Voila un auteur que j’ai découvert la semaine dernière, un livre qu’une collègue m’a glissé dans les mains. Ecrivain né à Košice (aujourd’hui en Slovaquie), dont le nom allemand est Kaschau et Kassa en hongrois, il est, comme son nom l’indique, Hongrois de langue allemande et hongroise dans un contexte slovaque. Bref, la routine de l’Autriche-Hongrie impériale du début du XXe siècle. Il écrit d’abord en allemand, puis publie aussi en hongrois.
Schule der Armut.
Dans ce livre de format moyen, classique, bien chapitré, Márai nous sert un petit bijou d’ironie sous forme d’essai absolument pas ennuyeux. Un humour délicieux fait de délicieux sarcasme drolatique nous mène dans le monde de la dérision pour dénoncer la pauvreté et l’arrogance coupable de l’élite économique et sociale de son temps. Le pauvre est très désavantagé dans le jeu de séduction, car dépourvu d’argent, le cadeau, sacrifice à la gente féminine qui ouvre les portes du désir des femmes, lui est impossible. C’est pourquoi Sándor Márai conseille au pauvre de sacrifier du temps, son seul capital, pour séduire les femmes en offrant ce qu’il a de plus précieux. Le pauvre ne peut-il pas voyager ? La maladie est son voyage : comme le touriste, le malade pauvre est libéré de ses obligations sociales, il est choyé par les siens, et avec un peu de chance, la fièvre lui fera voir dans ses délires des contrées plus délicieuses encore que la plus exotique destination.
La langue est difficile. Vraiment. Je ne le ferais pas lire à des élèves germanophones avant la classe de seconde. Mais c’est un excellent livre pour découvrir la langue châtiées du début du XXe siècle, la richesse du vocabulaire des lettrés germanophones de ces contrés de l’est qui ont aujourd’hui disparus, victimes de l’histoire. Si vous êtes en fac d’allemand, offrez-vous ce plaisir d’enrichir votre langue grâce à un tel livre, un peu comme Schnitzler ou Kafka, qui révèlent le génie de la langue allemande pour le plaisir du style autant que pour la satisfaction intellectuelle de la subtilité du propos.
Quand’j’irai faire un tour à Freiburg ( ou à Lahr), j’essaierai de me le procurer. J’ ai toujours été attiré par ce que j’appellerais les « écrivains périphériques ».
Merci pour les indications.
C’est pratiquement un essai de jeunesse: L’école des pauvres (A szegények iskolája), et je doute qu’il soit disponible en traduction française. Par contre, une oeuvre majeure que je recommande en traduction française, c’est « La conversation de Bolzano » (sans vouloir faire d’esprit de clocher! ), publiée en 1940. Elle met en scène Casanova, évadé des Plombs de Venise.