Né en 1878 à Hambourg, Erich Scheurmann a été à la fois peintre, écrivain et conteur. Il a rencontré Hermann Hesse en 1903 au bord du Bodensee. Peu de temps avant la Première Guerre Mondiale, il se rend à Samoa, où la culture polynésienne va profondément l’imprégner.
Paru en Allemagne en 1920, traduit en quinze langues et vendu à des millions d’exemplaires, « Le Papalagui » avait attendu le début des années 80 pour être accessible aux lecteurs francophones dans une traduction (Aubier Flammarion) largement diffusée mais rapidement épuisée ; cette nouvelle édition vient donc à propos.
Le texte est présenté comme un recueil d’observations et de réflexions où la civilisation occidentale est passée au crible du bon sens d’un dignitaire samoan du début du siècle : au retour d’un voyage en Europe, Touiavii ne cache ni sa surprise ni son indignation après avoir constaté l’étrange manière dont vivent les ressortissants d’une grande puissance coloniale ; il s’amuse du manque de savoir-vivre des Blancs et s’indigne de leur hypocrisie. Près d’un siècle plus tard, la charge n’a rien perdu de sa pertinence. L’introduction d’Eric Scheurmann souligne la portée universelle du regard de celui qu’il présente comme son ami : « Touiavii, l’insulaire sans culture, considérait toutes les acquisitions culturelles européennes comme de la folie, comme une impasse […]. Mais il le fait avec le ton de la mélancolie, témoignant que son ardeur missionnaire prend sa source dans l’amour humain, non dans la haine » (p. 13).
On sait aujourd’hui que Le Papalagui est l’œuvre d’Eric Scheurmann à qui l’on doit par ailleurs un remarquable ensemble de photographies des Samoa au début du dernier siècle ; cet Allemand était suffisamment imprégné de la civilisation polynésienne pour crédibiliser une fable qui trouve son premier ressort dans l’horreur suscitée par le déclenchement de la première guerre mondiale. L’intérêt du recueil n’est pas amoindri par cette révélation. On notera que la démarche de Scheurmann s’inscrit dans une tradition inaugurée par Diderot avec son « Supplément au voyage de Bougainville » où l’on voit un des chefs de l’île haranguer les malheureux Tahitiens.
"Le Papalagui" : les propos de Touiavii, chef de la tribu de Tiavéa, dans les Mers du Sud » trad. de l’allemand par Dominique Roudière, Paris : éditions Pocket, 2004 (145 pages).
Sous des airs naïfs, ce livre nous offre un regard extérieur critique sur notre société occidentale, il nous fait relativiser, nous remettre en question sur notre quotidien, je l’ai lu d’une traite!