lettres de poilus

Voici quelques lettres de poilus durant la grande guerre que j’ai trouvé sur internet dont certaines sont tirées du livre « Parole de Verdun », livre que je me suis offert sur une aire d’autoroute, que j’ai dévoré en 4 jours et que recommande à toutes celles et ceux qui s’intéressent à la vie des poilus durant cette tragique page de l’histoire. Se sont des lettres de français et d’allemands qui auraient souhaités plus que tout d’arrêter ces massacres dont ils ne voulaient pas. Certains allemands étaient ravis d’être fait prisonniers, afin que pour eux, la guerre soit finie.
Leur souffrances, leur rêves et leur espoirs y sont d’écrits minutieusement afin de nous plonger dans un univers éffroyable! Je ne m’était jamais immaginé à quel point cette guerre avait pu être terrible, je dirais même dégoutante. Un enfer!

Neuf jours après avoir écrit cette lettre, Alphonse X a été tué
par un obus.

Mercredi 5 mai 1915
Chérie,
Voilà le baptême du feu, c’est chose tout à fait agréable, tu peux le croire, mais je préférerais être bien loin d’ici plutôt que de vivre dans un vacarme pareil. C’est un véritable enfer. L’air est sillonné d’obus, on n’en a pas peur pourtant:
nous arrivons dans un petit village, où se fait le ravitaille­ment; là, on trouve dans des casemates enfoncées dans la terre les gros canons de 155 ; il faudrait que tu les entendes cracher, ceux-là; ils sont à cinq kilomètres des lignes, ils tirent à 115 sur l’artillerie boche.
On sort du village à l’abri d’une petite crête, là commencent les boyaux de communication; ce sont de grands fossés de 1 mètre de large et de deux mètres de profondeur; nous faisons trois kilomètres dans ces fossés, après on arrive aux
tranchées qui sont assez confortables. De temps en temps, on entend siffler quelques balles, les Boches nous envoient quelques bombes peu redoutables; nous sommes à deux cents mètres des Boches, ils ne sont pas trop méchants. Je me suis promené à huit cents mètres sur une route, à peine si j’en ai entendu deux siffler; nous avons affaire à des Bavarois qui doivent en avoir assez de la guerre, ça va
changer d’ici quelques jours.
Nous faisons des préparatifs formidables en vue des pro­chaines attaques. Que se passera-t-il alors, je n’en sais rien,
mais ce sera terrible car à tout ce que nous faisons nous prévoyons une chaude affaire. J’ai le cœur gros mais j’attends toujours confiant; nous prévoyons le coup prévu avant dimanche. Si tu n’avais pas de mes nouvelles après ce jour, c’est qu’il me sera arrivé quelque chose, d’ailleurs tu en seras avertie par un de mes camarades. Il ne faut pas se le dissimuler, nous sommes en danger et on peut prévoir la catastrophe; sois toujours confiante malgré cela parce que tous n’y restent pas.

Alphonse

Le 27 août 1916
Cher papa,
Dans la lettre que j’ai écrite à maman, je lui disais tout notre bonheur à nous retrouver « nous-mêmes» après s’être vus si peu de chose… à la merci d’un morceau de métal!.. Pense donc que se retrouver ainsi à la vie c’est presque de la folie: être des heures sans entendre un sifflement d’obus au-dessus de sa tête… Pouvoir s’étendre tout son long, sur de la paille même… Avoir de l’eau propre à boire après s’être vus, comme des fauves, une dizaine autour d’un trou d’obus à nous disputer un quart d’eau croupie, vaseuse et sale pouvoir manger quelque chose de chaud à sa suffi­sance, quelque chose où il n’y a pas de terre dedans, quand encore nous avions quelque chose à manger…
Pou­voir se débarbouiller, pouvoir se déchausser, pouvoir dire bonjour à ceux qui restent… Comprends-tu, tout ce bon­heur d’un coup, c’est trop. J’ai été une journée complète­ment abruti. Naturellement toute relève se fait de nuit, alors comprends aussi cette impression d’avoir quitté un ancien petit bois où il ne reste pas un arbre vivant, pas un arbre qui ait encore trois branches, et le matin suivant après deux ou trois heures de repos tout enfiévré voir soudain une rangée de marronniers tout verts, pleins de vie, pleins de sève, voir enfin quelque chose qui crée au lieu de voir quelque chose qui détruit!
Pense que de chaque côté des lignes, sur une largeur de un kilomètre, il ne reste pas un brin de verdure; mais une terre grise de poudre, sans cesse retournée par les obus: des blocs de pierre cassés, émiettés, des troncs déchiquetés, des débris de maçonnerie qui laissent supposer qu’il y a eu là une construction, qu’il y a eu des «hommes »… Je croyais avoir tout vu à Neuville. Eh bien non, c’était une illusion. Là-bas, c’était encore de la guerre: on entendait des coups de fusil, des mitrailleuses, mais ici rien que des obus, des obus, rien que cela; Fuis des tranchées que l’on se bouleverse mutuellement, des lambeaux de chair qui volent en l’air, du sang qui éclabousse… Tu vas croire que j’exagère, non. C’est encore en dessous de la vérité. On se demande comment il se peut que l’on laisse se produire de pareilles choses. Je ne devrais peut-être pas décrire ces
atrocités, mais il faut qu’on sache, on ignore la vérité trop brutale. Et dire qu’il y a vingt siècles que Jésus-Christ prêchait sur la bonté des hommes! Qu’il y a des gens qui implorent la bonté divine! Mais qu’ils se rendent compte de sa puissance et qu’ils la comparent à la puissance d’un 380 boche ou d’un 270 français 1… Pauvres que nous som­mes! P.P.N.
Nous tenons cependant, c’est admirable. Mais ce qui dépasse l’imagination, c’est que les Boches attaquent encore. Il faut avouer que jamais on aura vu une pareille obstination dans le sacrifice inutile: quand par hasard ils gagnent un bout de terrain ils savent ce que ça leur coûte et encore ne le conservent-ils pas souvent.
J’espère aller bientôt vous revoir et on boira encore un beau coup de pinard à la santé de ton poilu qui t’embrasse bien fort.
René PIGEARD

24 juin 1915
Dans la tranchée, le pis, ce sont les torpilles. Le déchirement produit par ces 50 kg de mélinite en éclatant est effroyable. Quand une d’elles tombe en pleine tranchée, et ces accidents-là arrivent, elle tue carrément 15 à 20 types. L’une des nôtres étant tombée chez les Boches, des pieds de Boches ont été rejetés jusque sur nos deuxièmes lignes.

Michel LANSON

1914
Les canons et les fusils ne marchaient plus, il régnait un silence de mort. Il n’y avait que les blessés qui appelaient: Brancar­diers! Brancardiers! A moi, au secours, d’autres suppliaient qu’on les achève. C’était affreux à voir. […] le bombardement commençait et il fallait rester là, à attendre les obus, sans pou­voir bouger jusqu’au soir 8 heures où on venait nous relever. Chaque soir il y avait 100 ou 200 blessés sans compter les morts. Un jour, on y passait la journée, l’autre la nuit, avec cela coucher à la belle étoile, nous n’avions rien pour nous couvrir, je me demande comment nous avons résisté. A l’ordinaire on ne tou­chait pas grand-chose, et la viande que tu touchais, on te la donnait à 2 heures du matin, c’était l’heure de partir, il fallait la balancer, on mangeait du pain sec; il y a longtemps que nous n’avions plus de provisions de réserve.

Pierre CHAUSSON

Le 26 juillet 1915
J’ai vu de beaux spectacles! D’abord les tranchées de Boches défoncées par notre artillerie malgré le ciment et les centaines de sacs de terre empilés les uns au-dessus des autres; ça c’est intéressant.
Mais ce qui l’est moins, ce sont les cadavres à moitié enterrés montrant, qui un pied, qui une tête; d’autres, enterrés, sont découverts en creusant les boyaux. Que c’est intéressant la guerre! On peut être fier de la civilisation!

Pierre RULLIER

Juillet 1915
L’attaque du 9 a coûté (c’est le chiffre donné par les officiers) quatre-vingt-cinq mille hommes et un milliard cinq cents mil­lions de francs en munitions. Et à ce prix, on a gagné quatre kilomètres pour retrouver devant soi d’autres tranchées et d’autres redoutes.
Si nous voulons prolonger la guerre, il faudra renoncer à ces offensives partielles et coûteuses, et reprendre l’immobilité de cet hiver. Je crois que dans l’état de fatigue où sont les deux infanteries, c’est celle qui attaquera la première qui sera la pre­mière par 'terre.
En effet, partout on se heurte aux machines. Ce n’est pas homme contre homme qu’on lutte, c’est homme contre machine. Un tir de barrage aux gaz asphyxiants et douze mitrailleuses, en voilà assez pour anéantir le régiment qui attaque. C’est comme cela qu’avec des effectifs réduits les Boches nous tiennent, somme toute, en échec. Car enfin nous n’obtenons pas le résultat désiré, qui est de percer. On enlève une, deux, trois tranchées, et on en trouve autant derrière.

Michel LANSON

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