La chanson que je vous propose ici, va sans doute vous rappeler un film sorti il ya quelques années et qui racontait la fraternisation entre combattants français, anglais et allemands durant le premier Noel de la première guerre mondiale.
Cette chanson du folksinger US John Mac Cutcheon date de 1989 et va dans le même sens que le film. Je la trouve très émouvante et je partage totalement la conclusion énoncée dans les quatre derniers vers.
J’aimerais la dédier à la mémoire de Louis de Cazenave, l’avant dernier poilu décédé, qui, en homme sage et libre, avait décidé de dire haut et fort ce qu’il pensait de symboles comme la patrie, l’héroisme, les médailles…etc
Ce libertaire, qui s’était joint en 1936 aux luttes du Front Populaire et avait été emprisonné sous Pétain en raison de ses idées, mérite notre respect.
Voici la chanson.Vous pouvez lire les paroles originales en cliquant dans l’encadré en haut à droite.Chez moi, ça s’appelle « Weitere Informationen », donc en français je suppose, « plus d’informations ou informations complémentaires. »
Pour les non-anglophones du forum, une petite traduction en français qui est, sans doute loin d’être parfaite, mais donne une idée du contenu.
"Je m’appelle Francis Tolliver, je suis de Liverpool
Il y a deux ans, la guerre m’attendait à la sortie de l’école
en Belgique, en Flandres, en Allemagne, ici.
Je me suis battu pour le roi et mon pays que j’aime tendrement.
C’était Noël dans les tranchées où le gel s’accrochait si cruellement.
Les champs gelés de France étaient silencieux, pas un chant de Noêl.
Nos familles là-bas, en Angleterre, célèbraient ce jour-là
leurs gars si courageux et si valeureux, si loin de chez eux.
J’étais couché à côté de mon copain, sur le sol froid et caillouteux
quand nous parvint, de l’autre côté de la ligne de feu un son tout à fait particulier
j’ai dit :« écoutez, les gars », et chaque soldat tendit l’oreille.
Une jeune voix allemande, au timbre si clair se mit à chanter.
« Il chante fichtrement bien, dis-donc, » me dit mon voisin.
Peu à peu, une à une, des voix allemandes se joignirent au choeur.
Les canons s’étaient tus, et les nuages de gaz s’étaient éloignés
quand Noël nous apporta quelque répit au milieu de la guerre.
Dès qu’ils eurent terminé et après une pause de recueillement,
quelques gars du Kent entonnèrent: « God rest Ye , merry gentlemen. »
Puis les autres chantèrent « Stille Nacht ». C’est « silent night » ai-je alors dit.
Et chanté en deux langues, le même chant remplit les cieux
"Il y a quelqu’un qui vient vers nous, cria la sentinelle de faction.
Tous les regards se tournèrent vers une longue silhouette qui surgissait de leur côté.
Son drapeau blanc, tel une étoile de Noël, brillait sur la plaine
alors qu’il marchait courageusement, sans arme,enveloppé par la nuit.
Bientôt, un à un, des deux côtés, on se dirigea vers le no man’s land
sans arme ni baïonnette, on se serra la main,
on partagea de la gnole qu’on avait planquée, on se congratula
et , sous la lumière blafarde, dans un match de foot, on leur donna du fil à retordre.
On échangea du chocolat, des cigarettes et des photos de chez nous
avec ces fils et ces pères de famille si loin de chez eux.
Le jeune Sanders joua de l’accordéon, eux, ils avaient un violon,
une bien curieuse et invraisemblable bande de gars!
Bientôt la lueur du jour descendit sur nous et, une fois de plus, la France redevint la France.
Après de tristes adieux, chacun de nous se reprépara à reprendre les hostilités,
mais la question qui hanta tous ceux qui avaient pris part à cette nuit si incroyable fut:
le parent duquel d’entre eux, ai-je eu dans ma ligne de mire?
C’était Noêl dans les tranchées où le gel s’accrochait si cruellement,
mais les champs de France avaient été réchauffés par tous ces choeurs
car les murs
qu’on avait dressé entre nous pour nous faire exécuter cette oeuvre de guerre, s’étaient craquelés à tout jamais.
Je m’appelle Francis Tolliver, j’ habite à Liverpool
et s’il est une leçon que j’ai bien retenue
c’est que ceux qui nous commandent de tirer ne feront pas partie des morts ni des éclopés
et qu’à chaque bout du fusil, nous sommes tous les mêmes.
D’après des témoignages de l’époque, il semblerait que ce sont les soldats allemands qui avaient pris l’initiative de la fraternisation.
En fonction de l’intelligence ou de la bêtise de la hierarchie militaire, certaines de ces manifestations furent écrasées dans l’oeuf, ailleurs, la trêve dura jusqu’au début du mois de janvier 1914.