrite au cœur même de Berlin… comme une marque au fer rouge, symbole de notre propre inhumanité.

Car ne nous y trompons pas, derrière un « simple » problème de langue se trouve les fantômes de Bobby Sands, de l’IRA provisoire, du Bloody Sunday, des groupes armées unionistes et de beaucoup d’autres groupes armées et martyrs de leur cause « juste » :

la haine restera toujours la haine. La haine entraîne la haine a partir du moment où nous parlons la langue des armes.

Je suis désolé de devoir donner à mon intervention une tournure politique mais hélas les faits sont têtus. :frowning:

[i]Si j’avais grandi dans les docklands de Belfast
Soldat d’une foi, d’une caste

Aurais-je eu la force envers et contre les miens
De trahir: tendre une main[/i]

Et qu’on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps
D’avoir à choisir un camp

Né en 1917 à Leidenstatdt
JJ Goldman

Comme l’a dit Nico, malheureusement tout le monde (ou presque) s’en fout. Tous les Irlandais jeunes que je connais ont eu des cours à l’école, mais ne parlent pas la langue. Ils savent lire, connaissent des mots, mais aucun ne la maîtrise…

il n’y a pas qu’à Belfast !!! :wink:

Oui mais à Belfast c’est un peut une partie de mes contradictions qui s’y trouvent.
Il y a aussi Derry pour les catholiques mais Londonderry pour les protestants.
Cette ville étant d’ailleurs partagée en deux par la rivière Foyle : d’un côté la Derry catholique et de l’autre la Londonderry protestante.
Vu à Derry : You are now entering free Derry ( ici vous entrez dans le Derry libre) donc le « secteur » catholique.

C’est dans cette ville qu’a eu lieu le Bloody Sunday (1972).

fr.wikipedia.org/wiki/Bloody_Sunday_%281972%29