Il y a un an, jour pour jour, Karl-Theodor zu Guttenberg perdait son titre de docteur en droit. Accusé de plagiat, l’étoile montante du gouvernement allemand avait défrayé la chronique en reconnaissant de « graves erreurs » dans sa thèse de doctorat. Le baron de 39 ans était alors ministre de la Défense (CSU) et déjà pressenti comme un possible successeur d’Angela Merkel à la chancellerie. Mais dans un pays où l’on affiche son titre de docteur sur sa carte de visite, un tel opprobre l’avait contraint à se retirer des affaires politiques.
Au-delà de cette double peine assez exceptionnelle, « l’affaire Guttenberg » avait rappelé à l’Allemagne que le plagiat est un mal relativement courant dans le monde universitaire. Peu de temps après l’éclatement du scandale, un sondage avait ainsi révélé que 60 % des étudiants en lettres et en sciences sociales de l’université de Münster avaient déjà « copié » sur Internet. Dans une lettre adressée à la chancelière Angela Merkel, la communauté scientifique avait réclamé la tête de tous les imposteurs : « Une science honnête et innovante est l’un des fondements de la prospérité de notre pays. Si la protection des idées n’est plus une valeur importante de notre société, alors nous mettons en jeu notre avenir. »
Les 10 leçons de « l’affaire Guttenberg »
Dans un article daté de février 2011, le Zeit-online s’était fait l’écho des critiques en identifiant dix leçons à tirer de cette affaire. D’abord, le site d’information avait rappelé qu’en Allemagne, le titre de docteur est considéré comme la plus prestigieuse des références : « Chaque fraude impunie alimente l’idée que le mensonge est roi à l’université. » Pour sauver sa crédibilité, l’université de Bayreuth (Bavière), où Karl-Theodor Zu Guttenberg avait soutenu sa thèse en 2007, devait donc impérativement déchoir le docteur de son titre. Le Zeit avait aussi dénoncé l’indulgence envers les professeurs et maîtres de conférence, dont « les cas avérés de plagiats restent la plupart du temps sans conséquence ».
S’agissant des étudiants, le site d’information avait appelé le personnel universitaire à leur inculquer plus « d’honnêteté intellectuelle »… Ou à les dissuader de tricher en les menaçant d’utiliser un logiciel anti-plagiat pour corriger leurs devoirs. Finalement, le Zeit-online avait suggéré une refonte complète du système : « Les universités allemandes décernent le nombre record de 25 000 doctorats par an. Or beaucoup de doctorants ne rédigent pas leur thèse par curiosité scientifique mais juste par vanité ou parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire. Les universités doivent donc endiguer cette pléthore de titres et ne les décerner qu’aux thésards qui se destinent à la science. »
Un an après, de timides avancées
Au début du mois de février 2012, un an après « l’affaire Guttenberg », le sénat de l’université de Bayreuth est le premier à avoir adopté un nouveau règlement relatif au doctorat. Les thésards devront désormais fournir une attestation garantissant l’originalité de leur prestation et rendre un exemplaire électronique de leur thèse afin qu’elle soit analysée par un logiciel informatique. Le nouveau règlement prévoit aussi l’amélioration du suivi des doctorants. « Nous sommes convaincus que ces nouvelles règles seront un gage de qualité et préviendront les abus », affirme Markus Möstl, le doyen de la faculté de droit et d’économie de Bayreuth dont l’image a beaucoup souffert du scandale du plagiat.
Dans l’ensemble, toutes les universités allemandes disposent aujourd’hui d’un ombudsman chargé d’enquêter sur les soupçons de fraude. L’utilisation des logiciels anti-plagiat s’est également accrue, même si elle ne permet pas toujours de détecter la paraphrase ou la traduction d’une documentation étrangère. Pour autant, la presse allemande regrette que le système du doctorat n’ait pas connu de profonds bouleversements. « Il est clair que les universités ne veulent pas d’une réforme de fond », analyse ainsi le Süddeutsche Zeitung qui rappelle qu’il a fallu attendre la fin de l’année dernière pour que le Conseil scientifique allemand adopte une prise de position timide en faveur de la vérification informatique des travaux universitaires et d’un barème de notation se limitant aux mentions « recalé » ou « admis ».
En outre, le marché de l’emploi ne va pas dans le sens d’un doctorat réservé aux futurs chercheurs voulant faire avancer la science puisque le titre de docteur est toujours fortement « souhaité » pour obtenir un poste à responsabilité. Le social-démocrate Dieter Wiefelspütz parle ainsi d’un « titre de noblesse pour les roturiers ». L’année dernière, c’est Annette Schavan, la ministre fédérale de l’Éducation et de la recherche (CDU), qui avait exprimé sa crainte de voir « une qualification scientifique se transformer en symbole du statut social ».