Allemagne : les sacrifices commencent à payer !
Investir dans la recherche, travailler plus et réformer l’Etat : la France l’évoque, l’Allemagne l’a fait. Résultat : ses entreprises sont en pleine forme et sa croissance repart.
(…)
Bienvenue en Allemagne, premier fournisseur de la planète ! Les entreprises d’outre-Rhin réalisent en effet un carton à l’étranger. En 2005, leurs exportations (782 milliards d’euros, nouveau record mondial) ont dépassé de 7 % celles des Etats-Unis, de 27 % celles de la Chine et de 112 % celles de la France. L’excellente santé de l’industrie teutonne (+ 3,2 % sur un an, le meilleur score des pays du G7) a fini par réveiller la croissance, qui pourrait passer de 1,1 % en 2005 à 2 % cette année. (…) Même la consommation des ménages, flageolante depuis dix ans, est en légère hausse.
(…) Ce serait (…) surtout l’occasion pour nous de tirer les leçons du sursaut allemand : aux antipodes de l’immobilisme hexagonal, les entreprises, les syndicats et l’Etat se sont radicalement remis en cause pour s’adapter à la mondialisation et en tirer les bénéfices. Le changement le plus spectaculaire est venu du business, qui fait désormais preuve d’une capacité d’innovation digne des start-up californiennes. L’industrie lourde, la machine-outil ? Des clichés pour manuel d’histoire économique mal actualisé. L’Allemagne de ce début du XXIème siècle, c’est 2,5 % du PIB dépensés en R&D (autant que les Etats-Unis), un record d’Europe des dépôts de brevets (156 par million d’habitant en 2003, deux fois plus qu’en France) et plusieurs « Silicon Valley » de réputation mondiale. En dix ans, la Bavière est ainsi devenue l’un des premiers pôles planétaires de la biotech, tandis que la Saxe, de Dresde à Leipzig, a attiré 800 firmes de microélectronique. Autour de Stuttgart, la région du Bade-Wurtemberg est tout simplement la plus innovante d’Europe, à la fois par le montant des dépenses de recherches et le nombre de brevets. Daimler-Chrysler, Porsche, Bosch et Carl Zeiss y travaillent main dans la main avec des centaines de PME high-tech, un réseau d’universités scientifiques et 32 centres de recherche.
(…) Cette adaptation de l’économie à la révolution high-tech mondiale n’aurait cependant pas pu réussir sans le soutien des syndicats. Dans la fameuse « cogestion » à l’allemande, ils sont incontournables : la moindre Pme soumet ses projets à un conseil élu par le personnel, tandis que dans les grandes entreprises, les représentants des salariés occupent la moitié des postes au sein des conseils de surveillance et participent à tous les choix stratégiques, recrutement des dirigeants compris. Or, cet acteur de poids a joué le jeu. (…) « Pour s’adapter à la mondialisation, notre économie doit être plus flexible » admet par exemple Wolfgang Schröder, l’un des dirigeants d’IG Metall, une centrale de 2,5 millions d’adhérents.
Pas fous au point de se fâcher avec des partenaires aussi « réalistes », les patrons ont mis en veilleuse leurs critiques de la fin des années 90, quand la cogestion était accusée de freiner les prises de décisions. Car, aujourd’hui, elle permet au contraire des réformes qui, en France, déclencheraient le Grand Soir ! Bien sûr, c’est donnant-donnant : les syndicats renoncent à certains acquis pour préserver l’emploi. Heinrich von Pierer, le président de Siemens, vient ainsi d’augmenter la durée du travail de 35 à 40 heures sans modifier les feuilles de paie. Mais il a promis d’annuler 5 000 licenciements. (…) Au total, les syndicats ont signé 540 accords d’entreprise dérogeant à la législation du travail. Certains modifient la durée du travail ou instaurent des horaires flexibles, d’autres suppriment les primes ou font baisser les salaires à l’embauche. (…)
Pour retrouver du tonus, l’Allemagne a enfin lancé la réforme de l’Etat, à l’initiative de Gerhard Schröder. Les résultats de ce chantier sont certes plus contrastés, mais au moins a-t-il été ouvert, et pas remis en cause par l’alternance politique. On ne peut pas en dire autant de ce côté-ci du Rhin…En 2004, le gouvernement allemand a commencé par s’attaquer à l’assurance chômage. Jusqu’alors, un demandeur d’emploi percevait 68 % de son salaire pendant trois ans, et 57 % ensuite. (…) aujourd’hui, au bout d’un an, les chômeurs n’ont plus droit qu’à une indemnité de logement et à une aide sociale de 345 euros au minimum, variant en fonction du patrimoine et du revenu des ménages. (…)
(Est ensuite évoquée la réforme de l’ANPE allemande)
Tout en peaufinant ces réformes pour l’emploi, la chancelière Angela Merkel a ajouté sa pierre à l’édifice en touchant au financement des retraites (l’âge légal du départ va passer de 65 à 67 ans !). Elle a aussi promis de s’occuper de la Sécu d’ici l’été, puis de faire baisser l’impôt sur les sociétés. Ouf ! Elle a beau avoir le soutien de la grande coalition CDU-SPD, cela commence peut-être à faire beaucoup pour des Allemands impatients de recueillir le fruit de leurs efforts. Déçus de ne pas voir l’emploi s’améliorer, les syndicats recommencent d’ailleurs à exiger de fortes hausses de salaires, signe que la marge de manœuvre de Madame Merkel est mince. La chancelière dispose cependant d’un atout de poids : d’après les sondages, 80 % des citoyens lui font confiance…