Yiddish

Tu parles yiddish activement michelmau?

Je l’ai étudié quelques temps, par correspondance et par cassettes avec une prof . Mais je serais bien incapable, à l’heure actuelle, de mener une conversation dans cette langue. Je lisais assez souvent aussi le journal « Undzer Vort =notre parole ». :wink:

Je me demandais s’il y avait encore à l’heure actuelle le yiddish n’était pas devenue une langue morte ?. A-il perdu son statut de langue vernaculaire ?

Par la force des choses, Val !
Le yiddish comme langue vernaculaire était enraciné dans une culture et un terroir donnés*, où les Juifs constituaient une population majoritaire. Les Juifs qui ont quitté l’Europe au début du XXe siècle puis, pour des raisons diverses, entre les deux guerres, se sont américanisés à partir de la deuxième génération, et le primat de la langue vernaculaire est revenu ainsi à l’anglais.
Il était très facile, notamment en Galicie (sud-est de la Pologne), de faire le recensement de populations juives dans les « Shtettl » de cette région. Comme l’administration polonaise mentionnait la religion sur les registres d’état-civil et sur les documents d’identité, l’encyclopédie allemande Brockhaus, dans son édition en 20 volumes parue jusqu’en 1932, avait beau jeu pour faire état d’une population juive de 70 à 95 % dans les petites villes de Galicie. Il va sans dire que sous l’occupation allemande, la moisson sur ces bases fut extrêmement fructueuse…

  • cette édition s’est enrichie en 1933, pour des raisons évidentes, d’un complément qui était, en plus d’un mode d’emploi du national-socialisme, un Who’s who de personnalités déchues de leurs fonctions et de leur nationalité.

OK, Andergassen, tes explications sont très logiques. En fait, j’avais tendance à penser que l’hébreu, tel qu’il a été reconstitué, servait de langue vernaculaire pour la communauté juive, et que le yiddish, même parmi-ceux demeurés en Europe, n’était plus employé. Je pense que cela aurait été bien, comme c’est le cas pour les créoles ou lcertaines langues régionales, etc. qu’ il y ait d’autres personnes,autre que les spécialistes des sciences humaines et les artistes (le hip-hop klezmer) ou des personnes très agées qui veulent refaire vivre cette langue pour qu’elle soit de nouveau parler naturellement.

Ensuite, tu parles du rencensement des populations juives qui a indirectement facilité la repression de ces personnes, c’est indéniable. D’ailleurs, il semblerait que le yiddish doive aussi son déclin à son statut de langue germanique. Alors qu’à mon avis, cette langue aurait dû être vue comme la langue des victimes de la Shoah

==========Rajouté au moins 4 heures après, suite à la réponse d’Andergassen qui suit
@ :wink: Juste un rajout, pour te remercier pour ce compléments d’explications documentées, en faisant un petit hors sujet. Chez moi, une petite discussion a émergé au sujet de l"emploi de « co-national » et « compatriote ». Personnellement, je trouve le néologisme « co-national » moins lourd que « compatriote » . Quant à la version allemande du mot au féminin, « Landsmännin », elle m’a toujours amusée mais cela a déjà été évoqué.

L’hébreu a été une langue vernaculaire pour ceux qui ont émigré en Palestine sous la pression du sionisme, surtout à compter de la deuxième génération. La Déclaration Balfour de 1917 reconnaissait l’existence, dans un Etat belligérant ennemi (l’Empire ottoman), d’un foyer national juif, sur des terres peuplées de population musulmane et de langue arabe, précurseur du futur Etat d’Israël, où l’hébreu aurait été en quelque sorte la langue « nationale ».
En fait, le sionisme a touché un nombre minimum de personnes, la plupart des Juifs vivant dans l’Empire russe et dans la monarchie austro-hongroise, émigrant plutôt en Amérique, à l’instar de leur conationaux chrétiens (surtout dans les régions montagneuses qui vivotaient sur une terre ingrate), pensant y trouver des conditions de vie plus faciles. Emigrer en Palestine, dans un désert où tout était à construire, sur une terre musulmane de surcroît, était un défi lancé à une vision plus spirituelle que matérielle d’une existence meilleure.
Quant au yiddish considéré comme la langue des victimes de la Shoah, il ne pouvait pas s’imposer comme tel. Le yiddish était parlé dans le cadre d’une communauté fermée qui, notamment aux Etats-Unis, s’est intégrée peu à peu dans un moule anglo-saxon, à l’instar des autres immigrants. Il devenait donc à ce titre une langue purement « folklorique » dans un environnement étranger. D’autre part, en tant que langue d’origine germanique, elle fut souvent mal vue comme telle, à l’instar de l’allemand standard, alors qu’on voulait se refaire une existence sur des bases anglo-saxonnes. Ca a été la même chose en Alsace-Moselle (plus encore en Moselle, d’aillleurs), où l’on voulait éliminer de l’éducation nationale toute référence à l’appartenance à une communauté germanophone.

Pour illustrer, de manière facétieuse , le fossé à la fois culturel et linguistique qui s’est créé entre la génération des parents et grands parents très attachée à leurs traditions et la nouvelle génération, forcée de s’adapter bon an mal an à sa nouvelle vie, une petite histoire (en yiddish, sous-titrée en français), que j’avais lue il y a longtemps et que j’ai eu le plaisir de retrouver sur un site de partage de vidéos .
Vous verrez ; avec un peu d’attention et d’habitude , on peut comprendre pas mal de choses.

Juste pour information, les Juifs sépharades d’Espagne et d’Afrique du nord parlaient (certains le parlent encore aujourd’hui ), un équivalent hispanique du yiddish ; le ladino.Vaste répertoire de chansons , comme pour le yiddish , d’ailleurs.
Petite illustration:

LA SITUATION DU YIDDISH À L’AUBE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE , une page très informative sur ce sujet.

Loin, très loin de l’Allemagne, il existe un quartier où on parle encore jiddisch: Outremont à Montréal, où selon wikipedia, 10% de la population parle yiddish. C’est un quartier chic où on y entend encore cette langue quand on flâne dans les rues, où on peut aller manger un sandwich à la viande fumée dans une boucherie au charme désuet d’antan…