Un petit peu d’histoire de l’art suite à une question de Kissou sur un autre fil. Qui s’est déjà promené en Europe centrale a sûrement remarqué au cœur de différentes villes des colonnes aux formes étranges, chargées de statues et toutes un peu du même style. Il s’agit de colonnes de la peste (Pestsäule), aussi appelées colonnes de la Trinité (Dreifaltigkeitssäule). Comme leur nom l’indique elles commémorent une épidémie de peste passée et sont dédiées à la Trinité. Elles rendent hommage à tous les personnages du catholicisme qui ont participé à la lutte contre l’épidémie: la trinité bien sûr mais aussi Marie et différents saints.
A l’époque baroque, la première a été érigée à Vienne à partir de 1679 après une épidémie de peste finie cette même année. C’est de cette colonne-là que s’inspirent toutes les autres. Wiki indique d’ailleurs que certaines villes s’en sont fait construire plus pour avoir un monument comme celui de la capitale que pour commémorer une épidémie…
L’œuvre est riche en éléments et chargée de symboles, comme le baroque l’aime! Décodons ces colonnes à partir de différents exemples que j’ai sortis de mes archives photos. En gros, les colonnes se composent de trois parties.
En bas, à notre niveau à nous, les pauvres terriens qui souffrons de la peste et qui implorons à l’aide, sont représentées des figures de saint(e)s qui ont contribué à mettre fin à l’épidémie. Il s’agit très souvent de Saint Sébastien, Saint Roch et Sainte Rosalie qui sont les trois que l’on invoque le plus souvent en cas de peste ou plus généralement d’épidémie. Ils sont accompagnés d’autres Saints qui diffèrent selon les régions et les artistes.
Ici, sur la colonne de Mödling (1714) on voit bien Saint-Sébastien (percé de flèches) et Saint-Roch (qui montre sa jambe blessée)
Au milieu, le ciel qui nous sépare de Dieu, est représenté par une colonne de nuages qui monte vers Dieu, évidemment avec des angelots partout (on est baroque ou on ne l’est pas!). Il s’agit d’un détail de la colonne de Sankt-Pölten, la plus tardive (inaugurée en 1782) et qui a la particularité d’être montée sur une fontaine.
Enfin, au sommet se trouve la Trinité, traditionnellement symbolisé par un homme tenant un globe (le père), un crucifix (le fils) et une colombe (le saint esprit). Détail de la colonne de Vienne.
Normalement, la figure de Marie se cache toujours quelque part sur la colonne. Car, quoi qu’on en dise, c’est elle qu’on invoque aussi dans les situations délicates (le coup classique: quand on a un problème, c’est toujours maman qu’on appelle!). Parfois elle est représentée montant au ciel, comme sur la colonne d’Olomouc (1717-1754, en République tchèque. Colonne de 35m de haut inscrite au patrimoine mondial de l’unesco)
Parfois elle peut être en train de se faire couronner par la Trinité, comme sur celle de Korneuburg (1747)
Peut-être qu’un détail sur la photo montrant les Saints Sébastien et Roch de la colonne de Mödling ne vous a pas échappé… Ces colonnes ne remercient pas seulement Dieu d’avoir mis fin à une épidémie de peste. Elles peuvent aussi le remercier d’avoir aider à mettre fin à d’autres fléaux, comme une invasion turque… Si vous regardez la photo, on voit une sainte (Marie ?) écraser un croissant (symbole de l’islam). La colonne de Vienne comporte aussi de tels éléments, le deuxième siège de Vienne par les Turcs ayant eu lieu en 1683, alors que la colonne, dédiée à l’origine à la peste, n’était pas encore terminée.
En vrac d’autres exemples.
Baden (1714-1718)
Krems (1738), dont l’architecture diffère un peu
Stockerau (1713-1716)
ou encore Sopron (1701), en Hongrie