France-Allemagne : débat croisé sur l’avenir du bac
21.03.2012
En Allemagne, la France est souvent enviée pour sa natalité vigoureuse. Mais, c’est moins connu, elle est aussi citée comme référence dans le débat sur la réforme de l’Abitur, le baccalauréat allemand. Ce n’est pas le moindre des paradoxes : à l’heure où l’on parle en France de renforcer la part du contrôle continu dans les épreuves du bac, on s’oriente, en Allemagne, vers une uniformisation accrue.
Le 9 mars dernier, la Conférence permanente des ministres de l’Éducation des Länder (KMK) a ainsi décidé de créer une banque centralisée d’exercices susceptibles d’être proposés au bac. Les Länder, compétents en matière d’éducation, pourront y piocher les sujets de l’examen. L’objectif est simple : faire en sorte que tous les lycéens d’Allemagne passent des épreuves de niveau comparable.
Vers une plus grande uniformisation en Allemagne
Car, à l’heure actuelle, l’Allemagne affiche de grandes disparités. D’une part, le contrôle continu détermine environ les deux tiers de la note obtenue au bac. De l’autre, le niveau des épreuves varie beaucoup d’un Land à l’autre. L’Abitur, ce sont, en effet, 16 programmes et 16 « bacs » différents, un par Land. Or, les exigences sont réputées nettement plus élevées dans certains Länder que dans d’autres. Ainsi, depuis dix ans, les régions du sud du pays (Bavière, Bade-Wurtemberg) caracolent en tête de tous les classements nationaux.
Pour les élèves, cette situation recèle de multiples inconvénients, à commencer par un sentiment d’inégalité dans l’accès aux études supérieures. Ce dernier est, en effet, soumis à un numerus clausus. Il dépend de la moyenne obtenue au bac. Et les choses se jouent parfois souvent au dixième de point près…
Mais le débat dépasse la question du bac. Pour les parents et les élèves, les écarts de niveaux entre les Länder compliquent aussi considérablement les changements d’établissement scolaire en cas de déménagement. Sans compter les études comparatives qui, depuis 2001, ne cessent de montrer que l’Allemagne est l’un des pays où la réussite scolaire est le plus conditionnée par l’origine sociale et géographique. Il fallait donc agir. Depuis quelques années, les ministres de l’éducation fédéraux et régionaux ont mis en place des critères de niveaux uniformes et obligatoires aux grandes étapes de la scolarité.
Les Allemands plébiscitent le bac centralisé
Le débat devait donc un jour où l’autre aborder l’Abitur. Les regards se sont naturellement portés au-delà du Rhin : depuis Napoléon, la France est, en effet, l’un des seuls pays à avoir adopté un baccalauréat centralisé, uniforme, devenu même avec les années un véritable rite de passage. En outre, les Allemands plébiscitent l’uniformisation : selon un sondage Emnid d’avril 2011 pour le magazine Focus, 79 % se prononcent en faveur d’un bac national avec épreuves centralisées et directives de correction. Le bac français est-il donc le modèle à suivre ? Depuis quelques années, experts et responsables politiques allemands se posent la question.
Mais réformer 16 bacs en même temps est tout sauf aisé. Les Länder du sud ont craint un examen au rabais, tandis que d’autres espéraient simplement augmenter le niveau général en instaurant des exigences minimales pour tous les bacheliers. En outre, le modèle français a montré qu’il n’avait pas que des avantages. Et surtout, sa transposition est vite apparue irréaliste. Non seulement il serait extrêmement laborieux de créer un examen d’une telle ampleur. Mais cela imposerait aussi d’harmoniser les dates de vacances des différents Länder. Ce qui serait difficile à faire accepter par les professionnels du tourisme.
« Progrès historique »
Las de ces difficultés, certains Länder (Bavière, Basse-Saxe, Schleswig-Holstein, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Saxe, Hambourg) ont décidé de prendre les devants. Ils entendent uniformiser leurs épreuves. Leur initiative a reçu le soutien de la ministre fédérale de l’Éducation, Annette Schavan.
Finalement, un accord a aussi pu être obtenu entre les 16 Länder au sein de la KMK au début du mois de mars. Certes, il ne crée en rien un baccalauréat centralisé. Mais il va améliorer la « comparabilité » des programmes et des épreuves via une banque de sujets commune. Les premiers effets devraient être ressentis dans les prochains mois : dès l’automne 2012, des critères de niveaux vont être adoptés pour les 16 Länder dans quatre des matières principales : l’allemand, les mathématiques, l’anglais et le français. En 2013 suivront la biologie, la physique et la chimie. La banque de sujets d’examen devrait, elle, voir le jour à l’horizon 2016/1017. Pour le président de la KMK, Ties Rabe, c’est « un grand progrès ». Un premier pas « sur une voie qu’il faut qualifier d’historique ».