Une certaine forme de travail des enfants a existé en Allemagne (du sud) jusque tard dans le XXème siècle. C’est ce que montre l’histoire d’enfants pauvres la plupart du temps autrichiens contraints de travailler dans des fermes de Haute Souabe.On les appelle, pour cette raison, « Schwabenkinder » Les exploitations agricoles de montagne étaient, à la mort du chef de famille, partagées entre tous les enfants, ce qui provoquait une parcellisation des terres,qui ne pouvaient donc plus nourrir tout le monde, tandis qu’en Haute Souabe, c’était l’ainé de la famille qui héritait et les fermes étaient donc beaucoup plus grosses
C’est cette misère qui forçait ces enfants de paysans originaires du Vorarlberg, du Tirol, du Tirol sud et de Suisse, âgés le plus souvent de 5 à 14 ans à quitter la ferme familiale dans laquelle il était impossible de subvenir à leurs besoins et de franchir dans des conditions très difficiles des cols alpins souvent encore enneigés au mois de mars ,pour aller dans de grandes fermes du sud de l’Allemagne travailler comme servantes et valets ou bien garder les vaches.Ils étaient accompagnés dans leur long périple par un adulte, souvent un prêtre qui veillait à ce que les enfants puissent dormir au chaud dans la paille des granges et qui était également chargé de négocier les conditions des contrats d’emploi des enfants.Avec la création du chemin de fer de l’Arlberg (Arlbergbahn) en 1884, la traversée des Alpes sera ainsi moins pénible pour ces enfants.
De véritables « marchés d’enfants » verront ainsi le jour. Un des derniers dont on a témoignage (photographique) se déroulera à Ravensburg en 1913, juste avant la première guerre mondiale.
Ce phénomène est attesté dès le XVI sièle et s’est poursuivi assez tard dans le XXème siècle. Les derniers témoins survivants de ces phénomènes migratoires ont aujourd’hui plus de 80 ans.On appelle cette aventure:« Schwabengehen =aller en Souabe ». Parfois, cela pouvait se passer très bien, et il arrivait que les enfants fassent leur vie dans la région où ils étaient arrivés, parfois aussi ils étaient rationnés en nourriture et traités plus ou moins comme des esclaves.
En 2003, le cinéaste bavarois Jo Baier a réalisé un téléfilm remarquable, plusieurs fois récompensé qui s’appelle « Schwabenkinder ».
Source:
Un extrait du film de Jo Baier:
Reportage en trois épisodes dans lequel des anciens Schwabenkinder racontent:
Je traite le sujet avec une de mes classes, pas tous les ans mais presque, selon mon humeur.
On lit Der Hungerweg de Othmar Franz Lang, c’est un classique du genre est c’est très bien documenté. Le tout est mis en scène avec grand talent, ce qui n’est toujours le cas dans la littérature jeunesse. Pas du tout moralisateur non plus. Le film Schwabenkinder est très très triste, tous les petits bonheurs et les moments hors du temps si bien décrits dans le livre sont absents de la version filmée, ils ont noirci le tableau, même si le film ne se veut pas uniquement une version filmée de ce livre-ci. A Ravensburg, il y a un monument maintenant… disons que tout le monde n’était pas ravi de voir cette histoire ressurgir.
Il existe en Suisse une version « interne », les Verdingkinder. Le verbe verdingen existe aussi. Bref, les gens des montages surtout mais aussi les travailleurs pauvres de l’aire industrielle envoyaient leurs enfants dans une ferme. Officiellement, surtout au décès d’un parent ou lors d’un divorce, mais il y a des cas beaucoup plus louches aussi. Ils avaient des tâches assez adaptées à leur âge quand même, mais ils ne demandaient vraiment et clairement pas l’avis des enfants concernés. Il était rarissime que les enfants ne soient pas envoyés à l’école, mais certains paysans ne se gênaient pas pour écourter l’année scolaire à l’arrivée de l’été. Les derniers Verdingkinder doivent avoir entre 50 et 60 ans maintenant.
Pour ce qui concerne les « Schwabenkinder » d’origine suisse, j’ai lu qu’ils étaient principalement originaires du canton des Grisons. @elie :tu écris que les derniers a avoir vécu la « Schwabengängerei » en CH ont aujourd’hui dans les 50 à 60 ans. Ce phénomène aurait-il duré plus longtemps chez les Suisses ?
Tu as raison de me reprendre, j’ai mêlé les deux phénomènes. Les Grisons ont envoyé des enfants en Allemagne jusqu’aux années 30, pas après la guerre. Les derniers Verdingkinder intra-suisses doivent avoir entre 50 et 60 ans.
J’ai vu par hasard ce téléfilm et découvert l’existence de ces enfants.Il était assez poignant, le dur passage des Alpes, le plus ou moins bon traitement dans les fermes…
Le livre de Othmar Franz Lang est disponible en français?