Du 1er janvier au 30 juin 2007, il revient à l’Allemagne d’exercer la présidence du conseil européen. Les attentes sont importantes, en particulier parce que Berlin a reçu de ses partenaires la mission de débloquer le dossier constitutionnel. Au total, trois défis-clés devraient rythmer la présidence allemande : sortir l’Europe de la crise, la faire parler d’une seule voix sur la scène mondiale et définir une politique garantissant son avenir.
" Ensemble, nous réussirons l’Europe « . La formule-titre du programme de la présidence allemande résume bien dans quel esprit le gouvernement allemand aborde l’échéance. Pour Berlin, « l’Europe n’est assez forte pour exister dans le contexte international que si elle est rassemblée ». En se rassemblant, l’Europe est devenue un continent de paix, de liberté et de prospérité. Aujourd’hui, cependant, à l’heure de la mondialisation, la justification " historique " a besoin d’être complétée. L’Allemagne ambitionne donc de relancer la construction européenne en " refondant » l’Europe. Sur ses valeurs communes, et sur les réponses qu’elle apportera collectivement aux défis de la mondialisation.
L’Europe, une communauté de valeurs
"L’Europe doit montrer, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières, qu’elle est capable de concevoir, dans un univers mondialisé, une politique correspondant à ses valeurs ", affirme le programme officiel. Cela commencera par un acte symbolique. Les 24 et 25 mars prochains, les chefs d’Etats et de gouvernements européens célèbreront le cinquantième anniversaire de la signature des traités de Rome, qui ont institué la Communauté économique européenne (CEE) et Euratom. A cette occasion, les dirigeants des 27 Etats-membres présenteront une déclaration commune. Elle sera prononcée depuis Berlin, la ville qui incarne par excellence l’unification du continent européen. Dans cette déclaration, les dirigeants européens " rappelleront les valeurs et les objectifs européens et contracteront l’engagement commun de résoudre les tâches actuelles ".
Deux autres temps forts et quatre grandes priorités marqueront les six mois de la présidence allemande. Les deux moments-clés du calendrier seront les deux conseils européens, les 8-9 mars à Bruxelles, et les 21-22 juin à Berlin. Ils seront consacrés respectivement à deux des grands thèmes prioritaires : l’avenir économique et social de l’Union européenne (UE), et celui du traité constitutionnel. Les deux autres thèmes importants seront le développement de l’espace européen de liberté, de sécurité et de droit, ainsi que celui d’un espace européen de sécurité et de stabilité dans le monde.
" Nous voulons maintenir la substance de cette Constitution "
Si les attentes sont si grandes à l’aube de la présidence allemande du conseil européen, c’est parce que la mission numéro un qui a été confiée à cette dernière est la relance du processus constitutionnel. Ce dossier est devenu "le symbole du blocage de l’UE ", a regretté le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, en présentant à Bruxelles le programme de la présidence allemande. "L’enlisement du projet de Constitution s’est transformé en un avertissement fatidique de la paralysie de l’Europe. Il faut nous engager contre cela ".
L’Allemagne, qui a ratifié le traité constitutionnel comme les deux tiers des Etats membres, jouera le rôle " d’honnête courtier " entre les différentes positions, a annoncé M. Steinmeier. D’après le programme officiel, la présidence allemande " mènera des consultations approfondies avec tous les partenaires et les organes de l’UE, et oeuvrera activement à la poursuite du processus de réforme de l’UE, conformément aux décisions prises à l’échelon européen". Le gouvernement allemand mandatera deux représentants pour dialoguer avec chaque Etat membre et avec la Commission. Il soumettra ensuite une " proposition " à ses partenaires lors du conseil européen du mois de juin.
Quel pourra être le contenu de cette proposition ? M. Steinmeier a prévenu dans le journal " Le Monde " (édition datée du 21 décembre) qu’" il ne [fallait] pas placer la barre trop haut en faisant croire qu’on aura un nouveau texte prêt à être ratifié par tous. Mais il faut déjà être suffisamment ambitieux pour espérer, à côté de la procédure et du calendrier, pouvoir présenter un contour conceptuel ". Une chose est sûre : l’Allemagne souhaite " maintenir la substance de cette Constitution ". Le ministre allemand en a rappelé deux raisons essentielles. D’une part, l’Europe a besoin des réformes institutionnelles du traité constitutionnel pour pouvoir fonctionner à 27 Etats, voire davantage. D’autre part, le traité contient la Charte des droits fondamentaux qui incarne l’UE en tant que une " communauté de valeurs ".
Façonner l’avenir économique, social et écologique de l’Europe
L’autre grand enjeu de la présidence allemande réside les questions économiques et sociales. En effet, l’Europe ne pourra faire valoir son poids que si elle est forte et dynamique sur le plan économique. Elle doit renforcer sa compétitivité, préserver son modèle social et assurer son approvisionnement énergétique, tout en jouant un rôle précurseur pour protéger le climat. Concrètement, elle doit aussi répondre à la question que se posent ses citoyens : " qu’est-ce que l’Europe m’apporte ? ". La présidence allemande cherchera donc à faire adopter un paquet équilibré de mesures visant à promouvoir la compétitivité, la croissance et l’emploi ainsi que la cohésion sociale et un environnement sain. Des impulsions seront données lors du conseil européen de mars.
Au chapitre économique, l’Allemagne entend particulièrement s’impliquer dans l’achèvement du marché intérieur. Encore trop souvent sous-estimé, celui-ci " offre davantage d’opportunités que de risques ", a souligné la chancelière Angela Merkel lorsqu’elle a présenté son programme aux députés allemands. Le marché intérieur a créé 2,5 millions d’emplois depuis 1993. La présidence allemande aura à cour de continuer à le développer, notamment en ce qui concerne l’ouverture du marché de l’électricité et du gaz. Elle promouvra, par ailleurs, diverses mesures (débureaucratisation.) pour renforcer la compétitivité des entreprises. Notamment celle des PME.
Parfaire la " société de la connaissance "
La présidence allemande continuera aussi de soutenir l’innovation, l’enseignement supérieur et la recherche. L’objectif : parfaire la " société de la connaissance ". Le lancement du 7ème programme-cadre de recherche, début janvier, et celui du Conseil européen de la recherche (CER) réuniront les conditions idéales d’une politique active en la matière. Au-delà, la présidence allemande entend mobiliser les fonds structurels pour améliorer l’intégration des nouveaux Etats membres dans l’Espace européen de la recherche. Elle soutiendra, en ce sens, la Commission européenne dans l’élaboration de recommandations pour optimiser l’utilisation des dispositifs de financement d’infrastructures de recherche. Elle lancera, par ailleurs, une initiative visant l’adoption d’une charte sur le traitement de la propriété intellectuelle par les établissements publics d’Enseignement supérieur et de recherche. Enfin, en matière d’éducation, la priorité ira à la promotion de la formation tout au long de la vie et à la création d’un " cadre européen des certifications ". Ce dernier devrait simplifier la comparabilité des compétences professionnelles et favoriser la mobilité
Plan d’action européen sur l’énergie
Au menu du conseil européen des 8 et 9 mars figurera aussi un autre thème central : celui de l’énergie. A cet égard, la présidence allemande s’est fixé pour but l’adoption d’un plan d’action ambitieux. Accroissement de l’efficience énergétique, développement des énergies renouvelables et des technologies qui s’y attachent, renforcement de la coopération avec les pays fournisseurs d’énergie, les pays de transits et les pays consommateurs : l’objectif est d’assurer à l’Europe un approvisionnement sûr, rentable et propre en énergie. La présidence allemande agira aussi en faveur du climat. Elle affirmera le rôle pionnier de l’Europe dans ce domaine, et négociera la fixation d’objectifs concrets avec ses partenaires.
En matière sociale et sociétale, enfin, l’ambition est de promouvoir la " Flexicurity ", c’est-à-dire de " concilier la nécessaire flexibilité du marché du travail avec la protection et la sécurité sociales ", affirme le programme. L’Allemagne souhaite notamment renforcer l’échange d’expériences entre Etats-membres dans le domaine de l’égalité des chances. Elle organisera aussi une conférence interministérielle sur l’avenir du modèle social européen afin de donner plus de contenu au débat. Elle entend, par ailleurs, faire évaluer systématiquement les projets de législations européennes en fonction de leurs conséquences sur l’emploi. Elle veut promouvoir une " alliance pour la famille au niveau européen " et une réflexion commune sur l’intégration. Enfin, elle vise la fixation de grandes lignes en matière de développement urbain.
Renforcer la sécurité, la liberté et la justice
Par ailleurs, la présidence allemande aura à cour d’ouvrer à l’achèvement d’un espace européen du droit. Elle souhaite réaliser des progrès substantiels dans la lutte contre le terrorisme international et criminalité transfrontalière, tout en préservant les droits et les libertés des citoyens. Pour ce faire, elle mise notamment sur le renforcement de la collaboration policière et sur celui de la coopération juridique en matière civile et pénale. Dans la perspective d’une politique européenne des migrations, elle appuiera aussi la Commission européenne en vue de développer le système d’information sur les visas (VIS).
Renforcer la politique de voisinage de l’UE
En politique étrangère, enfin, la présidence allemande oeuvrera au rapprochement et à la stabilisation des Balkans occidentaux. Elle prendra, en outre, des initiatives importantes pour approfondir et renforcer la politique de voisinage de l’Union européenne. L’une de ses principales ambitions en la matière sera la définition d’une stratégie à l’égard de l’Asie centrale. Elle entend également profiter de la renégociation de l’accord de partenariat et de coopération avec la Russie pour " placer les relations entre l’UE et la Russie sur une nouvelle base dans tous les domaines importants ". Et tout particulièrement en matière énergétique. Enfin, elle souhaite participer à la relance du Quartet pour le Proche-Orient.
Le programme complet de la présidence allemande de l’UE en français :
www.auswaertiges-amt.de/diplo/de/EU-P/P … U-P-fr.pdf
Le site officiel de la présidence allemande en français :
eu2007.de/info/fr/index.html?null
Source: www.amb-allemagne.fr