Gastronomie allemande : cochons, porcs et chance
14 nov. 2014
Niveau charcuterie, inutile de tourner autour du pot : quelle que soit mon envie de dissiper les préjugés selon lesquels la gastronomie allemande se limiterait au porc et à la saucisse, je dois reconnaître qu’il existe effectivement une relation ancienne et intime entre les Allemands et leurs cochons.
Avec une consommation avoisinant 40 kilos par personne et par an, le porc est la viande la plus populaire d’Allemagne.
Avec une consommation avoisinant 40 kilos par personne et par an, le porc est la viande la plus populaire d’Allemagne. Certes, ces chiffres déclinent légèrement tous les ans, une évolution qui suscite une certaine nervosité dans l’industrie de la viande. Mais, soyons réalistes : les Allemands ne vont pas se muer en nation végétarienne. La volaille, le bœuf, le poisson et les fruits de mer n’arrivent pas à la cheville du porc. Même si on additionnait leurs scores, le total resterait inférieur à la consommation de porc. Ce qui est vital pour l’économie allemande, dans la mesure où le pays en produit davantage qu’il n’en consomme. Ainsi, l’Allemagne est le premier exportateur de cette viande au sein de l’Union européenne.
Un vent nouveau souffle sur le secteur depuis le 1er janvier 2013, date d’entrée en vigueur de la directive 2008/120/CE du Conseil de l’UE établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs. Auparavant, le texte ne s’appliquait qu’aux exploitations nouvelles ou rénovées. J’adore la formulation de cette directive. Elle affirme que « les porcs doivent disposer d’un environnement correspondant à leur besoin d’exercice et à leur nature d’animal fouisseur » et que « les truies ont volontiers des interactions sociales avec d’autres porcs, à condition de disposer de leur liberté de mouvement et de se trouver dans un environnement d’une certaine complexité ». Depuis cette date, chaque truie doit disposer d’un peu plus d’espace en fonction de son poids. Les défenseurs des animaux affirment que cela reste insuffisant, mais je pense que tout le serait comparé à la manière dont les porcs étaient autrefois autorisés à s’égayer librement dans les forêts allemandes depuis l’époque romaine, se nourrissant de glands et de faines (je ne peux qu’imaginer la saveur extraordinaire de leur viande !). La valeur d’une forêt était souvent mesurée à l’aune du nombre de porcs pouvant s’y nourrir. Pour des raisons d’hygiène, l’élevage porcin subit des contraintes croissantes depuis le Moyen Âge, ce qui finit par aboutir à la surface de 0,65 mètre carré allouée aujourd’hui à une truie moyenne de 94 kilos.
Autour du Nouvel An, les Allemands s’offrent des cochons en pâte d’amande, souvent pourvus d’une feuille de trèfle entre les dents, pour se souhaiter bonne chance. En Allemagne, les porcs symbolisent la chance et la bonne fortune, ce qui se reflète dans des expressions courantes telles que Schwein haben (avoir du bol, litt. « avoir du cochon ») ou Schweineglück (avoir un bol d’enfer, litt. « une chance de cochon »). L’origine de ces locutions remonte probablement au Moyen Âge, quand le perdant recevait un porc comme lot de consolation.
Autour du Nouvel An, les Allemands s’offrent des cochons en pâte d’amande, souvent pourvus d’une feuille de trèfle entre les dents, pour se souhaiter bonne chance. Des immigrés allemands importèrent cette idée aux États-Unis. Dans ma région d’origine, Pennsylvania Dutch Country, la choucroute garnie de porc est un plat traditionnel du Nouvel An.
Photo ICI Voici les petits cochons en pâte d’amande que je confectionne pour le réveillon. Il est facile de préparer du massepain, je l’ai fait d’innombrables fois avec mon livre de recettes ; mais j’avais un peu peur de ne pas savoir confectionner un cochon reconnaissable, car je n’ai pas la moindre expérience des décorations sophistiquées en pâtisserie. Heureusement, j’ai trouvé une vidéo courte et géniale (ne vous laissez pas impressionner par le titre allemand, la vidéo est muette et se passe d’explications orales).
Vers le dernier cochon, j’ai commencé à avoir le coup de main. Donc, nous mangerons bel et bien du porc pour le réveillon.