Cela paraît bizarre au premier abord, et pourtant…
J’ai connu en RDA des gens qui me disaient (fallaient-ils qu’ils aient confiance!) avoir profité d’un voyage chez leur famille au pays de Bade pour faire une petite excursion à Strasbourg.
Voilà comment les choses se passaient:
Il faut savoir d’abord que le gouvernement de l’Allemagne fédérale était censé représenter TOUTE l’Allemagne, RDA comprise, et que de facto, à défaut de de jure, tout ressortissant de la RDA était automatiquement considéré comme Bundesbürger, citoyen allemand. Les autorités agissaient en conséquence.
Il suffisait pour un Allemagne de l’Est de remettre son passeport de RDA au poste de police du lieu où résidait la famille chez qui il était en visite pour se voir remettre une carte d’identité de ressortissant allemand, et avec ce document, il pouvait passer le pont de Kehl sans encombre pour aller visiter Strasbourg.
Avant de repartir pour la RDA, ni vu ni connu je t’embrouille, il reprenait son passeport bleu avec le compas et le marteau. Les autorités de RDA n’y voyaient que du feu!
Le plus drôle, c’est qu’en dépit de ce déni de reconnaissance de la RDA comme un Etat souverain, les autorités frontalières de la RFA veillaient scrupuleusement à ce que les voyageurs aient un document ou les formulaires valides pour entrer en RDA, et donc reconnaissaient implicitement l’existence d’un Etat souverain*! Mais sur les cartes routières, la frontière interallemande était dessinée comme une frontière entre deux laender, mais dont le franchissement « nécessitait des permis spéciaux »!
Je pense que cette vérification a été de règle après une série d’incidents dramatiques à la frontière, provoqué par un défaut de papiers constaté au contrôle d’entrée en RDA. Il fallait dans ce cas repartir à bord du véhicule pour rejoindre le poste frontière occidental. Un routier italien par contre était reparti à pied reprendre les documents manquants, comme il avait sans doute l’habitude aux frontières occidentales. Il s’était fait tirer comme un lapin, sans doute par manque de coordination entre les contrôleurs et la sentinelle sur son mirador qui, non prévenue, avait vu quelqu’un courir en direction de la frontière, et qui était donc considéré comme un fugitif à abattre. De plus, l’homme avait déjà atteint le territoire bavarois quand il a été mortellement touché.
Je viens de lire un recueil de Michael Kleeberg, der Kommunist von Montmartre, et dans l’une des nouvelles, il est question justement d’un allemand de l’est qui profite d’une autorisation de séjour à Stuttgart pour se faire faire un passeport de RFA et se rendre à Paris.
Intriguée par cette histoire, j’ai fait quelques modestes recherches et ai découvert la chose suivante:
La RFA ne reconnaissait pas la citoyenneté est-allemande par conséquent tout citoyen de RDA était cincidéré comme Allemand tout simplement et avait droit sans condition à un passeport de RFA sans que les autorités de RDA soient mises au courant. Les ressortissants de RDA qui bénéficiaient d’une autorisation de sortie pouvaient si ils avaient demps faire la demande de ce passeport qui les autorisait à voyager partout en Europe ou ailleurs.
Dans la réalité, les personnes qui le demandaient étaient principalement les retraités qui de toute façon pouvaient sortir du pays sans restriction. Les autres citoyens étaient plus prudents car si les autorités de RDA connaissaient l’existence de ce passeport ouest-allemand, les personnes devaient s’attendre à des représailles et en premier lieu à ne plus jamais pouvoir sortir de RDA.
Exactement. Et surtout que les autorités est-allemandes soufflaient le chaud et le froid, pour éviter que l’on puisse invoquer un précédent. Le fait que si dans une famille dont l’un des membres faisait partie des « organes » (armée, police), une personne pouvait se voir délivrer une autorisation de sortie pour une raison exceptionnelle (avant l’âge de la retraite), cela ne voulait pas dire pour autant que la soeur ou le frère pouvaient eux aussi partir. Il en était de même pour les cas où l’on « fermait les yeux », par exemple quand je repartais en France, avec un visa pour la France, je passais par exemple la journée à Berlin-Ouest, et l’heure du passage à la gare de Friedrichstrasse était mentionnée sur le timbre de sortie. Lors du contrôle de transit dans le train de nuit Berlin-Bâle entre Griebnitzsee (Potsdam) et Gerstungen, personne ne m’a jamais fait de remarque qu’il y avait des heures que j’avais franchi la frontière (il aurait fallu un visa spécial pour Berlin-Ouest, qui n’était pas reconnu par la RDA comme faisant partie de la RFA). Mais il était naturellement hors de question qu’un ressortissant de la RDA puisse s’amuser à ce petit jeu! Passer à Friedrichstrasse impliquait prendre immédiatement le train pour la destination indiquée sur le visa, sans détour dans cette île de la tentation qu’était Berlin-Ouest!
Tu oublies de préciser que généralement une seule personne à la fois avait le droit de partir à l’ouest pour rendre visite à sa famille et qu’on n’autorisait à partir que les gens qui avaient des attaches suffisamment fortes à l’est pour être sûre qu’elles reviennent au bercail, non sans avoir été préalablement fouillé pour être sûr qu’ils n’emportent pas à l’est des choses aussi compromettantes qu’un t-shirt avec un logo américain ou autre objet aussi inoffensif à nos yeux.
Si tu demandes au citoyen lambda, il est persuadé qu’un ressortissant de l’Allemagne de l’Est n’avait JAMAIS le droit de sortir de son pays sauf en creusant un trou sous le mur. Non, on s’arrangeait juste que la pression pour qu’il revienne soit suffisamment forte.
Ce qui d’ailleurs constitue un incident de frontière particulièrement grave car non seulement l’Italien était un citoyen d’un pays de l’Ouest mais en plus le tire provenait de RDA alors qu’il se trouvait déjà à l’Ouest.
il me semble que c’était l’inverse Lalilou… une famille quasi entière pouvait passer à l’ouest pour des vacances, SAUF UN membre de la famille qui devait rester à l’EST… c’est du moins comme cela que j’ai rencontré un polonais et sa famille… Sauf sa petite fille… restée à l’EST… dans les années 82 ou 83…
mais pour en revenir au sujet initial (bien qu’il date un peu) a-t-on connaissance d’allemands de l’EST qui ont profité du passeport RFA pour ne jamais revenir en RDA (un peu comme le père du héros dans Good Bye Lenin ? )
je ne connais que des cas où c’était UNE personne.
mais je te crois sur parole si tu dis que cela pouvait être toute la famille SAUF une.
je pense que le truc c’était d’avoir un moyen de pression suffisant.
les personnes que j’ai rencontré qui m’ont parlé de cela m’ont dit qu’il fallait avoir un parent à l’ouest pour en profiter.
tu confirmes ?
ça oui je confirme ! il fallait que les personnes de l’EST aillent obligatoirement dans de la famille à l’Ouest… Mais le lien de parenté pouvait ne pas être direct, ainsi les polonais dont je te parle plus hauts, étaient hébergés chez des cousins dans ma région, mais ce n’était que des cousins de 3ème génération (pas des cousins germains c’est ce que je veux dire)
à oui, au 3e dégré tout de même !!
les cas que je connais, c’était la grand-mère à l’est ou des cousins germains tout de même.
la première fois j’avais été très surprise, car pour moi comme pour beaucoup, la frontière était vraiment étanche.
beaucoup de gens de l’est n’étaient jamais « sortis » avant 1989 ou alors pour le boulot.
je parle là de l’Allemagne de l’Est, de la Tchécoslavaquie ou de la Bulgarie.
En Yougoslavie c’était plus facile de voyager. Encore que … cela dépend à qui je demande !!
ben… sortir pour les vacances… encore fallait-il le pouvoir financièrement (et avoir de la famille à l’Ouest)…
et puis… Partir en vacances à l’Ouest en laissant un enfant, ou le conjoint sur place… euh… Drôles de vacances de toute façon…
et puis… vu toutes les formalités qu’il fallait remplir… Je crois que ça en a découragé plus d’un !!!