Je lis en ce moment un bouquin prêté par ma douce (non, pas Irma, l’autre) et je suis tombé sur cette phrase
Mon sang n’a fait qu’un tour, quoi, comment, c’est pas trockenes qu’il faut dire ? Du coup je la skype sans pitié à 4 heures du mat’ pour lui demander des comptes, comment a-t-elle osé me mettre ce tissu d’ignominies dans les mains etc. et elle de rétorquer qu’en fait c’est tout à fait normal, que c’est une ancienne forme peu usitée et que je ferais bien de baisser d’un ton. Cette histoire de vielle forme est plausible, puisque les mots sortent de la bouche de Nietzsche qui décrit pas le menu (ah ah jeu de mot moisi) son régime alimentaire à son médecin viennois. J’ai quand même un doute, si ça se trouve son Berlinerisch parasite son Hochdeutsch. Pour en avoir le coeur net, je vérifie donc sur le net (encore un, on ne m’arrête plus) et je tombe sur trocken Brot, Trockenbrot voire trocken’ Brot. Ma curiosité est piquée, c’est pourquoi je vous soumets cette question : d’où vient cette irrégularité dans la grammaire allemande par ailleurs en tout point rigoureusement infaillible ?
Honneur à ta connaissance et à ton respect de la grammaire, Solal!
Ceci dit, s’il fallait expliquer le pourquoi des exceptions, on ne serait pas encore sorti de l’auberge et nous en serions encore à mastiquer notre pain sec!
A proprement parler, c’est un cas, rare je l’admets, où l’adjectif est pris comme adverbe, et reste donc invariable dans une expression toute faite, comme en français, « au pain sec et à l’eau ».
« Trocken Brot macht Wangen rot », parce que l’effort qu’on fait pour le mâcher rosit les joues.
On pourrait très bien aussi l’écrire aussi Trockenbrot. Mais l’usage courant (toutes variantes confondues) dit « trocken Brot ».
A propos d’exceptions, est-ce que je te demande si et pourquoi ta grand-mère fait du vélo sur la grand-route? En allemand, c’est pareil et c’est le même prix.
Aaaaah ok. C’est vrai qu’il est pour le moins étrange que ma grand mère se rende à la grand messe par la grand route mais il est déjà de notoriété publique que la grammaire française est une œuvre maléfique créée à partir de sang de poulet, d’ailes de chauve-souris et d’une page du journal intime de Chrétien de Troyes lors d’une cérémonie vaudou. L’allemand m’avait jusque là fourni un cadre rassurant, un havre de paix où les incohérences n’auraient pas droit de cité, j’ai l’impression qu’il a trahi la confiance que j’avais mis en lui.
Console-toi, c’est le charme de toute langue bien conçue, mais qui a son caractère, tout comme une femme séduisante!
Où serait le plaisir de la conquête, si nous ne comptions que sur des poupées gonflables qui sont codifiées et prévisibles certes, mais qui nous privent du piment de l’imprévu?
C’est historique. Accrochez vos ceintures, ça va tanguer.
La déclinaison forte actuelle ne date vraiment que de la fin du XVIe siècle. Il y a eu des hésitations jusqu’après Luther. Pour faire simple:
Mittelhochdeutsch: ein guot brôt - daz guote brôt
Frühneuhochdeutsch: ein gut Brot - das gute Brot
Neuhochdeutsch: ein gutes Brot - das gute Brot.
Pour le neutre nominatif/accusatif, donc, il y a eu longtemps une absence de désinance dans la déclinaison forte. Certaines de ces expressions sont restées dans leur forme archaïque (unser täglich Brot) et personne ne cherche plus à les analyser.
Pour grand, c’est déjà un féminin en ancien français. Le -e final a été ajouté pour alligner sur la règle.
Quid de l’expression « auf gut Deutsch » que l’on emploie pour affirmer quelquechose sans ambages à quelqu’un.ex: ich sag es Dir auf gut Deutsch, Du kannst mich mal…L’absence de terminaison de l’adjectif gut s’explique-t-elle de la même façon?
+1, d’autant que c’est du 2 en 1, je n’avais jamais compris non plus pourquoi le film documentaire « Unser täglich Brot » s’appelait comme ça, mais à l’époque je ne connaissais pas AOX.