Je ne sais pas si les réserves d’espace disque sur le serveur du forum suffiront ! Je ne sais pas si tu te rends compte vu l’âge qu’elle a, tout ce que je pourrai raconter sur son éducation…
En plus, je ne l’ai pas éduqué tout seul. Sa maman a joué un grand rôle aussi. Et mon épouse actuelle un peu aussi (même si ma fille ne se laisse pas dire grand chose de mon épouse, vu qu’elle n’est pas sa maman).
Et puis, comme disait André Maurois je crois, « l’éducation des parents n’est qu’un aspect de l’éducation des enfants, les enfants recevant 3 types d’éducations, celle de leurs parents, celle de leurs professeurs et celle du monde, la dernière venant contredire les deux premières. »
Oui bien sûr. Quand elle était petite je voyagais encore beaucoup pour des raisons professionelles (j’effectuais des missions à l’étranger). Donc nous déménagions souvent, et à chaque fois elle devait se refaire un cercle d’amis. Sans parler des difficultés qu’il y a pour une petite fille de se retrouver dans des pays dont elle ne connaissait pas la langue… Donc ça ne s’est pas toujours bien passé.
Sa mère (ma 1ère épouse) est d’origine marocaine, et ma fille a hérité beaucoup de traits de caractère de sa mère. (D’ailleurs à l’époque la nationalité de ma première épouse nous a posé des difficultés avec l’administration américaine qui s’occupe des dossiers des expats. Enfin bref.) Donc ma fille, qui a un caractère très fort, a parfois eu du mal à s’adapter aux usages locaux des pays où nous déménagions. Elle a aussi souffert de propos racistes très jeune, en raison de la couleur « café au lait » de sa peau, alors que c’est une jolie jeune fille (les filles sont parfois très cruelles entre elles). Je crois que le fait qu’elle n’ait pas gardé beaucoup d’amis des endroits où nous avons habité, et qu’elle n’a donc pas un cercle d’amis très ancien comme ses copains et copines, est quelque chose de très dur pour elle. Elle en parle de temps en temps. Je sais que je n’ai pas de soucis à me faire parce qu’elle a une nature très enthousiaste (elle a un caractère de meneuse), et elle se fait toujours plein de copains et de copines. Mais je sais aussi qu’elle aurait aimé avoir des vieux amis/amies d’enfance, comme ses copains et copines. Et de savoir que c’est un peu de ma faute, m’attriste. Mais bon, dans l’ensemble je crois qu’elle n’a pas eu trop de « chocs culturels » dans les pays où nous avons habité. Elle s’est adapté assez vite. Du moins c’est ce que j’ai vu, mais de là à savoir ce qu’elle ressentait, c’est autre chose…
Et puis je n’ai pas toujours été un père très présent à cette époque. J’étais jeune et complètement obsédé par ma carrière professionnelle. Comme je ne me débrouillais pas trop mal, mon employeur m’envoyais sur des missions de plus en plus complexes, en me donnant de plus en plus de responsabilités. A 30 ans je supervisais 200 employés… Pour moi, à l’époque, la seule chose qui comptait c’était gagner beaucoup d’argent (j’étais heureux de voir mon salaire doubler tous les 2 ou 3 ans), de voyager et de gravir les échelons de la hiérarchie. Je me voyais déjà Managing Director (directeur général) à 35 ans.
Pendant toutes ces années, je n’ai pas été très présent pour elle, et en y repensant cela m’attriste beaucoup. Je le regrette profondément, et elle le sait. Mais on ne revient plus en arrière, malheureusement.
A 33 ans, après avoir changé les employeurs comme on change de chemise (avec bien sûr encore plus d’avantages, de plus belles voitures de fonction, de plus gros salaires et bonus, etc), je me suis retrouvé face à une situation à laquelle je ne m’attendais pas (je pensais, naivement, que ça ne m’arriverai jamais) : sur un très gros contrat, j’ai fait une bourde lors d’une négociation avec le Comité de Direction de l’entreprise pour qui nous travaillions, et les conséquences ont été catastrophiques : nous avons perdu le contrat et le client. Mon employeur a très mal réagi et m’a foutu à la porte.
Ce fut un choc pour moi. J’ai mis près d’un an pour m’en remettre. Durant l’année qui a suivi j’ai été incapable de recommencer à travailler. Cet épisode fut le détonateur d’une prise de conscience : tandis que je vivais dans ma bulle, j’avais oublié ceux que j’aime et qui m’ont toujours entouré : ma fille et mon épouse (qui m’a quitté peu de temps après - normal vu le connard que j’étais à l’époque). J’étais tellement concentré sur mon travail que ma vie familiale était passé au second plan. La vie de famille arrivait très loin derrière ma carrière. Je sortais le soir du bureau vers 22h ou 23h, et arrivé à la maison je continuais sur les dossiers que j’avais emporté. Quand j’avais fini, vers 1 ou 2h du matin, j’allais voir mon épouse, qui dormait déjà. Ma fille je ne la voyais que durant mes congés annuels. Durant des années j’ai complètement négligé tout ça. Lorsque je me suis retrouvé à la porte, j’ai cru perdre la tête. C’est facile à comprendre : quand on fait des semaines de 80 ou 90 heures de travail, week-end et soirs compris, et qu’on se retrouve sans activité, il y a de quoi devenir fou. Le seul petit point positif était que j’avais tellement d’argent de côté que je n’avais pas besoin de me faire de soucis pour nos finances, même sans travail. Mais à l’époque cela ne m’a même effleuré l’esprit. J’étais comme perdu. Comme un lion en cage. Comme quelqu’un d’hyperactif mais qui ne sait plus quoi faire. Au bout de 5 mois, j’ai finalement accepté de me faire aider par un professionnel (psy). Et je dois dire que là aussi, ce fut une expérience très enrichissante. Avant cela j’avais une piètre opinion des psy. Pour moi c’était tous des charlatans. Ce psy m’a beaucoup aidé à me retrouver, à retrouver d’autres centres d’intérêt, à prendre du recul, etc.
4 mois plus tard, lors de mon 34ème anniversaire j’ai fait une promesse à ma fille : de ne plus jamais recommencer et de lui promettre d’être là quand elle a besoin de moi.
Les années qui ont suivi ont été très différentes de mes premières années de travail. Je suis entré dans une banque, à un poste bien au-dessous de mes compétences et responsabilités, mais qui correspondait à mes nouvelles attentes et priorités : avoir plus de temps pour moi et pour ma famille. Cela s’est plutôt bien passé durant près de 5 ans. Un peu avant mes 40 ans, j’ai changé de travail (un copain m’a proposé de m’associer avec lui dans une affaire -rachat d’une petite société de services). Après un peu plus d’un an, j’ai retiré mes billes et j’ai changé de boulot. Et depuis cette année je travaille à mon compte (j’ai créé une petite entreprise qui emploi 6 salariés, 5 consultants et 1 comptable). Mais mon temps n’est plus réparti de la même façon qu’il y a 15 ou 20 ans : je prend mon temps et ne me fait plus un sang d’encre si les choses n’avancent pas aussi vite qu’elles le devraient. Et si ma fille a besoin que je sois là pour elle, je n’hésite plus à annuler un RDV professionnel. La priorité ce n’est plus mon travail, c’est ma famille. Elle passe avant tout le reste.
Je ne sais pas si j’ai bien répondu á ta question, car j’avoue qu’entre-temps, avec tous ces souvenirs qui reviennent, ça me remue l’estomac et j’ai la gorge serré d’émotions, et j’ai complètement perdu le fil. Excuses-moi Glouglou. Je vais boire quelque chose et revenir vérifier si j’ai pas répondu de travers à ta question.