Oui, si le Bavarois fait l’effort de s’exprimer en Hochdeutsch, non, si pour une raison ou une autre, il parle son dialecte.
ce que je veux dire c’est qu’un croate, un serbe et un bosniaque se comprennent encore plus parfaitement que des allemands de différentes régions et que le plus éloigné des langages de l’ex-Yougoslavie c’est encore le slovène.
et pourtant ils se sont entretués à partir de 1991 et jusqu’en 2001 pour des questions de nationalismes.
si pour les Slovènes cela n’a duré que 10 jours, en Bosnie cela a fait très très mal.
les suisses parlent 4 langues et se sentent un même pays, même s’il y a des tensions communautaires.
alors la question reste entière, c’est quoi qui fait un pays ?
PS : pour le bavarois, effectivement il vaut mieux avoir à faire à quelqu’un qui fait un « effort ».
Si la guerre de « sécession yougoslave » n’a duré que 10 jours en Slovénie, c’est que le pays avait une population très homogène (90 % de Slovènes) et que les Serbes n’avaient rien à y prendre, contrairement à la Croatie et à BiH, pays à grandes minorités serbes enclavées et à récupérer (ils avaient déjà tenté le coup à Sarajevo en 1914, on a vu ce que ça a donné ).
rien à perdre ? la Slovénie était une région à l’économie bien developpée.
la vraie raison c’est la géographie.
Au nord l’Autriche, à l’ouest, l’Italie. Est-ce que c’est eux qui allaient s’opposer à l’indépendance par rapport à un état communiste ???
L’opinion publique internationale avait été soigneusement préparées depuis des mois au fait que la Slovénie était un pays opprimé et en cas de dégénérescence du conflit, ils comptaient sur le soutien international).
Très peu de côtes (intérêt géopolitique).
Et les croates qui constituent le reste de la frontière avaient les mêmes vélléités d’indépendance (pour faire une guerre meurtrière, il faut que les soldats aient l’assurance que de l’autre côté c’est l’ennemi absolu, pas vaguement quelqu’un qui a en définitives les mêmes préoccupations que vous).
Puisqu’on diverge sur ce sujet, si Dubronvik a été si durement touché par les bombardements monténégrins, c’est qu’on avait dit aux monténégrins que les croates voulaient prendre les bouches de Kotor. Argument massue qui a galvanisé les troupes.
Reste entière la question : qu’est-ce qui fait une nation ???
Tu oublies aussi la Religion et l’Histoire, autant pour la Yougoslavie que pour la Belgique. La langue seule ne fait pas une Nation.
Un mythe fondateur, la capacité de l’imposer et/où le monopole de la violence. Après, un peu de chance et idéalement des voisins qui adhèrent au concept.
J’aurais bien voulu plus de renseignements car cet article n’en parle pas : Enseignement de l’allemand et image de l’Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale
Cf. par exemple la note n°13 : « Dès août 1945, la Direction de l’Enseignement du second degré a adressé aux recteurs une circulaire rappelant l’utilité des études d’allemand et signalant le danger que représenterait leur désertion. »
Economiquement et culturellement on est au trente-sixième dessous.
Même le Vosg’patt a disparu…
Apparemment ça a pas été appliqué partout… sur le même site il y a un long article sur l’enseignement de l’allemand en Alsace L’enseignement de l’allemand à l’école élémentaire en Alsace. Questions de méthode : les manuels en usage entre 1952 et 1990
D’après l’article, l’allemand n’a pas été enseigné du tout en Alsace, à l’école primaire, entre 1946 et 1952, puis jusque 1972 cela était en fonction des souhaits des parents/enseignants…
C’est bien compliqué tout ça
Si je puis me permettre, entre « ne pas enseigner » (notamment en fonction de la demande des parents) et « interdire », il y a une légère différence…
je crois que c’est être bien naïf aussi sur les réalités linguistiques de cette période d’après-guerre.
pour les enfants qui avaient 5 ou 6 ans et qui n’avaient jamais eu le droit de parler français avec leur parent, c’était déjà bien assez compliqué d’aller à l’école en français. interrogez les personnes nées dans cette période.
bien entendu cela partait d’un parti-pris sans doute pas entièrement fondé que tous les alsaciens avaient envie de reparler et d’être éduqués en français au lieu de laisser un choix en fonction des cultures familiales.
mais dans les esprits, continuer à parler allemand (en langue principale), c’était faire le choix de l’ennemi, donc inacceptable politiquement.
mais l’allemand a été ré-enseigné au primaire (à une époque où une seconde langue au primaire était quasi-inexistant au niveau national) très rapidement. l’allemand n’a pas été interdit comme langue étrangère.
toute la subtilité est là.
ensuite il y a les générations qui n’ont pas connu la guerre.
curieusement la génération des années 50 a mieux compris la pluralité linguistique de la région que les générations 60 ou 70 pour qui l’allemand c’était d’abord la langue de celui qui vient « de l’autre côté ».
avant de faire des cours de langues aux enfants, il faut d’abord leur expliquer pourquoi ils devraient avoir envie de l’apprendre.
« interdire » était peut-être excessif
l’autre solution c’était de faire un enseignement bilingue ou optionnel soit en français, soit en allemand.
je me demande par contre combien il y aurait eu au final de francophones en Alsace.
et quid des tensions entre groupes linguistiques si on avait donné des choix d’option d’enseignement ?
avec des méfiances sur le passé de ceux qui auraient choisi l’allemand, justifiées ou injustifiées (germanophone n’était pas forcément synonyme de sympathie par rapport aux annexants, mais vu les préjués qui subsitent encore maintenant, je suis sceptique).
quelque part, la francisation forcée était une manière de mettre tout le monde sur le même pied.
et quelque part permet par la suite à ceux qui le veulent de se réapproprier l’autre culture sans à priori historico-politique.
je le vois aussi bien du côté français, que pour ceux qui étaient d’origine allemande.
Le problème est qu’au lendemain de la 2e GM, l’Alsace comprenait encore des populations majoritairement (largement en monde rural) dialectophones et germanophones (et cela n’est dû ni aux n.zis, ni au IIe Reich, comme on veut nous faire croire). La plupart avaient des notions de français, mais ne le parlaient pas couramment.
Donc si les Alsaciens avaient pu décider eux-mêmes de la politique d’enseignement à appliquer, l’allemand aurait sans doute continuer à garder sa place. Et il n’y aurait peut-être eu qu’une minorité francophone (élites et bourgeois) pour exiger l’enseignement du français…Mais en France jacobine et centralisatrice, n’acceptant aucune « différence », Paris a décidé pour l’Alsace en imposant un usage exclusif du français dans tous les domaines publics, et en culpabilisant bien les Alsaciens quant à leur vécu et leur langue « liée à l’ennemi »…les Alsaciens « dociles » ont bien écouté leur « maître » et on comprend mieux le déclin continu de la langue allemande et du dialecte…
Les Sud-Tyroliens, minorité germanophone en Italie, ont quant à eux bien « bataillé » pour pouvoir continuer l’usage de l’allemand à l’école et dans le domaine public, sans exclure l’italien pour autant, ils ont réussi et ils en tirent bien des bénéfices aujourd’hui…
la réalité est plus subtile encore.
dans le monde rural aussi certains envoyaient leurs enfants apprendre le français et dans l’univers bourgeois il y avait aussi les germanophones purs et durs (je parle de 1871-1918 où il y avait une certaine liberté de langue, 1940-1945 c’est encore une autre histoire).
la francophonie/francophilie (qu’il ne faut pas confondre non plus) n’est pas uniquement une dichotomie entre élite urbaine et bourgeoise vs monde rural.
les versions des livres, il faut les prendre avec des pincettes.
on a encore pour peu de temps la chance de pouvoir parler avec des gens qui ont véçu cela « en vrai » et il n’y a rien de tel pour comprendre toute la subtilité de la situation tellement caricaturée dans un sens comme dans l’autre.
alors pour la comparaison avec le Tyrol du Sud, c’est quelque chose que l’on ne peut pas louper, à partir du moment où l’on a une fois mis les pieds dans le coin et que l’on se dit « nundepikelnochamol, il y a une Alsace en Italie ». Et après avoir examiné toutes les ressemblances entre les 2 histoires (sans savoir qu’il y a déjà des gens qui ont fait cela bien avant vous dans des finalités très diverses d’ailleurs) et bien on se rend compte que non ce n’est pas la même histoire. Sans doute parce que cette partie du Tyrol n’a jamais été annexée à l’Italie pendant plus de 200 ans (Louis XIV) sans intégrationnisme forcé, n’a pas véçu la révolution et ses nouvelles libertés. La spécificité de l’Alsace s’est construit pendant ces années là.
Je ne sais pas combien de tyroliens du sud comptaient les jours dans leur patois pour savoir « wenn de moricaner komme ».
parceque pour les tyroliens du sud 1943-1945 cela correspond pour une très grande majorité au retour dans leur vrai pays (même pour certains non-germanophones exaspérés par l’attitude des italiens version chemise noire), alors que pour les alsaciens, même non-francophones, 1940-1945 ce n’est tout de même pas la même histoire (sauf pour une minorité).
j’ai beau chercher, je ne trouve pas de spécificité sud-tyrolienne comme il y a une spécificité alsacienne.
maintenant cela fait bientôt 100 ans que le Tyrol du sud est rattaché à l’Italie avec des avantages régionaux spécifiques. On attend encore 100 ans et on réattache le coin au reste de l’Autriche et on regarde ce que cela donne. Joli sujet.
Maintenant autre sujet, on imagine, une Alsace indépendante avec options linguistiques comme dans d’autres pays et pas que chez Andergassen. Belgique, Suisse. On voit ce que cela donne. Des bisbilles à n’en plus finir. Des ressentiments entre groupes linguistiques : les-autres-ils-ont-plus-d’avantage-que-moi-c’est-pas-juste (l’effet pervers des quotas et de la discrimination positive). Des radicalisations communautaires. Sérieux cela ne me fait pas trop envie.
Moi qui croyais naïvement que c’était juste parce que les coins que je connais c’est un peu comme le Wissembourg de l’Alsace (les coins les plus germanophones).
En définitive le seul pays où cela marche assez bien vu de l’extérieur du moins, c’est le Luxembourg. Donc cela donne alsacien obligatoire, enseignement en allemand et en français. Et paradis fiscal pour attirer du monde, parceque sans cela le Luxembourg serait-il aussi attractif ?
maintenant regardons les réalités géopolitiques (après tout le post s’appelle rhin frontière naturelle), ni la France, ni l’Allemagne n’étaient prêtes à cèder sur un territoire stratégique. Depuis 1992 c’est différent puisqu’il n’y a plus de frontière et qu’il y a des défenses communes (officiellement cela s’appelle Eurocorps, mais certains allemands quand ils disent « wehrmacht » cela fait bizarre tout de même).
Je préciserai néanmoins que si le Sud-Tyrol a été rattaché en 1919 à l’Italie en vertu du traité de St-Germain, il a fallu attendre 50 ans pour que le statut d’autonomie commence à être mis en application (concrètement à partir de 1972). Entre temps, le fascisme italien, puis après la chute de Mussolini l’occupation fasciste allemande ont causé bien des drames, avec interdiction de la langue, italianisation forcée, option de l’émigration dans le Reich, enrôlement dans la Wehrmacht (dans laquelle ont servi mon père et mon beau-père, l’un Français, l’autre Italien!). Mais les Tyroliens ont toujours résisté, comme ils avaient résisté aux Bavarois et à Napoléon il y a 200 ans.
je suis bien consciente de toutes ces spécificités.
et pour comprendre ta région je suis remontée, bien entendu à l’époque napoléonienne, mais encore plus loin, au Moyen-Age, à la manière dont le Tyrol autrefois indépendant s’est retrouvé dans le giron des Habsbourg.
pour ce qui est de comprendre le truc des options et tous ces trucs c’est plus simple d’en comprendre tous les aspects et les drames quand on est d’une région où cela a été un vaste foutoir aussi et que c’est simple vu de l’extérieur de dire « yavéka ».
Tous ces problèmes de langues sont bien compliqués.
Juste une petite participation sous un aspect familial à ce débat:
Un très lointain cousin a reconstitué l’arbre généalogique de notre famille, côté paternel, puisque du côté maternel, c’est Vendéen.
Un certain Jean Plain, né à Tramelan (Jura suisse) en 1628 est venu s’installer à Beaucourt (Bocourt à l’époque) en territoire de Belfort, qui à l’époque n’était pas encore Français.
C’était le plus lointain de mes ancêtres connu, portant le même nom que moi. Un autre plus ancien, à l’époque où seul le prénom était de rigueur et où le surnom faisait la différence, s’appelait: Richard de Brognard dit Fallot né en 1425 à Brognard, car ce n’était pas un noble, juste un natif de cette ville de Franche comté (toute sa descendance directe s’est du reste appelée: « fallot »).
En me penchant à mon tour sur ces contrées, je me suis aperçu que Tramelan était une enclave Francophone dans un compté Germanophone (Bern).
Les habitants de ce coin là, ont choisi (votation) d’appartenir au Jura Bernois Germanophone bien qu’étant Francophones, et aujourd’hui encore, ils sont toujours Francophones et cela ne semble pas poser de problèmes.
Un de mes ancêtres est aussi allé s’installer à Strasbourg, puis la famille au gré des changements de « Nationalité » est venue s’installer dans la région Parisienne.
Il n’y a pas eu que des problèmes linguistiques ou de frontières qui ne semblaient pas poser tant de problèmes aux population, en dehors des princes et seigneurs, mais il y avait aussi la religion.
Notre cousin éloigné, comme mon papa était protestant (Luthérien). Mon père a changé de religion lors de son mariage avec ma maman Vendéenne.
Je pense que ces problèmes de religions étaient aussi un réel obstacle à la pacification des relations entre les différentes communautés et que c’est peut être plus là qu’il conviendrait de parler de véritables frontières.
En tous les cas, je trouve vos discussions très enrichissantes et très instructives. Merci!
Une petite précision à propos de Tramelan :
Berne a toujours rivalisé contre Bâle et a dominé de vastes territoires en Suisse romande, surtout dans le Jura. Le canton était donc à l’origine bilingue. Lorsqu’il y a 35 ans maintenant, le Jura francophone a fait sécession en créant le 26e canton suisse, les districts francophones protestants n’ont pas suivi et sont restés à Berne. Principales villes et localités francophones : Bienne, St-Imier, Tramelan, Moutier. Dans le canton du Jura catholique, la capitale est Delémont, et les localités principales Porrentruy (cette pointe caractéristique de l’Ajoie qui s’enfonce dans le Sundgau vers Belfort), Saignelégier (Franches-Montagnes).