Eh bien, je vais peut-être te surprendre, mais ton amie allemande a beaucoup de chance. Ce n’est pas du tout la règle en Allemagne que le père fasse autant de choses dans le maison (ni même les maris ou « petits amis » dans les couples sans enfants…).
La répartition des rôles dans le couple est encore très traditionnelle en Allemagne.
Certes, il y a eu quelques petits changements : on voit plus de jeunes papas qui font des choses, qui s’occupent des enfants,… et on voit un petit peu plus d’hommes qui prennent en charge quelques tâches ménagères.
Mais, cela reste des exceptions.
Par exemple, le repassage reste -statistiquement parlant (à en croire toutes les « Untersuchungen »/études qui ont été mené depuis des années)- toujours encore le monopole des femmes en Allemagne.
Autre exemple : très peu de papas jouent avec leurs enfants.
Et ce ne sont pas que les statistiques qui le disent :
Je me souviens que cela m’avait choqué quand ma fille était encore petite. Comme je l’emmenais à l’école le matin, que j’allais aux « Elternabende » (c’est des soirées pour les parents d’élèves), ou quand je discutais avec les mamans des autres enfants (vu que je ne croisais que des mamans et pas de papas le matin à l’école…) : aucun des papas des autres enfants ne jouait avec ses gamins. C’est du moins ce que presque toutes les mamans disaient déjà à l’époque. Mais, il n’y avait pas que ça : faire le ménage, c’était pareil… La seule chose qui faisait exception, c’était qu’ils aidaient de temps en temps à débarasser la table ou faire la vaisselle. Mais c’était pas courant ! Bref, tu peux t’imaginer la tête des mamans : moi, le seul papa qui amenait sa gamine à l’école, qui allait à toutes les soirées parents d’élèves… et qui en plus m’occupait de 90% des tâches ménagères !!! Certaines mamans me regardaient comme un extra-terrestre.
D’autres mamans étaient « gekränkt » que leurs maris ne fassent pas pareil. D’autres mamans étaient plutôt admiratives de notre façon de vivre en couple, mon épouse et moi, mais c’était les exceptions ! La plupart des mamans ne voyaient pas ça d’un très bon oeil… Mais là je te parle d’il y a une bonne dizaine d’années, voire un peu plus, quand ma fille était petite. Depuis les choses ont un tout petit peu bougé : on me regarde moins comme un extra-terrestre, bien que…
Et puis je commence à connaître pas mal d’autres parents d’élèves, dont les enfants vont à l’école avec ma fille depuis plusieurs années. Donc eux ça ne les choque plus. Malheureusement, s’impliquer en tant que papa reste un phénomène très marginal en Allemagne et ce n’est pas vraiment bien percu…
Mais, pour revenir à notre discussion/débat/échange, concernant le problème des rapports homme-femme dans le couple lorsqu’il y a des enfants, ou quand les couples se posent la question s’ils veulent avoir ou non des enfants :
Tout d’abord un chiffre, car les chiffres sont parfois très évocateurs et parlent mieux qu’un long discours : Selon un rapport de l’OECD (on dit « OCDE » en français je crois), pour 52,3% des couples avec un ou des enfant de moins de 6 ans c’est l’homme qui travaille à plein temps et la femme qui est à la maison. A titre de comparaison : en France c’est le cas pour 38,3%…
(Mais, il y a pire encore : 56,9% en Espagne. Tout comme il y a beaucoup mieux encore : 32,8% en Angleterre et 24,9% en Suède ! Ah la la, décidément les Suédois ont toujours eu quelques longueurs d’avance sur nous…)
Bref, comme te le montre bien ce premier chiffre : la répartition « homme travaille-femme à la maison » est encore et toujours la réalité pour une majorité de couples en Allemagne.
Donc, cela répond en partie à ta première interrogation :
Maintenant, pour répondre plus précisément à ta question, donc en ce qui concerne les souhaits des hommes, c’est très difficile d’y répondre. Car il y a d’un côté ce que les gens disent et de l’autre la réalité, qui est souvent moins rose…
Tiens, un autre chiffre, oh et puis non, je vais te traduire l’essentiel de l’article du Spiegel ce sera plus simple.
Alors, voilà en substance ce que dit cet article :
[i]Le sociologue Ulrich Beck estime que pour une majorité d’hommes on peut résumer le diagnostic sous la forme suivante : « Verbale Aufgeschlossenheit bei weitgehender Verhaltensstarre » = ouverture « orale » mais blocage dans les attitudes et le comportement, concrètement donc.
En fait, beaucoup d’hommes se disent modernes, et ils pensent parfois même qu’ils le sont ! mais ils vivent malgré tout comme leurs propres pères… forcant donc, indirectement, à ce que leurs épouses doivent vivre comme leurs propres mères il y a des décennies…[/i]
(Et ceci n’est pas du pessimisme ou une façon de noircir les choses, c’est la triste réalité que nous vivons en Allemagne - et pas que en Allemagne, je rajouterai même)
En fait, selon le Spiegel, beaucoup de gens bien placés pour le savoir (des analystes, des politilogues, mais aussi des journalistes ainsi que d’éminents chercheurs) pensent qu’en Allemagne l’émancipation a complètement échoué.
Et les conséquences sont évidemment dramatiques… plus de naissances alors que la population vieillit, etc…
Quelque chose qui risque de te surprendre : Beaucoup de « Akademikerinnen » (femmes ayant fait des études supérieures) sont contre le fait d’avoir des enfants - entre autre parce qu’elles savent que tôt ou tard tout leur retombera dessus, ce sont elles qui devront s’occuper de tout.
Certains disent que [i]nous aurions besoin de nouveau « idéaux de société », capables donc de faire bouger les mentalités, et de façon à donner de nouveau envie aux gens de faire des enfants.
Malheureusement, dans la mentalité allemande, il faut que la maman reste à la maison, à tout prix.[/i]
Je rajouterai à ce que dit l’article : le pire, c’est que ce sont les femmes elles-mêmes qui sont les plus dures, les plus critiques, voire parfois cruelles envers celles qui ne restent pas à la maison. Quand une maman ne reste pas chez elle pour s’occuper et garder les enfants, si tu savais ce qu’elle est obligé d’entendre de la part des autres mères !.. c’est effarant et choquant parfois.
Mais, continuons avec la traduction de l’article :
[i]Bien sûr, le taux de natalité est très bas aussi à cause du manque d’envie des hommes d’avoir des enfants. Beaucoup d’hommes refusent catégoriquement d’avoir des enfants car ils devraient devenir « Ernährer » (nourrissiers = celui qui amène l’argent à la maison). Mais, en plus, de nos jours ils devraient aussi changer les couches, être un bon amant au lit,… et de préférence tout à la fois ! En plus ils devraient partager équitablement avec leur épouse et ne pas les empêcher de suivre leur propre carrière professionnelle. Beaucoup d’hommes se sentent dépassés par toutes ces attentes.
Et ceux qui décident malgré tout de franchir le pas et d’avoir des enfants échouent souvent tôt ou tard : un tiers des couples mariés avec enfants divorcent (tendance à la hausse). En effet, quand le premier enfant arrive beaucoup de couples retombent dans les vieux rôles traditionnels… avec pour résultat que le premier enfant ne les raproche pas mais au contraire les sépare de plus en plus : car la conscience des jeunes parents est moderne, ils pensent de façon moderne, mais la réalité les replonge malheureusement dans des rôles qui datent des années 50…
Le problème c’est que l’Etat allemand n’est jamais resté neutre sur cette question de répartition des rôles : c’est l’Etat lui-même qui a entretenu ce rôle de « Ernährer » (père-nourrissier) en Allemagne. C’est d’ailleurs connu que l’Etat allemand soutient ce modèle du père-nourrissier comme aucun autre Etat en Europe.
La Commission de Bruxelles a même plusieurs fois sanctionné l’Allemagne parce que son système fiscal désavantage les femmes : dans la « Steuerklasse V » (la classe d’impôt 5), il n’y a quasiment aucun homme…
Certaines femmes disent que c’est très frustrant car le jardin d’enfants (Kindergarten) leur coûte très cher et en plus elles sont défavorisées par la classe d’impôt la plus élevée - à la fin il ne leur reste plus que de l’argent de poche. Mais certaines femmes disent qu’il vaut mieux ça que de demander de l’argent de poche à son mari…[/i]
Un autre problème qu’aborde très bien le Spiegel dans son article est que [i]cet échec de l’émancipation n’est pas seulement individuel, mais que c’est un échec de la société (et un véritable problème de mentalité en Allemagne) :
Par exemple, dans la recherche d’un partenaire : Chez les hommes, les études supérieures et un bon salaire améliorent considérablement les chances de se marier et d’avoir des enfants. Les femmes cherchent avant un tout un « Ernährer », un « papa-nourrissier », les hommes eux cherchent la femelle (ce n’est pas de moi ! c’est le Spiegel qui le dit ! : « das Weibchen », donc je ne fais que traduire !). Et beaucoup de femmes se réfugient très facilement aussi dans un rôle de maman à la maison, surtout quand elles ont eu quelques échecs professionnels.
Et de tels principes archaiques se mettent en place dès l’école et les études : S’il y a plus de filles qui réussissent le Abitur que de garçons, on peut constater que dans le choix des études, les Allemands reproduisent un schéma très différent : Beaucoup de jeunes femmes se permettent de faire des études dans des matières qui n’ont quasiment aucune chance de leur procurer un travail plus tard. La sociologue Cornelia Koppetsch pensent que cela s’explique par le fait que la plupart des femmes allemandes savent qu’elles n’auront pas à subvenir aux besoins d’une famille - au pire des cas elles devront subvenir à leurs propres besoins.
Et la « Familienforscherin » Blossfeld rajoute que si d’un côté les niveaux de qualification hommes-femmes se sont plus ou moins égalisés (les femmes étant de plus en plus diplômées et bien formées), dans la réalité il existe encore bel et bien une séparation entre des emplois destinés uniquement aux femmes et des emplois destinés uniquement aux hommes. Selon Blossfeld, c’est même encore pire : cette séparation est en hausse sur le marché de l’emploi.
Doris Janshen, directrice d’une université, et qui s’est très investi pour rendre les carrières scientifiques plus attrayantes pour les femmes dit qu’elle a du se résoudre à abandonner complètement : « résultat choquant », dit-elle.
Elle rajoute : « les mères qui font de belles carrières professionnelles me disent souvent durant mes séminaires : Nos filles ne veulent rien avoir à faire avec tout ce « Kram » (tout ces trucs). Elles veulent un mari. Point. »[/i]
Commentaire perso : Ce qui est fou c’est : dans le temps, nos grands-mères disaient à leurs petites-filles que les études ça ne sert à rien et qu’il vaut mieux trouver un bon mari. Et aujourd’hui, ce sont les arrières-petites filles qui disent qu’il vaut mieux trouver un bon mari !!! C’est fou je trouve.
(Fin du commentaire personnel - je continue avec la traduction de l’article)
Ce qui est le plus étonnant c’est que les jeunes femmes ne se sentent pas forcément dévalorisées dans un rôle de maman à la maison. Elles ne veulent pas forcément combattre pour l’égalité comme les féministes acharnées à la Alice Schwarzer and co.
"Le féminisme est considéré par la plupart des étudiantes comme « total uncool » ", dit la professeur Janshen. " Ses étudiantes lui disent même : « je ne suis pas une « Emanze » (=une émancipée), que vous le sachiez tout de suite ! »
Un autre chiffre inquiétant (qui vient alimenter notre sujet) : [i]Les femmes mariées contribuent en Allemagne à seulement 18% des rentrées d’argent des foyers/familles. Aux USA c’est le double.
Un autre problème vient du fait que la réussite professionnelle rend les hommes attractifs/sexy et les femmes « einsam » (seules). En effet, plus de 20% des hommes ne se marient qu’avec des femmes qui sont moins diplômes que eux. Et parmi les hommes qui ont fait des études supérieures, c’est carrément le cas de 50% d’entre-eux…
Médecin et infirmière, cela fonctionne. Mais infirmier et médecin(-femme), ça ne fonctionne pas.
Et chez les femmes c’est pareil : les femmes ne se marient quasiment jamais « abwärts » (avec des hommes moins qualifiés ou exercant un métier moins « élevé » que le leur, ou avec un statut social ou professionnel inférieur…).
Résultat : dans la recherche du partenaire ceux qui restent souvent seuls très longtemps sont : les hommes avec peu de qualification et les femmes très qualifiées.[/i]
D’après une Untersuchung/étude très sérieuse de la « Bundeszentrale für gesundtheitliche Aufklärung » (je ne sais pas comment on peut traduire ça) : plus un homme gagne bien sa vie, plus il a de chances d’avoir une relation stable et des enfants - chez les femmes c’est l’inverse.
Et ceux qui essaient d’aller contre ce schéma subissent des échecs cuisants : Les unions où l’homme a un statut inférieur à son épouse conduisent plus souvent au divorce que les autres unions/mariages…
Un autre problème abordé par le très long article du Spiegel, c’est que la proportion de couples avec 2 enfants (ou plus) est en chute vertigineuse, encore pire que les couples avec un enfant unique.
Et beaucoup de femmes repoussent leur envie d’enfant à de plus en plus tard, jusqu’à ce que, arrivées à 40 ans, elles se rendent compte que c’est trop tard.
Autre problème abordé dans cet article : [i]les hommes travaillent plus après la naissance de l’enfant qu’avant la naissance.
D’après la même étude de cette « Bundeszentrale », le nombre d’heures supplémentaires augmente dès que les hommes deviennent pères. Les raisons évoquées sont diverses : les uns disent que c’est pour ramener plus d’argent, donc par besoin, les autres disent que c’est pour échapper aux cris du bébé, aux nouvelles responsabilités en tant que père,…
La sociologue Janshen déplore cependant que les mères n’impliquent pas plus leurs maris. « Elles ne les confrontent pas avec la réalité et prennent ainsi des décisions inconscientes qui peuvent avoir des conséquences fatales pour leur histoire de vie commune ».
Gabriele Lübeck, 43 ans, diplômée en droit, raconte : « A 20 ans, je croyais que le monde était à ma portée. Aujourd’hui, je suis à la maison, avec nos 3 enfants et je suis frustrée. »
Frustrée que cela lui soit justement arrivée à elle, dit-elle.
« En fait », avoue-t-elle, « je me suis laissé tenté par la fuite dans le rôle de maman. J’ai d’abord éprouvé ça de manière agréable de ne plus avoir à me battre tous les jours sur le marché du travail. »
Plus tard, elle fit la deuxième erreur lorsque du peu de temps qu’elle avait, elle décide de travailler dans des « petits jobs » à temps partiel - au lieu de faire quelque chose pour sa carrière professionelle à plus long terme. Elle donna des cours et géra les appartements de son mari. « Je voulais juste gagner un petit peu quelque chose en plus. », raconte-elle.
Depuis, elle s’est séparé de son mari : « nous ne pouvions plus vivre ainsi », dit-elle. Depuis 3 ans, elle cherche du travail. Jusqu’à maintenant sans succès - que des réponses négatives. Pour reprendre dans son domaine (le droit) il lui manque la nécessaire expérience, pour les « Bürojobs » (=jobs de bureau) elle est automatiquement « aussortiert » (=on la sort des piles de CV) car surqualifiée, et avant tout : avec toutes ces années de vie de mère, elle est aussi devenu un peu âgée.[/i]
(J’arrête là pour l’instant - il reste encore 4 pages dans cet article du Spiegel - si j’ai le courage, je te traduirai ça plus tard ou demain - mais là faut que j’aille préparer le petit-déj’ - donc a+ !).