Prix Goncourt 2006: Le traumatisme nazi toujours d'actualité

Le Prix Goncourt 2006 et le Prix de l’Académie Française 2006 ont été attribués au livre Les Bienveillantes de Jonathan Littell. Comme vous pouvez le voir ci-après, le sujet abordé nous plonge dans la conscience d’un ancien soldat SS.

Dès lors, comment les lecteurs apprécieront-ils l’Allemagne après avoir lu cet ouvrage ? Avec empathie, dégoût ou compréhension ? Il est possible que le sentiment provoqué par cette lecture soit complexe et ambivalent. J’attends donc l’avis des premiers lecteurs avec impatience.

L’avis de la Fnac:
Fils du romancier américain Robert Littell, Jonathan Littell, né en 1967, signe à coup sûr le plus traumatisant des romans de la rentrée littéraire 2006. « Les Bienveillantes » (chez Eschyle, des divinités du Mal) est un roman à proprement parler hallucinant, rédigé en français, qui prend à bras le corps un sujet terrifiant : la vie, l’œuvre et la conscience d’un SS ayant pleinement participé à la mise en œuvre du génocide perpétré sur les juifs. Pourquoi ? Chez Maximilien Aue, en suivant l’argument classique des nazis, par simple obéissance. Mais aussi par conviction. Celui qui dit « je » et qui nous parle à travers ses Mémoires est donc un bourreau, comme il en exista bien d’autres. Mais beaucoup plus que ça, Aue se distingue par sa grande complexité : il est un homme de goût, il est un homme torturé par un désir incestueux pour sa sœur, il est un homme d’action, engagés auprès des Einsatzgruppen SS, groupes de soldats chargés de liquider juifs et communistes sur le front de l’Est, il est un homme de réflexion…
Terrifiant par son aptitude à faire affleurer le venin de la réalité, « Les Bienveillantes » est une œuvre de tout premier plan. Un livre de damné.
fnac.com/Shelf/article.asp?PRID=1849213

Extrait du livre :
Je parle, je discute, je prends des décisions, comme tout le monde ; mais au comptoir, devant ma fine, je m’imagine qu’un homme entre avec un fusil de chasse et ouvre le feu ; au cinéma ou au théâtre, je me figure une grenade dégoupillée roulant sous les rangées de sièges; sur la place publique, un jour de fête, je vois la déflagration d’un véhicule bourré d’explosifs, la liesse de l’après-midi transformée en carnage, le sang ruisselant entre les pavés, les paquets de chair collés aux murs ou projetés à travers les croisées pour atterrir dans la soupe dominicale, j’entends les cris, les gémissements des gens aux membres arrachés comme les pattes d’un insecte par un petit garçon curieux, l’hébétude des survivants, un silence étrange comme plaqué sur les tympans, le début de la longue peur. Calme ? Oui, je reste calme, quoi qu’il advienne, je ne donne rien à voir, je demeure tranquille, impassible, comme les façades muettes des villes sinistrées, comme les petits vieux sur les bancs des parcs avec leurs cannes et leurs médailles, comme les visages à fleur d’eau des noyés qu’on ne retrouve jamais. Rompre ce calme effroyable, j’en serais bien incapable, même si je le voulais. Je ne suis pas de ceux qui font un scandale pour un oui ou pour un non, je sais me tenir. Pourtant cela me pèse à moi aussi. Le pire n’est pas forcément ces images que je viens de décrire; des fantaisies comme celles-ci m’habitent depuis longtemps, depuis mon enfance sans doute, en tout cas depuis bien avant que je ne me sois moi aussi retrouvé au coeur de l’équarrissoir. La guerre, en ce sens, n’a été qu’une confirmation, et je me suis habitué à ces petits scénarios, je les prends comme un commentaire pertinent sur la vanité des choses. Non, ce qui s’est révélé pénible, pesant, c’a été de ne s’occuper qu’à penser. Songez-y : vous-même, à quoi pensez-vous, au cours d’une journée ? À très peu de choses, en fait. Établir une classification raisonnée de vos pensées courantes serait chose aisée : pensées pratiques ou mécaniques, planifications des gestes et du temps (exemple : mettre l’eau du café à bouillir avant de se brosser les dents, mais les tartines à griller après, parce qu’elles sont prêtes plus vite) ; préoccupations de travail ; soucis financiers ; problèmes domestiques ; rêveries sexuelles. Je vous épargnerai les détails. Au dîner, vous contemplez le visage vieillissant de votre femme, tellement moins excitante que votre maîtresse, mais autrement bien sous tous rapports, que faire, c’est la vie, donc vous parlez de la dernière crise ministérielle. En fait vous vous contre-foutez de la dernière crise ministérielle, mais de quoi d’autre parler ? Éliminez ce type de pensées, et vous conviendrez avec moi qu’il ne reste plus grand-chose. Il y a bien entendu des moments autres. Inattendu entre deux réclames pour poudre à lessiver, un tango d’avant-guerre, Violetta disons, et voilà que resurgissent le clapotis nocturne du fleuve, les lampions de la buvette, la légère odeur de sueur sur la peau d’une femme joyeuse ; à l’entrée d’un parc, le visage souriant d’un enfant vous ramène celui de votre fils, juste avant qu’il ne se mette à marcher ; dans la rue, un rayon de soleil perce les nuages et illumine les grandes feuilles, le tronc blanchâtre d’un platane : et vous songez brusquement à votre enfance, à la cour de récréation de l’école où vous jouiez à la guerre en hurlant de terreur et de bonheur. Vous venez d’avoir une pensée humaine. Mais c’est bien rare.

Autres critiques:
fr.wikipedia.org/wiki/Les_Bienveillantes
telerama.fr/livres/M0608181443450.html
evene.fr/livres/livre/jonath … -21520.php

Merci pour les liens, ils sont très fouillés !
Eh bien, ça donne envie de le lire, mais alors, 900 pages ! :open_mouth:

Et bien je pense qu’on a pas fini d’en parler!! Quelqu’un a-t-il déjà eu le temps de le lire?

pas eu le temps de le lire… je viens juste de le commander au Papa Noël !!! :noel: :party: :laughing:

mais toutes les critiques que je trouve sur ce livre depuis 4 à 6 mois sont formidables, autant des critiques journalistiques, que télévisées !!! :wink: au point que… je ne pensais vraiment pas qu’il choperait le Prix Goncourt !!! Généralement c’est des bouquins qui ne marchent pas très bien, qui récolte ce prix…

les 900 pages ne me font pas peur… c’est plutôt le sujet… peur d’être « démoralisée » après 900 pages de lecture sur l’horreur nazie… mais bon… je choisirai le bon moment pour le lire !

Alors ??? y’a-t-il quelqu’un qui l’a déjà lu ?

Moi aussi j’ai essayer de suivre les critiques depuis cet été. J’attendais de voir un peu, mais vu les deux prix importants qu’il a reçu ces derniers temps je pense l’acheter. Par contre j’aurais pas le temps de le lire d’ici un moment. Ca peut être une idée de cadeau… pour quelqu’un passionné par la période!

Je le reçois à Noël et j’ai bien hâte de le lire. Il a l’air passionant comme bouquin, et ce que j’ai lu à son propos pour l’instant ne me rend que plus impatient de pouvoir le commencer. Les livres de 900 pages ne me font pas peur.
J’espère juste que les gens qui l’ont lu et qui n’aiment déjà pas l’Allemagne ne vont pas être encore plus énervé contre les Allemands.

Il y a une chose qui me chagrine… je n’arrive pas à trouver de lien qui indiquerait les erreurs historiques ou les invraissemblances dans ce livre. Or, j’en ai entendu parlé lors de l’annonce du prix. Donc, soit c’était une réflexion calomnieuse et le livre est tout à fait vraissemblable, soit personne ne se préoccupe de la vérité historique.

Vous en savez plus sur cette question très polémique mais pas inutile ?

EDIT: Je découvre qu’il y a un paragraphe sur la question dans l’article de wiki.

Par contre, le commentaire du type qui a rédigé l’article de wiki sur l’homosexualité serait à hurler de rire s’il n’était pas sérieux en déblattérant de telles inepties sur le sujet. Ce ton médicalisant de psychanalyse de salon des années 20, c’est révoltant.

J’avoue que c’est aussi une question que je me suis posé cet été en apprenant la sortie du livre. Mais plus que la vraissemblance des faits historiques, c’est surtout le personnage de l’officer, sa représentation qui me pose problème. Même étant très bien documenté, comment l’auteur a-t-il pu se mettre à la place de cet officier SS, comment a-t-il pu imaginer ce qui s’est passé dans sa tête?
Finalement je pense qu’il faut bel et bien considérer ce livre en tant qu’oeuvre littéraire plutôt qu’en tant que témoignage relatant des faits réels.

Si j’ai bien compris, le Max, il est Obersturmführer et sa mère est française. Rien que ça, c’est une très bonne raison de laisser le bouquin sur l’étagère de la librairie…
L’auteur a d’ailleurs l’air conscient de l’invraissemblance, puisque dans le résumé de wiki, il est précisisé que la mère française est d’origine germanique… on se rattrape comme on peut. :unamused:

De plus, si j’ai bien compris, le Max se fait ficher pour homosexualité. Rien que ça, ça lui fermait les porte de toute fonction chez les SS et dans l’armée. Ce roman est de la science fiction. :imp:

Il n’y avait pas un proche de Hitler qui était homosexuel?

Je vous trouve quand même très dûrs avec ce livre! L’auteur n’a jamais eu l’intention d’écrire un livre d’histoire, c’est avant-tout un roman qui raconte de l’intérieur l’horreur nazie, avec un personnage très complexe, à la fois humain, et SS… D’ailleurs la première phrase du livre est (environ) « Frères humains, je vais vous raconter ce qui s’est réellement passé ». Je trouve l’idée du livre très bonne, et tant pis s’il y a quelques invraisemblances ou quelques imprecisions, ce n’est pas cela qu’il faut retenir d’un livre pareil. Ce qui veulent avoir un cours d’histoire il y a des bouquins faits spécialement pour ça, ce livre ne sert que de leçon humaine, et de montrer ce dont est capable l’humanité. Je reprécise que je ne l’ai pas encore lu, mais tout de même, je vais bientôt le commencer, et les quelques fautes de l’auteur, je m’en contrefiche, ce n’est pas ça que je cherche en lisant ce livre, et je pense que c’est le cas de toutes les autres personnes qui ont lu et apprécié ce livre. A bon entendeur… :wink:

Röhm. Et ça lui a coûté la vie.

Relis-toi: Pas un livre d’histoire mais décrire l’horreur de l’intérieur. On appelle cela une contradiction, car décrire une guerre qui a vraiment eu lieu, c’est de l’histoire. Si Littell veut faire de la fiction, il n’a qu’à inventer une guerre imaginaire. Tant qu’il prend une vraie guerre comme toile de fond et sujet de son roman, il est condamné à se documenter correctement et respecter l’histoire. Sinon, c’est de la falsification historique. Ce que tu appelles les quelques fautes de l’auteur deviennent l’histoire de par le fait qu’elle sont mélangées à de l’histoire (car tout n’est pas erroné dans ce livre non plus), ce qui change l’histoire. Une telle manipulation, aussi innocentes soient les intentions de l’auteur à l’origine, devient du révisionisme. Rien de moins.

je suis d accord avec ElieDeLeuze ,modifier l histoire meme sous couvert d`ùn roman ne sert a rien ,cela fausse le lecteur non documente sur cette terrible guerre :cry:

pour etre complexe oui c est complexe car perso penser humanite et ss chez moi cela sonne faux ,jamais capte comment les ss pouvaient adorer la musique classique , l art en general etc et 5 minutes apres se comporter de la sorte ya un malaise quelque part :smiling_imp:

AH non, justement, le seul intèrêt du bouquin serait justement de remettre un chose en place : les SS ne sont pas des extraterrestres, mais des humains justement très humains, y compris dans la cruauté, qui est elle aussi très humaine.

C’est aussi pourquoi je reproche à l’auteur d’avoir fait un personnage principal très particulier, alors que l’intéressant serait justement de prendre un type comme tout le monde qui se trouve être un SS et fouiller ce rapport entre la nature humaine universelle et le cas particulier de l’horreur des SS. Mais Littell a biaisé l’histoire avec un personnage qui cumule les particularités qui l’éloignent des vrais SS pères de famille tranquiles et bourreaux.

bien sur que l etre humain peut se comporter de facon barbare ,juste j arrive pas a admettre cela justement ce cote humain et barbare,ma conception humaine est base sur l amour et non la destruction ,excuse moi ElieDeLeuze j arrive pas a exprimer ce que je voudrais dire :cry: