Solingen, prise en étau entre salafistes et néonazis

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Les deux extrêmes se disputent le haut du pavé dans cette ville allemande qui cultive pourtant une tradition de tolérance.

Les cinq jeunes hommes bondissent de leur chaise en plastique à la moindre intrusion étrangère. Cheveux longs coiffés en arrière, barbes naissantes et vêtements bouffants, ils soignent leur allure «pachtoune», importée des zones tribales pakistanaises et d’Afghanistan, très en vogue chez les salafistes. Et ils cultivent les mauvaises manières: «Foutez le camp d’ici, c’est une propriété privée», éructe l’un d’eux sur un ton menaçant. Les jeunes islamistes fondamentalistes de Solingen gardent jalousement l’arrière-cour qui abrite leur mosquée Milatu Ibrahim. Propulsée au centre de l’attention de cette ville de Rhénanie-du-Nord-Westphalie par un prédicateur réputé pour ses liens avec al-Qaida, la mosquée a déclenché une bataille rangée avec l’extrême droite: Solingen est désormais prise au piège entre extrémistes se réclamant de l’islam et néonazis.

Adeptes du bodybuilding

Brandissant des drapeaux allemands et de la région du Berg, les militants de Pro NRW, un mouvement populiste régional qui ne dissimule pas sa nostalgie du IIIe Reich, ont décidé de capitaliser sur la peur inspirée par Milatu Ibrahim. Ce samedi, quelque 150 «combattants contre le fascisme islamiste» se sont rassemblés à proximité de la mosquée sur la principale avenue piétonne de Solingen. Prenant soin de rappeler que le tueur de Toulouse se réclamait du salafisme, Pro NRW promet de protéger Solingen «contre les dangers de l’islam». Parce qu’«ici tout le monde sait que les groupuscules salafistes sont très dangereux».

Trois crânes rasés adeptes du bodybuilding applaudissent à tout rompre, entraînant derrière eux les autres partisans. «À bas le “multikulti”. Nous sommes là pour faire cesser la prise de pouvoir des étrangers, qui mettent en danger l’avenir germanique de l’Allemagne, scande Jörg Uckermann, l’un des leaders du parti. Les mosquées sont les points d’appui des extrémistes.» Les militants d’extrême droite reprennent en chœur les slogans lancés à la tribune. «Nous voulons la loi fondamentale allemande, pas la charia.»«Nous ne voulons pas de femmes lapidées en Allemagne.»«Oui à la liberté, non à l’islam.» Avant d’entonner le Deutschlandlied, l’hymne national allemand. Encadrée par des barrières métalliques, la manifestation est protégée par des centaines de policiers. «Dehors les nazis, nous ne voulons pas de vous ici», hurlent des contre-manifestants agglutinés au cordon policier. «Nazis raus, salafisten raus», «Nous voulons la tolérance», s’époumone en chœur un large groupe de lycéens de Solingen.[/i]

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